L'attentat suicide, qui a coûté la mort jeudi à l'ancienne chef du gouvernement Benazir Bhutto, constitue l'apogée de la violence pour l'année en cours dans un pays où l'insécurité est devenue le maître mot avec plus de 780 morts. Après un long exil en Allemagne, Benazir Bhutto, qui est rentrée au Pakistan le 18 octobre dernier, n'a pas échappé cette fois-ci à la mort dans ce second attentat suicide la visant personnellement. En effet, elle avait miraculeusement survécu en octobre dernier à une tentative d'assassinat par le même procédé, quelques jours seulement après son retour d'exil. Touchée jeudi au cou par une balle tiré par le kamikaze, avant qu'il actionne sa bombe, Benazir Bhutto a rendu, à 54 ans, son dernier souffle à l'hôpital de Rawalpindi, une grande banlieue de la capitale du Pakistan, Islamabad. Une vingtaine de morts et une cinquantaine de blessés ont été également dénombrés dans cet attentat. Bien que se sachant menacée par la violence qui ravage son pays ces dernières années, l'ancien Premier ministre n'avait pas hésité à revenir au pays après l'accord conclu avec le président Pervez Musharraf, levant toutes les charges judiciaires pesant contre elle. L'année 2007, qui a vu la réélection du chef de l'Etat, dans l'attente de la tenue des élections législatives le 8 janvier 2008, a été marquée par une violence inouïe, comme l'indique le bilan macabre, faisant état de pas moins de 780 morts. Outre les combats réguliers et meurtriers dans les zones tribales à la frontière de l'Afghanistan entre l'armée et les islamistes, le Pakistan est secoué de temps en temps par des attentats sanglants, coûtant la vie à de nombreux innocents. Le jour de l'Aïd-el-Adha, un kamikaze s'est fait exploser dans une mosquée à Islamabad, dans le but de tuer un des proches du général Pervez Musharraf, en l'occurrence le nouveau ministre de l'Intérieur de l'actuel gouvernement de transition chargé d'organiser les prochaines élections législatives. L'attentat suicide avait fait, pour rappel, 54 morts. C'est dire le degré de gravité atteint par la violence dans ce pays, où le pouvoir constitue une des principales raisons de cet état de fait. D'ailleurs, l'appel au calme et à la paix lancé par le président pakistanais, à la suite d'une réunion d'urgence du gouvernement et de son conseil de sécurité, afin que “les desseins diaboliques des terroristes soient mis en échec”, n'a guère eu d'échos au vu du déferlement de violence qui a touché Islamabad, Karachi et Rawalpindi. Extériorisant leur colère, des partisans de Benazir Bhutto ont brûlé des pneus et bloqué des routes à Karachi, le fief de leur parti. Dans la capitale, plusieurs commerces appartenant au nouveau chef du gouvernement transitoire, Mohammedmian Soomro, ont été incendiés par une foule en colère. Des bâtiments officiels ont été brûlés à Jacobabad. Face à cette violence, toutes les forces de sécurité pakistanaises ont été placées en “état d'alerte rouge”. Les émeutes ont fait 19 morts, a indiqué hier un haut responsable des services de sécurité. “Le bilan après les violences de rue, les incendies et les affrontements est désormais de 19 morts. Il y a 18 morts dans la province méridionale du Sind et une dans le Pendjab”, a déclaré cette source. Par ailleurs, l'ex-Premier ministre et principal opposant de Musharraf, Nawaz Sharif, a estimé hier qu'un maintien des élections législatives au 8 janvier conduirait à la “destruction” du Pakistan. Il a également de nouveau réclamé la démission du président Pervez Musharraf, en l'accusant à demi-mot d'être responsable de l'assassinat de Mme Bhutto, “preuve”, selon lui, que le chef de l'Etat n'a “aucune intention” de mener des élections législatives “libres et équitables”. K. ABDELKAMEL