Des milliers de chercheurs nationaux se sont installés définitivement en Europe. Ils sont encouragés par les hautes instances de leurs pays d'accueil. Un récent rapport de la Commission européenne concernant la recherche scientifique englobe, dans l'un de ses volets, l'intégration des communautés scientifiques orientales. Les pays comme l'Algérie, qui connaissent une saignée de leurs cadres, sont particulièrement intéressants pour la recherche scientifique outre-mer. Une mesure rendant attractif le territoire européen pour ces chercheurs, qui sont dénigrés par le système de leur propre pays, a été initiée en direction des universitaires ayant des compétences avérées dans les domaines de la recherche scientifique et technique. L'une des dispositions de ce rapport s'appuie sur la nécessité de «rendre le territoire européen attirant pour les chercheurs du reste du monde et la création d'un système de bourses». Cette mesure, semble-t-il, a porté ses fruits puisque des milliers de chercheurs nationaux se sont installés définitivement en Europe où ils sont estimés à leur juste valeur. Ils sont encouragés par les hautes instances de leurs pays d'accueil. Circuits officiels A titre d'exemple, en France, dans le projet de loi de Sarkozy, il est proposé le système de quota. Un système qui trie sur le volet les candidats à l'immigration. Les compétences ont toutes les chances de faire partie de la sélection. L'octroi de bourses aux universitaires étrangers est également un facteur aidant. Des données officielles enregistrent pas moins de 25.000 étudiants algériens ayant bénéficié d'une formation qualifiante dans l'Hexagone entre 2002 et 2004. Si l'Europe développe cette stratégie, elle n'est pas la seule à le faire, les Etats-Unis ainsi que le Canada sont tous les deux très à cheval sur le choix des candidats à l'immigration. Des circuits officiels sont mis en place pour encourager les intéressés à s'embarquer dans l'aventure avec, à la clé, une situation professionnelle stable et un projet d'avenir des plus prometteurs. Cette situation désastreuse pour notre pays n'a pas été sans inquiéter les hautes autorités algériennes. L'université qui, de coutume, est considérée comme un pour d'élite intellectuelle a été longtemps marginalisée. Terrorisme oblige, la frange des universitaires a été la première à faire les frais d'une idéologie rétrograde et obscurantiste. C'est peut-être dans un souci de réhabiliter cette strate de la société frappée d'ostracisme que tout un programme a été tracé afin de redorer le blason de l'institution. Cette dernière figure parmi les secteurs que la loi de finances 2005 a dotés d'un budget conséquent. Cette disposition du texte consacrant l'orientation financière de cette année n'est pas fortuite. Elle découle d'une volonté politique qui place l'université en pole position des priorités du programme du président. A ce propos, un plan quinquennal dévoilé il y a quelques jours par le ministre de l'Enseignement supérieur a été établi au profit des enseignants du supérieur. Ce plan s'articule autour de pas moins de cinq axes, lesquels concernent l'élaboration d'un plan directeur de développement du secteur, la formation des formateurs, la réforme globale et profonde de l'enseignement. La réforme des oeuvres universitaires et le développement de la recherche scientifique sont les autres points focaux de la nouvelle stratégie de la tutelle. Un décret instituant une prime d'encouragement conséquente a été promulgué à cet effet. Cette prime est instaurée au profit des professeurs de l'enseignement supérieur et des maîtres de conférences assurant l'encadrement du doctorat. Le montant de cette prime a été fixé à 100.000 DA pour chaque thèse de doctorat soutenue dans les délais réglementaires. Cette nouvelle politique permettra la soutenance de près de 2600 thèses de doctorat dans les cinq années à venir. Autant de matière qui aidera, à coup sûr, la recherche scientifique. Il faut signaler que le dossier des compétences est l'un des dossiers charpente sur lequel est fondée la politique du ministère délégué chargé de la communauté nationale à l'étranger. A ce sujet, la responsable de ce département nous a fait état de l'existence de contacts entre ses services et la diaspora algérienne dont les membres occupent des postes clés au sein de grandes institutions. S'il est impossible pour ces derniers de rentrer au bercail car quels que soient les avantages que leur offriront les autorités algériennes, ils ne seront en aucune manière comparables à ceux dont ils disposent déjà. En outre, pour ceux qui ont choisi l'exil, le pays d'accueil a été plus clément. Ils se sont installés et beaucoup se sont mariés sur place. Les autorités nationales ont opté pour le partenariat, une formule qui, selon la responsable, est à même de porter ses fruits dans différents domaines qui accusent un manque flagrant. Certains professeurs éminents ont été sollicités pour prendre en charge l'encadrement des postgraduations, d'autres à participer à l'animation du centre des technologies de la nouvelle ville Sidi Abdallah. Ils ont aussi reçu des demandes pour former des équipes médicales et chirurgicales communes dans les hôpitaux qui ont introduit des techniques de pointe. Une nouvelle politique Le président de la République a soulevé l'inextricable question des élites qui prennent le large en quête d'un ciel plus clément et d'une reconnaissance de leur talent. Il y a accordé un large pan de son allocution d'ouverture, lors de l'inauguration de la présente année universitaire. Il avait déploré que «le difficile problème de la fuite des cerveaux soit devenu un phénomène universel que la mondialisation va, sans aucun doute, accélérer tout en imposant une compétition très sévère, fondée sur des exigences de qualification de plus en plus élevées. Nous en souffrons, comme beaucoup d'autres pays, notamment les pays en voie de développement». «Ainsi, a-t-il ajouté, il m'est pénible de constater que l'université algérienne a souffert du départ de 2600 enseignants de 1993 à 2000, dont près d'un millier sont heureusement revenus depuis. A ces enseignants s'ajoutent des milliers de médecins et de cadres dans toutes les spécialités dont plus de 3000 informaticiens qui se sont expatriés, peut-être de manière définitive». Cet état profite aux pays occidentaux qui récupèrent nos cerveaux en leur offrant toutes les conditions d'une vie décente dépassant de loin leurs espérances et c'est le président lui-même qui l'affirme non sans dépit : «Nous nous trouvons dans la situation où notre pays fournit aux pays développés, et sans contrepartie, des enseignants et des chercheurs formés dans nos universités». Un plan d'urgence a été réfléchi dans le but de remédier à cette amère réalité. Il s'agit en premier lieu de rétablir les liens, interrompus ou distendus, avec les compétences nationales établies à l'étranger. En deuxième lieu, faire en sorte d'atténuer le phénomène de la fuite des cerveaux. Difficile pari quand on sait que cette démarche passe d'abord par la réforme du secteur, laquelle, selon l'aveu du premier magistrat du pays, est une oeuvre «de longue haleine, cette réforme devra s'affranchir de toute velléité de précipitation, d'improvisation et de dispersion qui nuirait à sa portée et à son efficacité».