L'Algérie aura été à l'avant-garde de la lutte contre le terrorisme, pour administrer la preuve au monde entier, après dix années de feu et de sang, que le terrorisme peut être défait militairement. Avec l'avènement des années 2000, notre pays allait effectivement signer l'acte de décès du terrorisme et on parlait déjà du “dernier quart d'heure” pour faire valoir le nouveau concept de “terrorisme résiduel” signifiant l'anéantissement de la violence subversive presque comme une formalité. Mais on a peut-être oublié dans l'euphorie d'un retour remarquable de la paix et de la sécurité en Algérie que la notion de djihad dans son acception salafiste, et plus généralement dans l'intelligibilité du fondamentalisme religieux, va bien au-delà du chapitre militaire, pour faire sienne une démarche pernicieuse qui s'articule sur un travail de sape des fondements de la société. En ce sens, il faut d'abord souligner que l'équation classique qui voudrait que le djihad constitue une violence inconsciente exprimant la frustration d'un courant islamiste (le FIS en l'occurrence), dépossédé d'une victoire politique longtemps véhiculée par certains cercles occidentaux, a montré ses limites, pour dire ensuite que la violence islamiste a trouvé en Algérie dans le politique un suprême prétexte pour régenter la société selon ses propres lois et sa propre idéologie. Cette idéologie et ces lois ne peuvent être imposées à une société par la terreur, les tenants du salafisme le savent bien, étant dit que cette terreur vient plutôt en appoint d'une pénétration de la société à travers ses principaux leviers pour la faire basculer. Le terrorisme en ce sens représente donc pour les salafistes un instrument pour atteindre l'objectif de l'instauration de la “dawla islamia” avec les faux atours du rétablissement de la justice sociale. C'est dans ce contexte que s'inscrit le discours développé par le ministre de l'Intérieur Noureddine Yazid Zerhouni lors de son intervention à la 25e session du conseil des ministres arabes de l'Intérieur qui s'est tenu à Tunis. En effet, le ministre algérien a tenu à focaliser l'attention sur le travail de sape des fondements de la société par l'intégrisme islamiste en soutenant que “la lutte contre le terrorisme ne concerne pas seulement les forces de sécurité, mais également tous les secteurs, notamment de l'éducation, de l'enseignement, les affaires religieuses, la culture et l'information”. Ces leviers ont constitué depuis l'apparition du terrorisme le talon d'Achille de l'Algérie. N'est-ce pas que l'intégrisme a trouvé une école sinistrée, qui aura constitué un terrain fertile pour injecter le venin au sein d'une jeunesse qui commençait à perdre ses repères authentiques pour amener cette même école à fabriquer des bombes humaines. L'autre terreau aura été et reste la mosquée et les différentes sphères de la culture où les djihadistes exploitent les frustrations d'ordres politique, social et économique, à la faveur d'une absence remarquée des institutions de l'Etat pour les capitaliser au profit de l'idéologie salafiste et les convertir en énergie au service du terrorisme. La défaite militaire du terrorisme ne signifie pas donc son anéantissement. Comme le soutiennent de nombreux spécialistes de la question, “le terrorisme doit être défait par l'idéologie et être surtout délégitimé aux yeux de ceux qui le défendent”. Ce qui n'est pas impossible si l'on s'attelle à restituer à l'école algérienne ses repères authentiques, à la religion ses valeurs véritables et à la culture sa vocation originale. Des questions auxquelles notre pays doit répondre s'imposent donc comme le moyen de couper le terrorisme de la sève qui le nourrit. Par exemple, savoir quel type de prise en charge éducative peut être envisagée pour désamorcer un processus de radicalité ? Ou encore s'interroger pourquoi et comment le discours radical fait autorité sur ce jeune ? Comme le soulignent certains spécialistes de la question. Autant dire que le travail doit consister surtout à comprendre “le comportement des jeunes en rupture qui évoquent leur relation à l'islam pour s'auto-exclure ou exclure les autres”. Un travail qui reste de longue haleine et qui doit impliquer toute la société. Car, il faut bien, pour savoir pourquoi des jeunes refusent d'aller aux cours dispensés par une enseignante sans hidjab, comprendre ce qui les a amenés à ce type de comportement. Plutôt que d'incriminer le contenu de la religion musulmane, il s'agit de démonter, pour bien les neutraliser, les mécanismes qui réorientent le lien à la religion lorsqu'elle entrave le processus de socialisation d'un jeune et le met en rupture avec son univers familial, professionnel et social. C'est peut-être ce qui a poussé notre ministre de l'Intérieur a appeler à “l'adoption d'une politique de sensibilisation pour faire prendre conscience au citoyen les dangers et conséquences du terrorisme sur les pays dans tous les domaines”. Parlant de l'islam, “au nom duquel les crimes les plus abominables sont commis”, Zerhouni a appelé à la contribution des ulémas à “la bonne explication des concepts théologiques pour convaincre, a-t-il dit, les égarés à s'éloigner des pensées erronées et à revenir vers le droit chemin”. Le ministre a, par ailleurs, relevé l'apport considérable des médias qu'il a jugé “primordial non seulement pour lutter contre le terrorisme et l'intégrisme, mais aussi pour sensibiliser les citoyens sur les dangers des déviances et de la délinquance, notamment les jeunes qui constituent la cible privilégiée des groupes et des organisations terroristes”. Zahir Benmostepha