Le pluralisme médiatique est précisément fait pour que la presse, dans sa globalité, échappe au piège du traitement sélectif et/ou tendancieux de l'information. “N'insultent la presse que ceux qui sont gênés par la liberté de la presse (…) et ne sont gênés par la liberté de la presse que ceux qui ont des choses à cacher au peuple dont ils sollicitent les suffrages.” Ces mots sont de Youcef Khatib, le candidat le plus effacé à l'élection présidentielle d'avril 1999. Ils revenaient régulièrement dans ses interventions, lors des meetings et des conférences qu'il animait alors. C'était sa réponse, sa seule réponse, à la célèbre phrase de Abdelaziz Bouteflika, qui, déjà, dévoilait ses intentions : “Les journalistes sont des commères de bain maure”. Aujourd'hui, quatre ans après, le propos de Khatib prend tout son sens. Des affaires scabreuses ont été rapportées par des journaux et certaines éclaboussent directement l'entourage immédiat du chef de l'Etat et quelquefois sa personne. Ces affaires ont pour nom Al-Shorafa, Savola ou autre Adel Imam. Cette dernière étant liée à celle qui, aujourd'hui, défraye la chronique sans toutefois livrer encore tous ses secrets, Khalifa pour ne pas la nommer. Et la liste est loin, sans doute très loin, d'être exhaustive car l'actualité est promise encore, semble-t-il, à d'autres scandales. Si toutes ces affaires ont éclaté au grand jour, on le doit d'abord à l'existence d'une presse qui se veut libre, même si cette liberté reste relative et cela reste vrai, même si d'aucuns rétorqueront que, derrière chaque scandale révélé, il y a un homme ou un clan intéressé : le pluralisme médiatique est précisément fait pour que la presse, dans sa globalité, échappe au piège du traitement sélectif et/ou tendancieux de l'information. A chacun son terrain de chasse et la presse n'en serait que plus crédible, même si l'on ne peut toujours en dire autant de chaque journal. Car, si, en l'espèce, la bataille de la crédibilité est collective, celle de l'affranchissement est individuelle. C'est dire que le danger majeur, le vrai, qui guette aujourd'hui la liberté d'expression du journaliste, vient non pas des chapelles, réelles ou supposées, auxquelles obéiraient les titres de la presse nationale, mais bel et bien de cette volonté affichée au sommet de l'Etat, durant le mandat présidentiel en cours, d'ériger des barrières devant l'investigation journalistique. Ces barrières, on le sait, Abdelaziz Bouteflika les veut bien hautes. Les amendements du code pénal et le nouveau projet de loi sur l'information, concocté avec la complicité bienveillante de Khalida Toumi, en attestent. S'il est vrai que Youcef Khatib était le candidat le plus effacé, il n'était manifestement pas le moins averti. S. C.