Notre pays devrait saisir cette occasion qui intervient dans une conjoncture favorable pour actualiser la position nationale sur la problématique d'ensemble du désarmement. L'Algérie présidera bientôt la Conférence du désarmement de Genève (C.D.). Depuis 1979, cette Conférence, indépendante de l'ONU et où chaque Etat membre dispose du droit de veto, qui a succédé à d'autres instances de même nature, est le seul cadre de négociation multilatéral en matière de désarmement. L'objectif poursuivi par la communauté internationale est d'éviter et écarter tout danger d'une guerre catastrophique pour l'humanité à travers le démantèlement des armes de destruction massive (ADM) et particulièrement des armes nucléaires dont il convient d'empêcher la dissémination. Ceci doit aller de pair avec le renforcement du régime de non-prolifération qui implique une coopération internationale dans le domaine des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire. Depuis la conclusion du Ctbt en 1996, la CD. n'a pas pu s'accorder sur son ordre du jour, suite aux divergences entre les Etats membres sur deux questions qui revêtent un caractère prioritaire: celle du désarmement nucléaire, à cause du refus des P.5 d'ouvrir le dossier, et celle des matières fissiles à des fins militaires que la plupart des Etats non nucléaires lient à la première. L'ambassadeur d'Algérie, qui était à l'époque coordonnateur spécial de la Conférence, avait mené des consultations avec ses collègue représentant tous les Etats membres de la CD et présenté un rapport, le 3 septembre 1996, dans lequel il mettait en garde contre le gel de cette instance si un accord n'était pas trouvé pour ouvrir le dossier du désarmement nucléaire. Depuis cette date, l'état des relations entre les Etats-Unis et la Russie aidant, la CD traverse une période de glaciation qui pourrait prendre fin prochainement car la conjoncture n'a jamais été aussi favorable depuis plus de douze ans. Une conjoncture favorable L'administration Obama est plus ouverte sur le dossier nucléaire, selon Joe Biden qui a déclaré à la conférence de Munich, le 7 février 2009, que «les Etats-Unis et la Russie ont tout particulièrement le devoir de mener l'effort international pour réduire le nombre d'armes nucléaires dans le monde». Il a fait remarquer que «les dernières années ont vu une dangereuse dérive dans les relations entre la Russie et les membres de l'Alliance atlantique». Partant de ce constat, il estime que «le moment est venu d'appuyer sur le bouton de redémarrage et de réexaminer les nombreux domaines dans lesquels nous pouvons et devrions travailler ensemble». Par ailleurs, les Etats-Unis déclarent vouloir tourner le dos à l'unilatéralisme pour «pratiquer le dialogue, écouter, consulter». En réponse, trois jours plus tard, Serguei Lavrov, le chef de la diplomatie russe, a été plus spécifique en déclarant que la Russie est disposée à «ouvrir des négociations destinées à maintenir le régime de limitation et de réduction des armements offensifs stratégiques». Il a marqué la satisfaction de son pays de voir la nouvelle administration américaine consacrer «une si grande attention à ce programme» et salué «sa volonté de passer en revue l'ensemble des questions, y compris les mécanismes de contrôle et d'inspections réciproques auxquels se soustrayait l'administration Bush» qui était aux abonnés absents ces dernières années alors que l'actuel Start expire le 5 décembre 2009 et qu'un nouveau traité doit être conclu. Ces bonnes dispositions des Etats-Unis et de la Russie pourraient permettre aux deux pays de relativiser certaines questions qui chahutent leurs relations bilatérales, notamment l'élargissement de l'Otan et le Projet de défense antimissile. S'agissant de l'élargissement de l'Otan, Moscou s'oppose avec plus de vigueur à l'admission de l'Ukraine et de la Georgie comme l'ont démontré la crise du gaz en plein hiver et la crise de Géorgie en été. Des indications laissent penser que l'élargissement de l'Alliance à ces deux pays sera probablement différé. Les Etats-Unis n'insistent plus, même si, au demeurant, l'administration Obama y reste attachée autant que sa devancière. L'Europe s'accommoderait de cette solution même si elle est divisée dans la mesure où les anciens pays de l'Est ont adhéré à l'Otan pour se prémunir contre le danger russe et demeurent marqués par l'esprit de la guerre froide. Actuellement, l'élargissement de l'Otan passe certainement après l'Afghanistan considéré désormais comme la priorité la plus urgente pour l'Otan et pour l'administration Obama. Ce pays prépare l'élection présidentielle du 20 août 2009 au moment où on assiste à une montée en puissance des taliban et où l'économie connaît une dépendance de plus en plus affirmée vis-à-vis de la production et du trafic de drogue. L'Otan joue son avenir en Afghanistan, en particulier, et dans cette région volatile du monde en général, surtout après les attentats spectaculaires qui ont ciblé la ville de Mumbai en Inde qui les a imputés au Pakistan. Surtout que cette organisation est confrontée à une sollicitation croissante de ses capacités de gestion des crises en dehors de son théâtre d'opérations originel. Or des opérations lointaines et de haute intensité, comme celles de l'Afghanistan, dépassent les capacités de l'Union européenne dont les principaux pays montrent leurs réticences. La conséquence est que, par la force des choses, les Etats-Unis se trouvent au premier rang et jouent leur crédibilité. Ils procèdent actuellement à une révision de leur stratégie et s'apprêtent à se désengager de l'Irak, -où ils conserveront une force pour mener des opérations ponctuelles antiterroristes,- pour renforcer leur dispositif en Afghanistan où ils pourraient déployer jusqu'à 30.000 hommes supplémentaires. Les Etats-Unis ont besoin de la Russie pour mener leur nouvelle politique. Comme ils ont besoin de l'Iran avec lequel ils se disent disposés à dialoguer, tournant le dos à un boycott total consécutif à une rupture des relations diplomatiques qui dure depuis 1980. Certaines sources laissent entendre que bien avant l'élection de Obama, Willian Perry, ancien secrétaire à la Défense, a ouvert un dialogue informel avec de hauts responsables iraniens, sous l'égide d'une ONG. Le dialogue est la meilleure solution. Quant au bouclier antimissile, qui est l'objet d'un bras de fer entre Washington et Moscou depuis la révélation de ce projet en 2007, l'administration Bush s'est payée une crise avec la Russie un pays incontournables dans plusieurs dossiers, au prétexte que l'Occident doit faire face aux menaces de l'Iran et de la Corée du Nord qui sont lointains et pourraient ne jamais se vérifier. Malgré les mises en garde répétées de la Russie, les Etats-Unis ont signé, le 14 août 2008, un accord avec la Pologne sur l'installation de 10 intercepteurs de missiles (couplés à un radar devant être installé en Tchéquie qui a signé un accord, à cet effet, le 8 juillet 2008). Les Américains se défendent de toute intention belliqueuse à l'égard des Russes et avancent que le bouclier, contrôlé par eux, est un système défensif destiné à sécuriser l'Europe contre les missiles iraniens, nord-coréens ou d'entités non étatiques et est ainsi une contribution substantielle à la sécurité collective de l'Otan. Moscou rejette cet argument et considère que ce projet constitue une menace directe contre sa sécurité. Ce qui est susceptible d'entraîner une course aux armements digne du temps de la guerre froide. En effet, la Russie a déjà prévenu qu'elle pourrait déployer des missiles tactiques et des bombardiers stratégiques en Biélorussie et dans l'enclave de Kaliningrad et cibler la Pologne avec ses missiles. Un programme pour la mise en orbite d'un système de missiles balistiques est aussi évoqué. Ceci viserait le territoire américain. Ce développement est craint par certains pays européens comme l'Allemagne et la France qui jouent l'apaisement. Obama semble tenir compte de toutes ces considérations. Il développe une approche prudente. Joe Biden a déclaré à Munich, le 7 février 2009: «Nous allons continuer à développer nos défenses antimissile pour contrer les capacités grandissantes de l'Iran, à condition que la technologie fonctionne et que le coût en vaille la peine...Nous le ferons en concertation avec nos alliés de l'Otan et avec la Russie.» Il est probable que Washington prenne le temps nécessaire pour une réévaluation technique de ce projet et se donne ainsi une marge pour mener des discussions avec la Russie sur cette question et d'autres aussi importantes et urgentes comme le renouvellement du Start et la prochaine Conférence de révision du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui aura lieu l'année prochaine. Les questions de l'Afghanistan, de l'élargissement de l'Otan, du désarmement et de la non-prolifération, du système de défense antimissile, des relations avec les pays tiers, -principalement la Chine et la Russie et l'Inde et le Pakistan-, la révision du concept stratégique de l'Otan (une nouvelle stratégie de sécurité de l'Organisation fixant des orientations concernant son rôle militaire futur et définissant où, quand et comment intervenir en cas de crise) seront au centre des travaux du Sommet de l'Otan qui se tiendra à Strasbourg Kehl, en avril prochain, à l'occasion du 60e anniversaire de l'Alliance. Le communiqué qui en sortira donnera des indications plus précises sur la politique qu'envisage de suivre l'administration Obama, qui demeure encore floue malgré les initiatives louables déjà prises et les déclarations encourageantes déjà faites. Le désarmement et le démantèlement des ADM, une nécessité Le désarmement se situe à trois niveaux: 1- Au niveau bilatéral entre la Russie et les Etats-Unis. En 1969 Moscou et Washington ont mis à profit la détente qui a permis de faire baisser les tensions de la guerre froide pour engager des négociations sur la limitation des armes stratégiques, plus connues sous l'acronyme anglais Salt (Strategic Arms Limitation Talks), dans le but de réduire la course aux armements. Il y eut Salt I en 1972 qui comprend deux volets: un accord de cinq ans sur la limitation de la fabrication d'armes stratégiques et de l'installation des rampes de lancement de missiles balistiques ou Icbm et le Traité ABM sur la limitation des missiles antimissile balistiques ou ABM qui sera dénoncé unilatéralement par l'administration Bush pour ouvrir la voie à son projet de bouclier antimissile. En 1979, Salt II apporte de nouvelles limitations par rapport à Salt I pour les armes stratégiques et fixe un plafond pour les bombardiers et les lance-missiles. Suivirent deux traités de réduction des armes stratégiques (Start=Strategic Arms Reduction Treaty) signés entre les Etats-Unis et l'ex-URSS puis la Russie en 1991 et 1993. Ces traités prévoient une réduction des arsenaux stratégiques et un plafonnement du nombre de têtes nucléaires stratégiques que chacun des signataires doit conserver. Start I est entré en vigueur en 1994, au moment où la Conférence du désarmement négociait le Ctbt. Start II fut ratifié par Washington et Moscou, respectivement en 1996 et 2000. Start III (1997) ne sera pas ratifié par les deux superpuissances et sera dépassé, en 2002, par le Traité de réduction des arsenaux nucléaires stratégiques ou SORT (Stratégic Offensive Réduction Treaty) qui limite davantage les stocks d'armes stratégiques pour situer le plafond dans une fourchette entre 1700 et 2200. Le processus de désarmement est tributaire essentiellement des relations entre les Etats-Unis et la Russie, dans la mesure où ils possèdent 90% de l'arsenal nucléaire mondial. A ce titre, ils ont des responsabilités particulières et devraient surmonter leurs divergences pour poursuivre le démantèlement rapide de leurs arsenaux respectifs. 2- Au niveau régional. Plusieurs traités, signés entre 1959 et 2006, font que des régions entières sont exemptes d'armes nucléaires: Traité sur l'Antarctique; Traité de Tlatelolco pour l'Amérique latine et les Caraïbes; Traité de Rarotonga pour le Pacifique Sud; Traité de Bangkok pour l'Asie du Sud-Est; Traité de Pelinbada pour l'Afrique et Traité de Semipalatinsk pour l'Asie centrale. Deux régions sensibles, non encore couvertes par des traités, le subcontinent indien et le Moyen-Orient, devraient être prises en charge par l'ONU sur une base urgente. Après les essais nucléaires de 1998, l'Inde et le Pakistan ont déclaré des moratoires unilatéraux. Ils devraient être liés par un instrument juridique contraignant. Israël s'oppose au projet de faire du Moyen-Orient une zone exempte d'armes nucléaires. Il devrait être mis en demeure d'y souscrire. Le programme iranien ne doit pas lui servir d'échappatoire car rien n'indique qu'il poursuit des fins militaires. 3- Au niveau international. La CD a déjà négocié et conclu quatre textes importants: TNP, Convention sur les armes biologiques, Convention sur les armes chimiques et le Traité d'interdiction des essais nucléaires connu sous l'acronyme anglais Ctbt. La Convention sur les armes chimiques a cette particularité qu'elle élimine totalement une catégorie d'ADM et établit, pour la première fois dans l'histoire du désarmement, un régime strict de vérification internationale. A son opposé, la Convention sur les armes biologiques ne prévoit pas de système de vérification. La conclusion d'un protocole sur la mise en place d'un tel système est bloquée par les Etats-Unis depuis 1995. De retour au pouvoir, les démocrates devraient ratifier le Ctbt dans la conclusion duquel l'administration Clinton s'était profondément investie. Ceci encouragerait la Chine à faire de même. Les Etats-Unis ont un avantage dans la simulation par ordinateur des explosions nucléaires et ils n'ont pas besoin d'essais nucléaires pour s'assurer de la sûreté et la fiabilité des stocks d'armes existants. Une autre raison est que l'extension indéfinie du TNP lors de la Conférence de révision de 1995 partait de l'idée que les P5 soutiendraient le Crbt. L'élimination totale des armes nucléaires est une idée de plus en plus acceptée et répandue. D'autant plus que toutes les doctrines militaires envisageant leur utilisation, ont montré leurs limites en raison de leur capacité de dévastation que ne peut justifier aucun objectif. Par ailleurs, depuis les attentats du 11 septembre, la prolifération s'est hissée au niveau de problème stratégique en ceci qu'elle augmente les risques de confrontation nucléaire et de fuites de matières fissiles au profit d'acteurs non étatiques. Ce sont ces considérations qui font qu'un consensus autour de l'idée d'un désarmement nucléaire total émerge dans le monde, y compris aux Etats-Unis, avec de plus en plus de vigueur. Deux anciens secrétaires d'Etat, Henry Kissinger et George Shultz, et deux anciens secrétaires à la Défense, Willian Perry et Sam Nunn, soit deux démocrates et deux républicains, estiment qu'un monde débarrassé des armes nucléaires est un objectif urgent à atteindre. Ils plaident pour une «approche étape par étape» et des objectifs «réalisables et vérifiables» pour «réduire systématiquement et éventuellement éliminer le danger provenant des armes nucléaires». Dans un message du 10 janvier 2009, le secrétaire général de l'ONU a invité la Conférence du désarmement à reprendre des «négociations pratiques pouvant déboucher sur un véritable désarmement...pour un monde débarrassé des armes nucléaires». En octobre 2008, il a fait des propositions dans ce sens, plus précisément sur le désarmement nucléaire et les matières fissiles et sur les garanties de sécurité et la prévention d'une course aux armements dans l'espace. Ces questions sont au centre des discussions de la Conférence du désarmement qui n'arrive pas à trouver un accord pour relancer ses travaux qui doivent être impérativement revitalisés. Le désarmement et la non-prolifération, deux processus complémentaires Le désarmement et la non-prolifération sont deux processus complémentaires. Le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), conclu en 1968 et entré en vigueur en 1970, est depuis près de quarante ans la pierre angulaire du régime de non-prolifération. Aujourd'hui, quasi universel, (moins l'Inde, Israël et le Pakistan dits pays du «seuil»), il vise à empêcher la dissémination de l'arme nucléaire. Il a consacré le statut des cinq puissances nucléaires (P.5) apparues après la Seconde Guerre mondiale qui sont, dans l'ordre, les Etats-Unis (projet Manhattan développé durant la guerre), l'Union soviétique (1949), le Royaume-Uni (1952), la France (1960), la Chine (1964). Le TNP est donc un instrument discriminatoire dans la mesure où il prévoit deux catégories d'Etats, ceux dotés de l'arme nucléaire, soit les P5, également membres du Conseil de sécurité, qui ont procédé à des explosions nucléaires avant le 1er janvier 1967, et tous les autres qui renoncent à l'arme nucléaire en contrepartie d'une coopération technologique et scientifique aussi large que possible leur permettant d'accéder au nucléaire civil (Art. 4). Un marché de dupes qui n'a jamais été respecté par les P5. Comme n'a pas été respecté l'art. VI qui contient une clause de désarmement particulièrement importante à la charge principalement des Etats dotés de l'arme nucléaire: négocier de bonne foi pour arrêter la course aux armements nucléaires et parvenir à un désarmement général et complet sous contrôle international. C'est principalement à cette fin que devaient servir les Conférences de révision quinquennales. Depuis quelques années, des inquiétudes sérieuses pèsent sur le régime de non-prolifération. Initialement d'une durée de 25 ans, le TNP a été reconduit pour une durée indéterminée en 1995. En contrepartie, les P5 devaient accélérer les efforts de désarmement et ratifier le Ctbt. Le désarmement d'Israël avait été aussi posé par les pays arabes. A la Conférence de révision de 2000, qui se tient tous les 5 ans, présidée par l'Algérie, un programme d'action de 13 points a été adopté en vue d'appliquer le TNP. Il fut enterré à la Conférence de révision de 2005 qui n'a réussi à réunir le minimum consensuel sur aucun des trois piliers du Traité: non-prolifération, désarmement et utilisations pacifiques de la technologie nucléaire, en raison de l'intransigeance des Etats-Unis, obnubilés principalement par le programme nucléaire iranien et la possibilité de fuites d'armes ou de matières fissiles au profit d'acteurs non étatiques. Depuis le 11 septembre 2001, la prolifération des armes de destruction massive, en général, et des armes nucléaires, en particulier, couplée avec la crainte de voir de telles armes tomber sous le contrôle de groupes terroristes, a accentué les divergences entre les Etats dotés de l'arme nucléaire et les Etats non dotés de l'arme nucléaire. Certains des P5 estiment que l'accès aux technologies nucléaires comporte des risques de prolifération inacceptables dans certains pays du Sud. Ces derniers mettent en cause les arsenaux détenus par les puissances nucléaires (et les pays dits du «seuil»), qui refusent de désarmer et de leur octroyer des garanties de sécurité, et revendiquent leur droit à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Paradoxalement, ces divergences, dont les Etats-Unis sont le porte-drapeau, n'ont pas empêché ces derniers de signer un accord de coopération nucléaire avec l'Inde alors que ce pays n'est pas partie au TNP. Ce qui a fragilisé encore davantage le régime de non-prolifération, malgré l'accord signé entre New Delhi et l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea). L'Aiea, chien de garde du régime de non-prolifération L'Aiea, créée au milieu des années 50, est le chien de garde du régime de non-prolifération et vise à promouvoir l'usage du nucléaire à des fins civiles. Elle gère l'application de 224 accords de garanties, avec 200 experts qui effectuent quelque 2500 inspections par an pour s'assurer que 900 installations nucléaires de 70 pays environ s'adonnent à des activités purement civiles. Elle fait un travail remarquable, mais par manque de moyens, elle n'a pas pu détecter certains programmes clandestins. L'adoption en 1997 d'un Protocole additionnel est destinée à renforcer les mesures de vérification et de contrôle de la comptabilité des matières nucléaires déclarées par les Etats membres non dotés de l'arme nucléaire. En vertu des accords de garantie souscrits par ces derniers (art3 du TNP), l'Agence vérifie le respect de leurs engagements. Il est devenu impératif que le respect du TNP et du Protocole additionnel soit érigé en norme universelle pour les garanties afin de renforcer le pouvoir de vérification de l'Aiea. Parallèlement, il est aussi impératif que les droits des Etats non dotés de l'arme nucléaire soient aussi respectés. En outre, les P5 doivent aussi respecter l'intégralité des obligations découlant du TNP auxquelles ils ont tourné le dos depuis si longtemps. S'il subsistait le moindre espoir, il aura été balayé par la Conférence de révision de mai 2005 qui fut un échec retentissant. Celle de 2010 devra être préparée minutieusement pour rendre l'espoir perdu et renforcer le régime de non-prolifération. Ceci étant, la non-prolifération la plus sûre reste le désarmement. C'est pourquoi, les P5 devraient mettre fin au blocage des travaux de la C.D qui sont gelés depuis la finalisation du CTBT, en août 1996. Dans un rapport adressé à la Conférence le 3 septembre 1996, son Rapporteur spécial, qui était l'ambassadeur d'Algérie (l'auteur de ces lignes), mettait déjà en garde contre la priorité donnée à la non-prolifération par les P5, au détriment du désarmement privilégié par les pays non alignés et neutres et prédisait le gel de la CD qui dure jusqu'à ce jour. Revitaliser la Conférence du désarmement Depuis 1996, jamais la conjoncture n'a été aussi favorable pour relancer les travaux de la Conférence du désarmement et mettre sur la table le dossier du désarmement nucléaire et de la non-prolifération. Il faut saisir cette opportunité pour mettre fin définitivement à la logique de la guerre froide qui continue d'imprégner encore tout ce qui a trait aux armes nucléaires et aux stratégies de dissuasion. On sait que la bataille de la non-prolifération a ralenti la prolifération, mais ne l'a pas arrêtée. Au moins 40 Etats possèdent déjà les capacités nécessaires pour fabriquer des armes, dans des délais relativement courts. Il s'agit d'enlever toute excuse aux éventuels proliférateurs en mettant sur la table tout le dossier de la prolifération et du désarmement et de l'ériger en priorité de la sécurité collective. Certains Etats dotés d'armes nucléaires continuent de se cacher derrière des risques de menace nucléaire pour se soustraire à leurs obligations et soutenir que le seul moyen de dissuasion demeure la possession de l'arme nucléaire. Cet argument n'a que l'apparence de la logique. Comme rappelé précédemment, beaucoup de pays disposent des capacités nécessaires pour accéder à l'arme nucléaire, mais y ont volontairement renoncé en adhérant au TNP. L'Allemagne ou le Japon, par exemple, sont-ils moins soucieux que les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, de leur sécurité et ne craignent-ils pas autant que ces derniers pour leurs intérêts vitaux? Il faut rappeler aussi que la possession d'arsenaux nucléaires gigantesques n'a pas prémuni les Etats-Unis contre leurs débâcles au Vietnam et en Afghanistan par des combattants peu armés et chaussés de sandales en caoutchouc. Les armes nucléaires doivent être complètement détruites car il n'y aurait aucune excuse à les utiliser, à les conserver indéfiniment sous couvert de sécurité nationale, à les mettre au point ou à les acquérir et à les perfectionner. Quelques mesures urgentes devraient être prises pour revitaliser la Conférence du désarmement de Genève: 1-La négociation d'une convention sur l'interdiction du développement, de la production, le stockage et l'utilisation des armes nucléaires ainsi que leur destruction. Leur élimination serait globale, non discriminatoire et vérifiable dans la mesure où un instrument juridique de désarmement dépourvu d'un système de vérification ne peut pas être correctement appliqué. Tous les Etats ayant un statut nucléaire (les P5) ou non (surtout les Etats nucléaires de facto non membres du TNP) devraient ratifier cette convention et s'engager fermement à l'appliquer le plus rapidement possible, selon un calendrier conventionnel et sous supervision internationale. 2-La négociation d'une convention sur les matières fissiles qui interdirait leur production et leur stockage. Le texte prendrait également en charge les stocks existants, y compris les matières fissiles des armes démantelés et leur destruction sous supervision internationale. En 1996, l'ambassadeur Shannon du Canada avait fait un excellent travail en sa qualité de rapporteur de la CD sur cette importante question, mais ses efforts ont été contrariés par l'intransigeance des P5. Pour surmonter les appréhensions des uns et des autres, les deux projets de textes, qui viennent d'être mentionnés, pourraient être l'objet d'une sorte de vente concomitante: aucun des deux ne serait considéré comme définitivement acquis tant que l'accord ne s'est pas fait sur l'autre. 3-Parallèlement au lancement des négociations sur les deux conventions citées, les P5 prendraient certaines mesures de confiance dont, par exemple, la réduction de l'importance des armes nucléaires qui demeurent au centre des doctrines militaires des P5. Certains ont encore réaffirmé récemment leur importance. Le 21 mars 2008, lors du lancement du Terrible, le 4e et dernier né de la flotte stratégique française, le président Sakozy a défendu le maintien de la force de dissuasion et n'écarte pas l'emploi de l'arme nucléaire dans certaines circonstances. En outre, les P5 et les Etats nucléaires, de facto s'engageraient à ne pas recourir à l'usage ou à la menace de l'usage des armes nucléaires contre les Etats non nucléaires. Les mêmes s'engageraient à ne pas utiliser en premier («no first use») les armes nucléaires. Enfin, les Etats non dotés d'armes nucléaires, parties au TNP, recevraient des garanties de sécurité contre l'emploi ou la menace de ces armes. Il n'existe à ce jour, aucun document juridique contraignant pour de telles garanties. La résolution 984 (1995) adoptée par le Conseil de sécurité le 11 avril 1995, dans le contexte des négociations du Ctbt, ne fut qu'un leurre qui ne trompa personne. 4- La course aux armements dans l'espace est un autre point important. Les pays concernés devraient être invités à accélérer le lancement des négociations. L'ambassadeur de l'Algérie avait annoncé le gel de la CD en septembre 2006. Douze ans après, l'ambassadeur de l'Algérie devrait saisir l'occasion de sa présidence qui intervient dans une conjoncture favorable pour, d'une part, actualiser la position nationale sur la problématique d'ensemble du désarmement et, d'autre part, jeter les bases pour sortir la CD du congélateur. Ceci est essentiel pour la paix et la sécurité internationales. L'objectif poursuivi par la communauté internationale depuis la Seconde Guerre mondiale n'est-il pas d'éviter et écarter tout danger d'une guerre catastrophique pour l'humanité à travers le démantèlement des armes de destruction massive (ADM) et particulièrement des armes nucléaires dont il convient d'empêcher la dissémination? Il est entendu que ceci doit aller de pair avec une coopération internationale dans le domaine des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, notamment la prise en compte des besoins des pays en voie de développement. (*) Ancien ambassadeur