C'est aujourd'hui que le siège flambant neuf de l'administration pénitentiaire sera inauguré par le ministre de la Justice, garde des Sceaux, M. Tayeb Belaïz. Celui-ci procédera également au lancement de la toute nouvelle application de gestion de la population carcérale. Depuis l'année 2005, date de la promulgation de 14 textes de loi annonçant la modernisation du système pénitentiaire, où des associations nationales et internationales, des organisations non gouvernementales (ONG), au même titre que les auxiliaires de la justice, ont eu à vérifier par eux-mêmes la grande mue opérée dans les enceintes des prisons algériennes. C'est ce qui ressort d'un entretien à bâtons rompus accordé à Liberté par le directeur de l'administration pénitentiaire, M. Mokhtar Felioune, qui a dressé un bilan exhaustif des deux premières années de la réforme engagée en 2005. Un bilan “satisfaisant”, selon lui, et qui fait ressortir, à première vue, que les prisons algériennes ont connu un changement de fond avec la mise en vigueur des normes et des standards internationaux dans leurs gestion et dotations, le traitement du détenu, la formation et le recrutement des personnels qualifiés et spécialisés. Et si d'intenses efforts sont quotidiennement consentis pour une meilleure prise en charge des détenus, il n'en demeure pas moins que beaucoup reste à faire, notamment le désengorgement des 127 centres pénitentiaires qui étouffent réellement avec l'augmentation incessante de la population carcérale. Une donne que connaissent toutes les prisons du monde, certes, mais qui tend à s'accentuer tant que les 13 nouveaux centres placés sous l'égide de l'administration pénitentiaire, d'une capacité de 19 000 places, ne sont pas encore réceptionnés. Humanisation des prisons, qu'en est-il ? L'humanisation des prisons en Algérie, comme partout dans le monde d'ailleurs, a toujours fait l'objet de controverses et de critiques de la part des ONG, des organisations des droits de l'homme, des associations et même des parents de détenus. Prenant le taureau par les cornes, l'administration pénitentiaire a, dès l'année 2005, misé sur la formation des ressources humaines, notamment en partenariat avec des pays d'Europe où des dizaines de cadres ont bénéficié de sessions de cycles de formation et de recyclage spécialisés. Ainsi pas moins de 16 779 personnes ont été formées, dont 4 954 cadres ont reçu des formations de base et 11 825 ont bénéficié de la formation continue, ajoutés aux centaines de cadres formés dans les instituts et les écoles algériennes spécialisées. Mieux, la tutelle, partant du constat que la modernisation de ce système est un volet lourd dans la réforme de la justice, a sensiblement augmenté les crédits, les dotations et les moyens matériels. À titre illustratif, 213 399 couvertures ignifuges (ininflammables), 77 076 lits, 153 fauteuils dentaires, 140 ambulances d'évacuation des urgences (ce chiffre atteindra 300 en juin 2008) et 41 laboratoires d'analyses ont été acquis au profit des établissements pénitentiaires. Et ce n'est point ces acquis, à eux seuls, qui ont changé les choses dans les prisons algériennes ! En effet, l'administration pénitentiaire a misé gros sur le recrutement des personnels spécialisés et qualifiés pour améliorer les conditions de détention. Selon M. Felioune, son département a fait appel à des centaines de compétences, dont 387 médecins généralistes, 422 psychologues, 180 chirurgiens-dentistes, 12 pharmaciens, 76 assistantes sociales et 112 cadres de la jeunesse et des sports pour écouter, encadrer, traiter et réinsérer les détenus dans les prisons. Cela sans compter les pavillons exclusivement réservés aux prisonniers dans les hôpitaux civils en cas de nécessité urgente d'hospitalisation. L'environnement immédiat du prisonnier a également connu un sensible changement. C'est ainsi que tous les quartiers de prisons sont dotés de 3 239 téléviseurs, 250 000 livres, revues et journaux, 120 microtels, 65 billards, 301 baby-foot et 200 tables de tennis. Respect des droits de l'homme et souplesse des mécanismes de libération Depuis l'année 2005, les prisons algériennes ont connu une réelle métamorphose sur le plan des droits des détenus et sur le régime de la rééducation et de la réinsertion. Ainsi, et selon M. Felioune, un détenu condamné définitivement peut bénéficier d'une liberté conditionnelle pour des raisons strictement médicales. À condition qu'il ait déjà accompli une partie de la peine de sa condamnation. Sur un autre plan, le prisonnier peut quitter l'établissement pénitentiaire, sans surveillance, et revenir en fin de journée. Comme le prisonnier peut aussi bénéficier d'une semi-liberté de 10 jours, une sorte de “récompense” accordée pour sa bonne conduite. En 2005-2006, ce sont 4 557 prisonniers qui ont bénéficié de la liberté conditionnelle, 891 de la semi-liberté, 4 016 de la permission de sortie et 510 libérés et réinsérés dans le cadre de l'activité d'intérêt général. Sans compter 2 331 détenus affectés, entre 2003 et 2006, sur les établissements du milieu ouvert et les chantiers extérieurs. L'environnement extérieur est également pris en considération par les centres pénitentiaires. Outre l'élargissement de la liste des personnes et des organismes autorisés à visiter les détenus, les prisons ont augmenté le nombre de visites de 2 à 4 par mois. Et si l'usage du téléphone cellulaire est strictement interdit, l'administration pénitentiaire a prévu des lignes téléphoniques accessibles aux prisonniers. Autant de conditions qui s'ajoutent au droit du détenu aux recours, aux plaintes, à une aide sociale et financière lors de sa libération (pour les personnes démunies) et au parloir rapproché au profit des mineurs et des femmes. L'instauration de la commission de l'application des peines, de la commission de l'aménagement des peines, du comité interministériel de coordination des activités de rééducation et de réinsertion sociale (composée de 22 représentants ministériels chargés de concrétiser les actions arrêtées) et des services extérieurs de réinsertion sociale des détenus sont autant de mécanismes mis en place depuis 2005 pour booster une réforme souhaitée du système pénitentiaire qui était, dans les années de braise, en état de stagnation. La souplesse des mécanismes mis en place par le département de Belaïz témoigne, deux ans après leur mise en vigueur, de la volonté de multiplier les formes inhérentes au respect des droits de l'homme. Un volet autrefois soulevé par les ONG et autres organismes et qui, aujourd'hui, est pris en charge dans le cadre d'un arsenal législatif et réglementaire de pas moins de 14 textes de loi adoptés en 2005 pour humaniser le milieu carcéral. Cela étant dit, selon M. Felioune, les prisons algériennes sont visitées et inspectées chaque mois par des magistrats spécialisés, en plus des rencontres périodiques entre les directeurs de prison avec les détenus, choisis dans chaque quartier des centres pénitentiaires pour recenser leurs doléances. Plus d'espace dans les prisons en 2008-2009 Le directeur de l'administration pénitentiaire, M. Mokhtar Felioune, ne cache pas, cependant, le côté négatif de cette réforme, même si un plan de solutions radicales est en cours. “Le surpeuplement des prisons est le maillon faible de nos prisons. D'ici 2009, le problème d'espace ne se posera plus, notamment avec la réception de 13 nouveaux centres pénitentiaires de 19 000 places dans le Sud et les Hauts-Plateaux”, dit-il. Mais pourquoi le Sud et les Hauts-Plateaux ? M. Felioune estime que ce projet apportera un plus à son département et, bien plus, à l'amélioration des conditions de détention en milieu carcéral. Du coup, le choix du Sud et des Hauts-Plateaux se veut une manière de renforcer l'action de développement durable dans ces régions d'Algérie qui nécessitent des actions de reboisement d'envergure et la croissance du taux d'intégration des populations. Cela, en attendant la réalisation de 66 autres centres pénitentiaires à l'horizon fin 2009. Ces centres sont placés sous l'égide des walis qui auront la tâche du suivi et de la réception de ces ouvrages. Quant aux 13 centres placés sous l'égide de l'administration pénitentiaire, ils seront réalisés par des entreprises chinoises. Ce volet non négligeable participera sans doute à l'amélioration des conditions sanitaires et d'hygiène et influera positivement sur le cadre de vie des prisonniers, même si le milieu carcéral est fait avant tout pour rééduquer et réinsérer les personnes condamnées. F. B.