L'Algérie ne renonce pas à son exigence de reconnaissance par l'Etat français du fait colonial dans notre pays. Mourad Medelci et les autorités françaises ont pris le parti de laisser le temps faire. Paris. De notre bureau Pas moins de quatre ministres algériens, et pas des moindres, en déplacement à Paris pour préparer avec leurs homologues français la visite d'Etat qu'effectuera Nicolas Sarkozy en Algérie du 3 au 5 décembre prochain. Après Noureddine Zerhouni (Intérieur), Abdelhamid Temmar (Industrie), Chakib Khelil (Energie et Mines), c'est le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, qui a fait le déplacement samedi. Le deuxième en moins d'une semaine. Que faut-il déduire de ce mouvement de ministres algériens vers Paris, sans compter les chassés-croisés d'experts français et algériens ou la toute prochaine visite du Medef à Alger ? La visite de Sarkozy transformera-t-elle radicalement les relations entre Paris et Alger ? Les deux chefs d'Etat hisseront-ils les rapports entre les deux pays au niveau « d'exception » affiché ici et là ? Le pragmatisme et les intérêts bien entendu de chaque partie prévaudront-ils sur les points de divergence ? Nicolas Sarkozy dépassera-t-il et fera-t-il oublier l'échec du traité d'amitié sabordé par l'article 4 de la loi du 23 février 2005. C'est peu dire ce que représentent les dommages directs et collatéraux du vote de cette loi tant sur les relations franco-algériennes, mais aussi au sein de la société française elle-même qui s'est déchirée pendant des mois entre partisans de la reconnaissance par l'Etat français des méfaits de la colonisation et ceux, minoritaires, mais très actifs, constitués en un lobby puissant au sein du Parlement et d'autres institutions défendant mordicus la France coloniale et ses bienfaits, réveillant une guerre des mémoires âpre. Quand Nicolas Sarkozy se refuse à toute idée de repentance — les Algériens pour leur part avancent le terme de reconnaissance — ne tient-il pas compte, en dehors de ses propres convictions, de cette composante de la société française, terreau qui sait monnayer ses voix tant au niveau local que national ? Ne s'est-il pas rendu compte à la lumière des débats passionnés qui ont traversé la société française, occasionnés par la loi du 23 février 2005 et du retrait tardif de son article 4, combien l'histoire et la mémoire sont des champs sociaux extrêmement sensibles et source de discorde, de déchirement et de division ? Si de son côté, l'Algérie ne renonce pas à son exigence de reconnaissance par l'Etat français du fait colonial dans notre pays, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, – l'a encore déclaré samedi, en affirmant que la balle est dans le camp français, en réponse à un journaliste qui l'interrogeait, en marge du point de presse au Quai d'Orsay, sur la question — a pris le parti de laisser le temps faire. Le même parti est également pris par les autorités françaises. Bernard Kouchner l'a dit samedi aussi, alors que nous lui demandions si des relations « privilégiées » pouvaient être construites entre l'Algérie et la France avec la mise entre parenthèses de cette reconnaissance du passé. Sa réponse a été d'évoquer l'histoire franco-allemande, de parler de « fraternité » à construire avec l'Algérie et d'invoquer le temps. Le ton, aussi bien à Paris qu'à Alger, est à l'apaisement. Apaisement mais non renoncement pour Alger. Alors que Paris fait le dos rond pour des considérations internes et pour ne pas hypothéquer ses relations avec Alger. Toutefois, il n'est pas exclu que Nicolas Sarkozy marquera sa visite par un acte symbolique allant dans le sens d'une reconnaissance du passé, par touches.