Sarkozy devrait fournir des réponses claires sur le niveau des investissements que compte engager la France en Algérie. Si la déclaration d'Alger de mars 2003 a été un moment fort dans les relations entre les deux pays, n'était la loi du 23 février inspirée par le lobby de l'Algérie française dans l'Hexagone qui a tout gâché, la volonté de Sarkozy d'établir un partenariat d'exception avec l'Algérie doit aller au-delà de simples déclarations de circonstances et se concrétiser par des actes. La guerre des mots et la langue de bois ont assez duré. Le président Sarkozy arrive demain lundi à Alger dans un contexte diplomatique marqué par une tension sur la mémoire, un dossier mis en veilleuse par le président Bouteflika mais déterré par “la famille révolutionnaire”. Si l'on a frôlé l'incident diplomatique, il n'en reste pas moins que le déplacement de Nicolas Sarkozy demeure un test d'une extrême importance pour l'Algérie concernant le niveau d'investissements que compte apporter la France dans le pays. Ainsi, au-delà des maux du passé, qui jusqu'ici hypothéquaient l'évolution des relations algéro-françaises, il y a le présent et l'avenir. C'est dans ce sens qu'il faut inscrire le message du chef de l'Etat adressé à son homologue français jeudi dernier et dans lequel il affirmait que “le président français sera reçu en ami au cours de sa visite d'Etat en Algérie, visite essentielle pour les deux pays”. La famille révolutionnaire, la repentance Cette intervention, qui a mis un terme à la polémique née suite aux déclarations du ministre algérien des Moudjahidine suivies par celles du patron de l'ONM sur le passé colonial, signifie que l'Algérie en tant qu'Etat a opté pour le pragmatisme dans ses relations avec l'Hexagone en taisant depuis l'intronisation de Sarkozy à l'Elysée la revendication concernant la repentance. Mais elle veut aussi dire que le contentieux historique demeure lourd et que les acteurs de l'histoire sont toujours présents et continuent de revendiquer la vérité sur le passé colonial de la France. Si la page est tournée, elle n'est pas pour autant déchirée. De ce fait, il s'agit aujourd'hui d'arriver à une action abstraite et réfléchie afin de dépassionner l'histoire et servir de clé de voûte à la concrétisation du traité d'amitié entre les deux pays. Mis à part cette déchirure historique, liée à la guerre des mémoires, il semble que ce qui lie la France à l'Algérie est de loin beaucoup plus essentiel que ce qui les sépare. Aussi, les relations entre la France et l'Algérie doivent d'abord se fonder sur une nouvelle grille de valeurs pour arriver à un pacte stratégique dépassant les temps et les vents. Ainsi, en attendant que ce dossier connaisse un début de règlement, les Algériens souhaitent que l'engagement français en Algérie apporte des actes concrets. Ce qui est essentiel dans les relations bilatérales, c'est de dépasser les effets d'annonce qui l'emportent trop souvent sur l'intérêt commun, voire sur l'action concrète. Il s'agit en clair de s'inscrire dans l'essence même du traité d'amitié, annoncé en mars 2003 par l'ex-président Chirac mais qui n'a pas connu d'effet sur le terrain en raison du vote par l'Assemblée nationale française de la loi du 23 février 2005. L'investissement et après on verra “Le président français est appelé à fournir des réponses globales aux questionnements de son ami le président Abdelaziz Bouteflika. Celles-ci doivent confirmer les différents niveaux des actions retenues lors des travaux préparatifs à Paris des ministres des Affaires étrangères des deux pays et toute une série d'instruments y afférents. Dans cette optique, l'encouragement et l'augmentation du volume des investissements des entreprises françaises en Algérie sont de mise”, affirment des sources proches du dossier. Une centaine d'hommes d'affaires accompagnera le président français lors de sa visite d'Etat en Algérie. Parmi eux, on peut citer les hommes d'affaires affiliés au mouvement des entrepreneurs français, le Medef. “L'ambition des deux présidents vise précisément à construire une nouvelle relation équilibrée, une relation d'exception, une relation de confiance fondée à la fois sur le respect mutuel et les intérêts réciproques et qui intègre nécessairement la densité et la richesse exceptionnelles des relations humaines, avec la conviction de ne pas verser dans la banalisation”, ajoutent les mêmes sources. Mais s'il est vrai que la France est le premier investisseur hors hydrocarbures en Algérie, il n'en reste pas moins que l'engagement reste faible par rapport à l'appréciation des relations inscrites dans le cadre d'un partenariat d'exception. La France a tous les atouts pour être vis-à-vis de l'Algérie un partenaire stratégique et privilégié. Ce statut est inscrit dans la géographie, la culture et l'histoire. En d'autres termes, l'opportunité de cette visite peut permettre d'enclencher des dialogues constructifs sur un partenariat durable, combinant des intérêts communs au triple plan économique, politique et stratégique. Bernard Kouchner a clairement laissé entendre, récemment, en recevant son homologue algérien au Quai d'Orsay, que la France allait “poursuivre ses investissements et les intensifier, car le climat politique est meilleur, tout comme le climat bilatéral”. De ce point de vue, Alger attend un engagement au même niveau sinon mieux que celui inscrit avec le Maroc. Il faut dire aussi que l'objectif de cette visite consiste à faire le constat des évolutions positives que l'Algérie a enregistrées ces dernières années et celles susceptibles d'intervenir au fur et à mesure que les projets d'investissement français se précisent et d'identifier, par ailleurs, de nouveaux secteurs pouvant faire l'objet d'un partenariat algéro-français. Des sources proches du dossier précisent que la France peut promouvoir l'investissement et l'environnement des entreprises qui doivent être centrées autour des PME, considérées comme pourvoyeurs de croissance et d'emplois, la réforme du secteur public/privatisation, la réforme du secteur financier qui doit viser l'assainissement des banques, leur mise à niveau technique, la modernisation du système des paiements et l'amélioration de la supervision. Pour sa part, l'Algérie peut fructifier ce rapprochement volontariste de la France pour jouer le rôle de locomotive du projet de l'union de la Méditerranée dans le Maghreb. L'union de la Méditerranée, le visa et la lutte antiterroriste Selon des sources diplomatiques très proches de ce dossier, les autorités françaises ont pris note des déclarations des officiels algériens à ce sujet et que l'attitude de Nicolas Sarkozy à cet égard est positive. Dans ce contexte, il faut dire que la prochaine visite de Nicolas Sarkozy sera cruciale, puisqu'il s'agit de concilier à la fois économie et stratégie de lutte antiterroriste, sans oublier pour autant la poursuite de la lutte contre l'immigration irrégulière. La circulation des personnes entre les deux pays, qui demeure un point sensible, sera également au menu des entretiens des deux présidents. Sur le plan de la lutte contre l'émigration clandestine, l'Algérie et la France ont une vision commune des défis qu'ils doivent relever ensemble. Dans cette conjoncture où l'on se plaint de cette hécatombe, la France peut aider notre pays en développant ses investissements dans cet espace, ce qui ne manquera pas de faire reculer le spectre de ce phénomène. Le président Bouteflika ne manquera certainement pas de remettre sur le tapis l'équation du développement, rejetant du coup l'option sécuritaire proposée par l'Europe et acceptée par certains pays de la rive sud, dont le Maroc. Les objectifs de coopération de la France et de l'Algérie sont ancrés aussi dans le processus de Barcelone, une politique de proximité qui reflète l'importance économique, politique et stratégique de la région méditerranéenne pour l'Union européenne et explique l'initiative du président Sarkozy qui, en s'ouvrant sur le sud de la Méditerranée, reconnaît pertinemment l'importance de cette région pour la sécurité aussi bien énergétique de la France que de l'Europe, mais aussi son importance sur le flux des capitaux, notamment ceux du Golfe, qu'elle draine. Il faut dire que bien que les relations entre la France et l'Algérie soient souvent passionnées pour des raisons historiques, un des spécialistes de ce dossier pense que l'intensification de la coopération entre l'Algérie et la France permettrait de bouleverser la tendance actuelle et les attitudes négatives, les inscrire dans une nouvelle dynamique profitable aux deux pays et faire de la mare Nostrum un lac de paix et de prospérité. S. T.