Hamas, quoi que l'en on pense, a démontré l'incapacité d'Israël à mettre au pas Gaza en déverrouillant la frontière avec l'Egypte et en transformant le blocus israélien en désastre pour l'image de l'Etat juif. Plus de la moitié de la population de Gaza a franchi la frontière avec l'Egypte pour y faire ses emplettes. Situation inédite, un peu comme le chute du mur de Berlin mais sans la libération des Palestiniens. Cette ruée vers la partie égyptienne de la ville de Rafah, à cheval sur la frontière, et vers El-Arich, plus à l'ouest, se poursuit, après la destruction de la clôture frontalière mercredi dernier. Selon une estimation de l'agence de l'ONU d'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), au moins 700 000 habitants gazaouis sont passés en Egypte où de nombreux magasins dans le Sinaï sont totalement vidés de leurs stocks. Le président égyptien Hosni Moubarak a laissé faire de crainte que la situation ne lui saute yeux mais il accuse Hamas, qui contrôle Gaza, de tenter d'impliquer l'Egypte dans les différends interpalestiniens, tandis qu'Israël a averti Le Caire en lui faisant porter la responsabilité de l'escapade palestinienne. Olmert a rappelé aux égyptiens leurs obligations, les mettant en garde contre l'infiltration d'activistes du Hamas et leur approvisionnement en armes. Bush a formulé le même avertissement. La situation est conséquente de l'embargo qui frappe l'enclave palestinienne. Gaza se mourrait. Son siège par Israël est tellement rigoureux que son peuple est au bord de la famine, c'est une grande tragédie que le monde a ignorée. Et Pourtant, c'est une société tout entière qui est en cours de destruction. Dans cette zone la plus dense du monde, 1,5 million de Palestiniens y sont emprisonnés et tout a été saccagé par l'armée israélienne se livrant à des destructions systématiques et à des assassinats, y compris de femmes et d'enfants. Ses chars vont et viennent comme ils veulent, rasant maisons et vergers, tuant ovins et chèvres. Mais ce ne sont pas que les dernières incursions qui ont détruit Gaza et ses habitants. Un rapport de la Banque mondiale, publié le mois dernier, relève que l'enclave est en récession économique sans précédent. La quasi-totalité de la population vit aujourd'hui dans la pauvreté, le revenu par habitant est de moins de 2 dollars ! Le désespoir se voit partout, la criminalité a augmenté accroissant le nombre de candidats à l'extrémisme. Cette année est la pire depuis 1948, lorsque les réfugiés palestiniens se sont déversés pour la première fois à Gaza, fuyant leurs terres du nord spoliés par les colons juifs. Depuis juillet dernier, même l'aide humanitaire qui nourri la moitié de la population ne rentrait plus. Le pain, les falafels et les quelques tomates et concombres sont devenus des denrées de luxe. Pourtant, Gaza exportait des oranges. Les orangers ont été rasés par Israël afin de créer ses zones de sécurité. Les œillets et les fraises, deux des principales exportations de Gaza, n'ont plus de preneurs et la fourniture d'électricité est à présent intermittente. La nouvelle offensive israélienne, qui dure depuis deux mois, a frappé une société déjà touchée par le retrait des subventions européennes après l'élection du Hamas, qui a refusé de céder à Gaza. Sous la pression étasunienne, les banques arabes à l'étranger ne transfèreront pas de fonds au gouvernement. Les employés de l'Etat qui font bouillir la marmite dans tout Gaza ne sont plus payés. Le siège israélien et le boycott européen sont des punitions collectives infligées aux gazaouis et cela ne risque pas de dissuader les hommes en armes. Dimanche Gaza sera au centre d'une rencontre entre Olmert et Abbas, et tandis que le Conseil de sécurité peine à se réunir pour examiner la question, l'Organisation de la conférence islamique a annoncé la tenue d'une réunion à Djedda le 3 février pour discuter du blocus israélien imposé à Gaza. D. Bouatta