Cette merveille de la nature est aujourd'hui menacée par l'ingratitude de l'homme. Cet autre berceau de l'histoire berbère est en passe de devenir un vaste dépotoir. Les eaux usées sont rejetées dans l'oued par le collecteur principal d'assainissement de toute la région d'Arris. À cette pollution de la flore et de la faune, s'ajoute celle des esprits. celle qui tente d'opposer l'arabitré au chaouie. Perchée à plus de 1 500 m d'altitude, Ighzar Amellal est joignable par un chemin sinueux qui part des monts de Chélia, à l'ouest de Khenchela, jusqu'à M'chouneche, au nord de Biskra en passant par les gorges d'Arris. Ighzar Amellal est une partie intégrante de l'identité des Chaouis. Chaque pierre, chaque coin et chaque lieu dit est une page d'histoire. Pour atteindre Ighzar Amellal, on passe par Afra, le village natal de Mustapha Ben Boulaïd. Par Arris, où le premier coup de starter de la Révolution fut donné un certain 1er Novembre 1954. Par Tighanamine, Tifelfel et T'kout, ces palmeraies Eden perdues dans une nature pourtant des plus austères. Par les balcons du Ghouffi, qui gardent les traces de villages berbères construits à même la roche. Enfin, par Timessouine et M'chouneche où coule, à travers d'interminables gorges, une eau utilisée depuis les temps millénaires pour l'irrigation à travers le système des fouggaras, et la balnéothérapie. Ici, l'Algérie est présente dans toute sa splendeur, son ancrage historique et sa diversité culturelle.À Tighanamine, un ancien moudjahid et fils de chahid, comme il tient à la préciser pour se prémunir contre les attaques d'arrière-garde des uns, ne mâche pas ses mots en décriant les tentatives de déracinement de la région en opposant les origines berbères à l'arabité.“Lorsque vous écrivez sur notre village, précisez bien que c'est d'Ighzar Amellal qu'il s'agit et non de l'oued Labiod.” Notre interlocuteur crie tout haut ce que certains Chaouis chuchotent. Ici on rejette l'instrumentalisation de la langue arabe pour tenter d'effacer une partie de l'identité de l'Algérie. Les appellations berbères sont une fierté pour les populations locales, comme d'ailleurs leur appartenance au monde arabe et à la nation musulmane. “Respecter les Chaouis, c'est prendre acte de cette diversité”, nous précise un autre villageois, universitaire. Cette merveille de la nature est aujourd'hui menacée par l'ingratitude de l'homme. Cet autre berceau de l'histoire berbère est en passe de devenir un vaste dépotoir. Les eaux usées sont rejetées dans l'oued par le collecteur principal d'assainissement de toute la région d'Arris. Les fellahs et propriétaires des vergers sont les plus touchés par cette catastrophe écologique. Leurs pommiers risquent de disparaître puisque leurs forages, depuis que leurs puits et forages sont contaminés par les eaux polluées. Cette calamité s'ajoute aux soucis de ces paysans nés des crues de 2006. “On souffre toujours des répercussions désastreuses de ces inondations où 67 hectares de plantations ont été dévastés, 1 500 palmiers engloutis et 258 fellahs ruinés après que leurs puits, forages ainsi que retenues traditionnelles et seguias furent ensevelis”, se plaint un agriculteur. Les fellahs restent toujours fixés sur leurs terres dans l'espoir de voir un jour se réaliser le projet d'une station d'épuration des eaux usées entre Arris et Tighanamine. Même les résultats positifs des enquêtes de terrain, concernant la contamination, effectuées par des équipes de l'Agence nationale des barrages et de la direction de l'hydraulique de la wilaya, n'ont pas poussé les décideurs à passer à l'action. Pourtant, cette pollution a été à l'origine de la fièvre typhoïde qui a touché, en 2003, le sud de la wilaya de Batna. Une épidémie qui a fait des ravages dans les daïras de Manaâ et d'Arris. Plus de 35 cas ont été confirmés. Les victimes, qui portent toujours des séquelles, furent, dans leur majorité, des enfants âgés entre 12 et 14 ans. Des gamins ensorcelés par la beauté de leurs montagnes et rivières et qui avaient pris l'habitude de faire leurs petits plongeons dans les eaux d'Ighzar Amellal. LAMIA F.