Pour lui, la signature d'un accord de coopération en matière nucléaire, avec notre pays, constitue une marque de cette confiance sur laquelle il propose de rebâtir les relations entrer Alger et Paris. Des excuses de la France, il faudra peut-être repasser pour cette fois-ci et même ne plus y songer, du moins de la bouche d'un Nicolas Sarkozy qui s'est imposé ou plutôt, dirons-nous, s'est vu imposer des limites au discours mémoriel. Il est vrai que le président français est revenu hier devant les étudiants de l'université Mentouri de Constantine avec une certaine insistance sur le système colonial dans un réquisitoire qui met admirablement les distances de la France avec la repentance. Car pour l'hôte de Constantine, le système colonial “ne pouvait être vécu que comme une entreprise d'asservissement et d'exploitation” qui, à son sens, a fait des victimes, mais pas seulement du côté algérien. En effet, prenant soin de souligner les nuances d'une rare singularité, entre un système colonial, selon lui, “injuste” et les nobles intentions d'une occupation à vocation civilisatrice, Sarkozy développe ainsi une véritable plaidoirie aux allures d'une absolution de la communauté française qui a occupé l'Algérie pendant 132 ans. La faute c'est au système colonial, semblait dire le chef de l'Etat français qui estime que “beaucoup de ceux qui étaient venus s'installer en Algérie étaient de bonne foi. Ils étaient venus pour travailler et pour construire, sans l'intention d'asservir ni d'exploiter personne”. Voilà donc l'argumentaire qui aura fait que Nicolas Sarkozy n'aille pas plus loin que le constat laissant un gros soupçon sur une détermination à convaincre ses vis-à-vis que “tout le monde en a été victime”, la France autant que le peuple algérien. C'est dans la foulée d'une telle conception du contentieux historique franco-algérien que le président français embraye avec un certain allant sur ce qui attend de mieux les deux pays avec la certitude de la réussite. “Je ne suis pas venu nier le passé, mais je suis venu vous dire que le futur est plus important.” “Ce qui compte, c'est ce que nous allons accomplir ensemble, et ce que nous allons accomplir ensemble ne dépend que de nous (...) Les fautes et les crimes du passé furent impardonnables. Mais, c'est sur notre capacité à conjurer l'intolérance, le fanatisme et le racisme qui préparent les crimes et les guerres de demain que nos enfants nous jugerons.” Fait remarquable : le président français soulignait devant les étudiants constantinois que les fautes et les crimes du passé “furent” impardonnables. Ne le sont-ils plus ? Il semble que c'est le cas pour un Nicolas Sarkozy qui en voudra d'ailleurs pour preuve l'expérience réussie par le chancelier allemand Adenauer et le général de Gaulle. “C'est en regardant vers l'avenir que nous serons fidèles au souvenir de nos morts. Ils nous auront appris à détester la guerre et la haine”, dira Sarkozy qui préfère désormais parler de “ce qui nous unit et arrêter de parler de ce qui nous oppose.” Avec ce franc clin d'œil à la réconciliation franco-allemande. Une réconciliation qui est allée, selon Sarkozy, bien au-delà du partage de sentiments fraternels. Dans cette veine, le président français invite Abdelaziz Bouteflika à rééditer l'expérience franco-allemande et donner dans l'ambitieux projet de l'union méditerranéenne à l'axe Paris-Alger une dimension à la mesure que celui que joue actuellement dans l'union européenne l'axe Paris-Berlin. “Comme la France offrit jadis à l'Allemagne de construire l'Union de l'Europe sur l'amitié franco-allemande, la France est venue aujourd'hui proposer à l'Algérie de bâtir l'union méditerranéenne sur l'amitié franco-algérienne”, déclarait en ce sens Sarkozy. Celui-ci poussera le parallèle au bout de sa logique en affirmant que “c'est parce qu'il y avait tant de douleurs à surmonter que ce que firent le chancelier Adenauer et le général de Gaulle eut une telle importance pour l'Europe. C'est parce qu'il y a tant de douleurs à surmonter que ce que vont faire ensemble l'Algérie et la France a tant d'importance pour ce qui va advenir de la Méditerranée”. En gage de bonne volonté et d'une détermination à faire jouer à l'Algérie un rôle-clé dans cette union méditerranéenne, le président français mettra en avant l'accord de coopération en matière de nucléaire civil signé mardi à Alger en soulignant que c'était là une “marque de confiance” de la France envers l'Algérie. Mieux, le président français s'appesantira sur le caractère inédit d'un tel acte que de tout l'Occident, la France a osé entreprendre avec un pays du monde musulman. Sarkozy ira même jusqu'à donner une dimension exceptionnelle au partage de la France du nucléaire civile avec l'Algérie, puisque, selon lui, ce partage “sera l'un des fondements du pacte de confiance que l'Occident doit passer avec le monde musulman”. Zahir Benmostepha