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À la recherche des cerveaux en fuite
Ils sont environ 2 000 au Royaume-Uni
Publié dans Liberté le 31 - 12 - 2007

La saignée des universitaires et des chercheurs algériens porte un nom : la fuite des cerveaux. Arrivés en Grande-Bretagne comme boursiers, beaucoup sont devenus des sommités. Leur matière grise n'est pas cotée en Bourse mais dans les universités et les grands groupes industriels. Quel est leur profil, leur parcours et en quoi consiste leur génie ? Pourquoi ne sont-ils pas retournés en Algérie et quel regard portent-ils sur elle ? Portraits.
Ce sont d'illustres inconnus en Algérie. Des compétences notoires, des références dans leurs domaines de recherche respectifs au Royaume-Uni. Le professeur Elias Adam Zerhouni, imminent scientifique d'origine algérienne, placé par le gouvernement américain à la tête du prestigieux National Institut of Health, est l'illustration parfaite de ce parcours. Sa carrière auréolée de multiples succès et de consécrations prodigieuses relate leur propre destin hors du commun. Selon des estimations, les chercheurs algériens résidant et travaillant au Royaume-Uni sont 2 000. Les universités et les grands groupes industriels les convoitent car leurs méninges sont d'inépuisables boîtes à idées et de véritables machines à sous. Chaque année, le professeur Ali Nadjai rapporte 100 000 livres à l'université d'Ulster (Irlande du Nord) où il dirige un laboratoire de recherche en engineering sur les incendies des structures. L'argent lui est versé à titre de financement pour ses travaux, notamment par des compagnies pétrolières, pour qui l'innovation en matière de prévention et de maîtrise du feu est une priorité. La création du laboratoire du professeur Nadjai, il y a cinq ans, est également le résultat d'un montage financier. 5,6 millions de livres lui ont été octroyés par des entreprises pour la réalisation de son projet. “C'était la première fois que l'université d'Ulster arrachait un budget de cette taille”, révèle le chercheur très fièrement. Derrière le titre solennel de “Full Professor”, le grade le plus élevé dans la hiérarchie académique britannique, se dissimule un homme qui depuis 22 ans est en quête de la perfection. À 47 ans, il déroule le fil de son parcours universitaire comme une œuvre loin d'être achevée.
À l'âge de 25 ans, il quittait Annaba pour l'université de Bristol. Comme beaucoup d'étudiants algériens de sa génération, il est détenteur d'une bourse. En 1992, il décroche son PHD à l'université de Sheffield. À Ulster, il est d'abord recruté en qualité de simple lecteur (chargé de cours), avant de gravir les échelons grâce à son génie. “Ici, on ne donne pas des titres comme ça. Chacun ramène son salaire”, assène le professeur. En 2007, il réunit un budget de recherche d'un million de livres. Ces sommes faramineuses, à la hauteur de son génie, consolident son autorité. “Cela vous donne le pouvoir d'imposer vos idées, d'être influent”, observe M. Nadjai. Au lendemain des attaques suicides à New York en 2001, il est sollicité afin d'intégrer l'équipe d'expertise des tours jumelles. Son rôle consistait à détecter les failles dans la résistance des deux gratte-ciel au feu provoqué par l'explosion des avions kamikazes. Cette distinction le met aussitôt sous les feux de la rampe. La chaîne de télévision britannique BBC lui ouvre l'antenne. Sa notoriété dépasse largement les frontières de la Grande-Bretagne. Des autres pays d'Europe, a l'instar de la France, et même Dubaï, des clients s'amassent devant la porte de son laboratoire, lui confiant des matériaux de construction, par exemple, en vue d'optimiser leur capacité de résistance aux incendies. “Même les Tunisiens m'ont sollicité”, confie-t-il.
Quand la tribu renie ses enfants
Mais un seul pays habite ses pensées. Son désir le plus profond consiste à faire don de son savoir à l'Algérie. Lors d'un séjour au pays, il y a un an, il se rend au ministère de l'Enseignement supérieur où il remet à un responsable une série de propositions sur la protection des édifices publics contre le feu. L'idée de cette aide lui est venue après une série d'incidents, notamment à la raffinerie de Skikda, à la salle Harcha et à la centrale électrique d'El Hamma. Depuis, son projet d'assistance dort dans un tiroir. Aucune suite ne lui a été donnée. Pour autant, la détermination du professeur Nadjai à rendre service ne fléchit pas. Sortir les universités algériennes de leur autarcie le préoccupe. Mais le contact est souvent très difficile. “Aucune n'a d'adresse Internet. Toutes sont domiciliées sur Yahoo”, déplore le chercheur. Depuis peu, il a réussi à nouer le contact avec des enseignants de l'université de Chlef. Il est l'encadreur informel de deux doctorants qu'il a invités à l'université d'Ulster. Son regard sur les universités en Algérie déborde d'amertume. “Chez nous, la recherche, c'est toujours de la littérature, de l'histoire, alors qu'ici, les universités et les industriels travaillent de concert pour la conception de méga-projets”, constate le professeur dépité. Des softwares piratés au statut déplorable des enseignants, le sort de la recherche dans son pays natal lui inspire d'autres commentaires acides à la hauteur de son chagrin. “Les universités algériennes sont pratiquement les dernières en Afrique et donc les dernières dans le monde”, note-t-il. La mésestime du savoir, cette allergie à la matière grise, se résume dans la réponse sidérante qu'un responsable d'université a donné un jour à un boursier rentré au pays au terme de sa formation en vue d'occuper un poste d'enseignant : “Pourquoi ne restes-tu pas à l'étranger comme tous les autres ? Il n'y a rien pour toi ici”, lui avait-il conseillé. En décidant de supprimer l'octroi de bourses d'études à l'étranger, le président de la République ignorait sans doute que la fuite des cerveaux n'est pas toujours un acte délibéré et que beaucoup de bénéficiaires ne sont pas forcément les bienvenus dans leur pays à l'issue de leurs cursus. Dans une énième tentative de vaincre l'atonie ambiante, le professeur Nadjai a été séduit par la perspective d'agir en groupe. La proposition émane d'une de ses connaissances, le docteur Mohamed Boudjelal. Ce chercheur dans l'industrie pharmaceutique à Cambridge a pensé, il y a trois ans, à la création d'une association regroupant les compétences algériennes à l'étranger, avec comme objectif, jeter les ponts avec les universités algériennes et surtout mettre leur savoir-faire au service du développement de l'Algérie. Son propre CV est impressionnant. Dr Boudjelal a bourlingué avec ses idées près de vingt ans en Europe et aux Etats-Unis. Le fruit de ses recherches ont fait de lui un homme très courtisé par les laboratoires et les grands groupes pharmaceutiques. Avec modestie, il avoue n'avoir pas préfiguré autant de succès. “Quand je suis arrivé en Grande-Bretagne, j'étais arabisant. J'avais très peu de connaissances en anglais”, confie-t-il. À 20 ans, ce natif de Tlemcen obtient son DESS en biochimie à l'université d'Es Senia à Oran. Détenteur d'une bourse d'études, il est envoyé à Leeds. En 1993, il décroche son doctorat et monte aussitôt un laboratoire de recherche de 3 millions de livres sur la détection par l'odorat de certains produits comme les drogues, les explosifs… Il a à peine 24 ans. Le Dr Boudjelal a vécu ce premier couronnement comme l'aboutissement d'un challenge. “Quand je suis arrivé à Leeds, les responsables de l'université m'ont affirmé que l'acceptation d'autres étudiants algériens est tributaire de ma propre réussite. Trois compatriotes ont été admis par la suite”, relate-t-il. Assoiffé de savoir, il se lance de nouveaux défis. Son laboratoire sur pied, il prend la décision d'aller faire ses classes à Strasbourg auprès du professeur Pierre Chambon, une sommité dans la biologie moléculaire et cellulaire. “Mon intention était de connaître le système d'enseignement et de la recherche en France. Le même qui est appliqué en Algérie où je prévoyais de retourner”, explique le scientifique. Il passe quatre ans en France.
À 28 ans, il fait une découverte de taille. Il identifie le gène responsable du cancer du sein. La revue Nature and Science lui ouvre ses colonnes. Mais, contrairement au Royaume-Uni où seule sa compétence a primée, en France, il fait l'objet de discrimination. Le Centre national de recherche scientifique (CNRS) lui offre un poste permanent, mais en qualité d'ingénieur, pas de docteur. Aussitôt, l'ancien étudiant d'ES Senia largue les amarres. Il va aux Etats-Unis et décroche un poste à l'université de Michigan. Grâce à un budget de la firme de cosmétiques Johnson & Johnson, il mène une étude sur le processus de vieillissement de l'épiderme et du cancer de la peau causés par les rayons du soleil. Peu de temps après, il est débauché par le groupe pharmaceutique Pfizer qui lui confie la direction d'une de ses filiales. Lors de son passage dans la firme, il met au point trois médicaments voués au traitement du cancer cervical, de la leucémie et du diabète type II. Cette expérience permet au Dr Boudjelal de voler de ses propres ailes. Il crée Maxocor, sa propre boîte pharmaceutique. La machine fonctionne pendant huit ans, jusqu'au jour où il décide de retourner avec sa famille en Angleterre où un nouveau poste l'attend à Glasgow-Smith-Klane, un groupe d'envergure dans l'industrie pharmaceutique. Vivre en Amérique exacerbait son sentiment d'exil. “Ici, nous sommes à deux heures d'avion de l'Algérie. Mes enfants pourront y aller plus régulièrement”, explique le Dr Boudjelal. De son côté, il entend profiter de cette proximité pour réaliser une vieille ambition qui ne l'a jamais abandonnée depuis qu'il était jeune étudiant boursier : mettre son savoir à la disposition de son pays. Dr Yassine Armani est prêt à donner des cours gratuitement dans des universités algériennes pour satisfaire cette appétence. Sans hésitation, il a intégré l'association mise sur pieds par son ami, Dr Boudjelal. Les deux hommes ont pratiquement le même âge, la quarantaine. En 1990, alors qu'il venait d'obtenir son diplôme d'études supérieures en biochimie, délivré par l'université de Constantine, Dr Armani passe avec succès un concours pour l'octroi d'une bourse à l'étranger. Il est envoyé à Strasbourg. Son projet d'aller poursuivre ses études à l'étranger a mûri sur les bancs de l'amphithéâtre, face à des enseignants diplômés d'universités européennes, chez qui il découvrait une autre façon de voir les choses, de la ferveur dans la transmission de leurs connaissances. “Si on réussit à transmettre la passion, la réussite est garantie”, épilogue l'ancien étudiant de Cirta. Aujourd'hui, en sa qualité d'enseignant à l'université de Leicester, il a adopté cette devise. Son parcours personnel, le profil de ses condisciples et de ses élèves lui ont démontré que les étudiants algériens n'ont pas moins d'aptitudes. Ils sont handicapés uniquement par leur environnement. En cinq ans d'études à l'université de Strasbourg, Dr Amrani décroche tour à tour une maîtrise, un DEA et un doctorat en pharmacologie. Ensuite, il s'envole pour les Etats-Unis où il effectue un stage post-doctoral sur le traitement de l'asthme sévère chez l'enfant notamment. Actuellement, il est considéré comme une référence en la matière. Ses travaux ont permis d'identifier une molécule, le TNF agissant sur les cellules respiratoires et responsable de l'asthme. À l'université de Leicester, il est le seul Algérien ayant une position universitaire. Les congrès internationaux sont une occasion pour lui de rencontrer des compatriotes résidant dans d'autres pays. Toutefois, il regrette de n'avoir aucun lien avec ses collègues en Algérie. La susceptibilité et la rivalité professionnelle sont pour lui, les causes qui font obstacle à toute prise de contact. “Il y a des gens qui sont prêts à aller s'investir en Algérie”, martèle-t-il pourtant. Son aveu trahit une profonde frustration, le sentiment d'appartenir à un pays qui chasse d'un coup de balai ses imminences grises, alors qu'il en a tant besoin.
S. L.-K.


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