Le travail du bois à Iferhounène, notamment dans le village Lazib, est un métier hérité de père en fils. Un legs que des jeunes essayent aujourd'hui de sauver de l'usure du temps. Plusieurs villages dans cette contrée montagneuse (Takhlidjthe, Lazib et Zoubga) pratiquaient dans le passé cette activité. Mais qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Actuellement des jeunes luttent pour la sauvegarde de ce patrimoine culturel qui dépérit progressivement. “Toute notre famille exerçait cette activité que nous détenons de nos aïeux…”, nous dira un jeune de Lazib en compagnie d'autres camarades occupant des locaux aménagés où ils s'adonnent à cet art dont ils conservent soigneusement la finesse. D'autres artisans de cette localité sont partis travailler ailleurs, qui à Sétif, qui à Annaba, qui à Tizi Ouzou (Tamda notamment), où ce métier semble leur être plus rentable comme gagne-pain. “Je préfère travailler le bois que de faire manœuvre dans un chantier. Et pour cela, je sauvegarde et perpétue une tradition tout en gagnant un peu plus…” Ces jeunes espèrent néanmoins une prise en charge rationnelle de la part des pouvoirs publics en attendant de bénéficier d'un soutien effectif et d'une assurance sociale. “Avec cette situation, on risque de baisser les bras à chaque instant. C'est bien de travailler, mais pas quand on est sans couverture sociale… Même en cas d'accident, on ne peut rien faire.” L'on remarque que ces artisans manquent sérieusement d'informations, car s'ils s'étaient constitués comme tels avec des documents officiels, ils auraient pu justement bénéficier de nombreux avantages. “Nous ne pouvons pas payer les charges et les cotisations d'usage… Nous risquons de nous retrouver avec zéro salaire à la fin du mois…”, font-ils remarquer à ce propos. Avant, ils travaillaient à l'aide d'une machine manuelle, apparemment un tour à bois fabriqué lui aussi de manière artisanale, appelée “tahanouts ounechav”, nous dit-on. Ils fabriquaient des ustensiles en bois et autres objets pratiques, très prisés pour leur esthétique et utilité. À Illiltène (dans la même daIra), d'autres métiers sont en perdition, tel celui de forgeron. Connu autrefois pour ses maréchaux-ferrants dont la qualité du travail est sans reproche, Taourirt Ihadaden (ou le village des forgerons) voit ce métier plus que séculaire décliner. Il ne reste plus q'un seul artisan dans ce domaine. Il s'agit de Da Mohand Saïd AIt Benali. Il tient un petit atelier au centre d'Illiltène où il exerce tout seul. De loin, on entend le son du fer encore tout chaud que le maréchal-ferrant bat à grands coups de marteau. L'homme est bien bâti et conserve toute sa puissance physique en dépit de son âge. “Autrefois il y avait plus de huit forgerons sur cette place du marché, lieudit El-haad Nath Yelliltène. Tous travaillaient bien et gagnaient leur vie assez correctement suivant l'époque”, dira Da Mohand-Saïd. Ce travail lui a été légué par son père, il le perpétue depuis plus de 25 ans. “J'ai une sorte de passion pour ce métier que j'ai appris tout jeune. Bien que celui-ci n'a plus cours aujourd'hui, encore il y a peu de fellahs, d'une part, et de l'autre, les moyens modernes l'emportent de loin sur ceux traditionnels. Ce qui fait qu'il y a très peu de clients en l'occurrence.” Da Mohand-Saïd parle avec une certaine nostalgie du temps passé, des valeurs d'autrefois, apanage de l'ensemble de la société. “Actuellement on ne s'intéresse plus à ce métier. Les matériaux de base sont trop chers, notamment le charbon qui coûte 6000 DA le quintal”, nous précise-t-il. À la place du soufflet de forge traditionnel, cet artisan utilise un chalumeau pour surchauffer le fer, mais tout en gardant la table est la méthode de travail ancestrale. “Comme tu vois, je n'ai pas beaucoup de travail. Nos seuls clients sont les paysans encore actifs. Mais peu de gens s'occupent de la terre aujourd'hui, beaucoup de choses ont changé. Alors je viens deux fois par semaine dans cet atelier.” Dans son modeste réduit, la chaleur est à son comble, par terre quelques haches attendent d'être réparées et aiguisées. Les seules commandes sans doute pour toute la semaine. Ces métiers risquent de se perdre et de disparaître à jamais. C'est pourquoi l'on devrait sans doute penser à leur sauvegarde, tout au moins pour ce qu'ils représentent dans la mémoire commune de la vie et de l'histoire de la paysannerie. Kouceila Tighilt