Un projet de loi visant à lever l'interdiction du port du voile islamique dans les universités, présenté par le gouvernement turc comme une réforme nécessaire sur la voie de l'adhésion à l'Union européenne, a fait sortir plus de 100 000 Turcs dans les rues d'Ankara appelant à son rejet. Le projet du gouvernement Erdogan, qui doit être voté la semaine prochaine par les députés, a provoqué un véritable tollé dans les milieux attachés à une application stricte du principe de laïcité, particulièrement nombreux dans l'armée, la magistrature et l'administration universitaire. Cette loi prévoit la fin de l'interdiction du port du voile islamique dans les universités de Turquie, un pays où la population de religion musulmane est à plus de 99%, mais au régime strictement laïc. Scandant “La Turquie est laïque, elle le restera”, “Gouvernement démission” et “Nous sommes tous des soldats d'Atatürk”, les manifestants ont investi le mausolée du fondateur de la République turque laïque, Mustafa Kemal Atatürk, où les autorités militaires qui le gèrent ont dénombré samedi 126 500 entrées, essentiellement des manifestants réunis à l'appel de 35 associations, dont plusieurs associations féministes. Ali Babacan, le chef de la diplomatie turque, a justifié le projet comme une réforme nécessaire sur la voie de l'adhésion à l'UE en estimant que les polémiques qui l'entourent nuisaient à la Turquie. Il a argumenté par le fait que “la Turquie est un pays qui doit aller de l'avant dans le domaine des droits et des libertés. La Turquie est un pays qui est dans l'obligation de mener des réformes politiques pour parvenir à une adhésion entière à l'Union européenne”. Cet argument n'a pas convaincu les dirigeants d'université, qui estiment que “les amendements proposés vont accélérer l'éradication du principe républicain de laïcité” tout en mettant en garde contre un risque de “chaos” et d'“affrontements” dans leurs établissements. Cette levée de boucliers n'est qu'un coup d'épée dans l'eau, affirment certains analystes, qui pensent que le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, fort de sa large majorité au Parlement, fera passer sans problèmes la loi. En effet, l'AKP et le Parti de l'action nationaliste (MHP, nationaliste), qui soutient cette réforme, disposent au Parlement de la majorité des deux tiers des sièges, nécessaire pour faire passer le texte. Par ailleurs, ce parti justifie son initiative par le fait que l'interdiction du foulard islamique à l'université porte atteinte à la liberté de conscience et au droit à l'éducation des jeunes femmes refoulées des universités en raison de leur tenue. Dans une déclaration à l'agence de presse turque Anatolie, le vice-président de l'AKP, Egemen Bagis affirme : “Nous voulons lever toutes les lois mettant en place toutes sortes d'interdictions absurdes devant les gens.” Avant d'ajouter : “Nous ne devons pas avoir peur de celles qui couvrent leur tête, mais de ceux qui recouvrent leur cervelle.” K. A.