Comment Bouteflika nomme-t-il un Premier ministre ? Voici relatée dans les détails la nomination d'Ahmed Benbitour, l'homme qui a osé démissionner pour laisser la place à Ali Benflis. Lundi 21 décembre 1999. Ahmed Benbitour, ancien ministre de l'Economie sous la présidence de Zeroual est en voyage d'affaires à Hassi Messaoud. Son téléphone sonne. Au bout du fil, Ali Benflis, le chef de cabinet de la présidence. “Bouteflika veut vous rencontrer”. Benbitour décline l'offre. “Je ne peux pas. Je suis occupé”. Mardi 22 décembre. Le chef de cabinet de la présidence relance : “Le Président veut vous voir. Il insiste”. Benbitour refuse encore une fois. “Dites au Président que je suis pris”, répond-il. Bouteflika est contrarié, lui qui déjà fait son choix sur son futur Premier ministre. Il souhaite annoncer la constitution de son nouveau gouvernement le plus tôt possible. Le staff gouvernemental est déjà prêt. Il ne reste qu'à convaincre l'homme qui aura à le diriger. Et cet homme refuse de répondre à ses sollicitudes Il n'est pas dans les habitudes de Bouteflika de renoncer facilement à ses désirs. Il n'aime pas davantage qu'on lui tienne tête. Il convoque encore une fois son chef de cabinet et lui demande de rappeler Benbitour. “Dites-lui que c'est un ordre de la présidence”. Le lendemain, Ahmed Benbitour est à Alger. Il s'affaire dans son bureau, aménagé dans sa villa sur les hauteurs d'Alger lorsque le téléphone retentit. Le chef de cabinet désire lui faire part d'un message. “Le Président vous convoque sur le champ. Cette fois-ci, vous ne pouvez refuser. On vous envoie une voiture”. Sommé de rencontrer Bouteflika, il se rend au siège de la présidence. Bouteflika l'accueille dans son bureau. L'entretien entre les deux hommes dure cinq heures. Surpris par l'annonce de la rupture du jeûne, le Président réclame du lait et des dattes. Sans plus. Les deux hommes n'ont pas le temps de dîner. Bouteflika va lui confier une mission. “Je veux que nous travaillions ensemble. Je vous nomme à partir de ce moment Premier ministre.” Surpris par la demande, l'intéressé écoute son interlocuteur qui lui développe son programme. Le discours de Bouteflika est parfaitement préparé. Depuis quelques jours déjà, son choix s'est porté sur cet économiste, réputé pour avoir l'oreille des instances économiques internationales. Pas question de perdre encore du temps. Même la liste des membres de l'Exécutif est déjà prête ! “J'ai déjà formé mon gouvernement”, lui précise-t-il. En effet, avant même de rencontrer son Premier ministre, le président avait déjà contacté les hommes qui siégeront dans le gouvernement. Benbitour accepte l'offre. “Cela ne m'arrange pas que vous ayez déjà constitué l'équipe”, répond-il. Cependant, il pose une condition. “Si vous n'êtes pas disposé à travailler avec moi, je ne prendrai pas cette mission”, déclare-t-il. Bouteflika se veut rassurant : “Je suis disposé à vous apporter toute mon aide.” L'affaire est conclue. Bouteflika lui remet la liste des membres du nouveau gouvernement et l'invite à se mettre au travail sur le champ, en collaboration avec son chef de cabinet. Il lui fait savoir que l'annonce de la nomination du gouvernement interviendra dans les prochaines heures. Au plus tard, jeudi 23 décembre. Le Président et son chef du gouvernement se séparent au bout de cinq heures de discussions. Le nouveau Premier ministre s'installe dans un bureau de la présidence et entame les premiers contacts téléphoniques. Pour le seconder dans sa nouvelle tâche, Ali Benflis est chargé de lui faciliter le travail. L'homme possède tous les numéros de téléphone des ministres qu'il met à la disposition du Chef du gouvernement. Un par un, les ministres sont appelés pour être informés de leur nomination. Les consultations durent toute la nuit, jusqu'au petit matin. Jeudi 24 décembre. Un communiqué officiel met fin au suspense. Le sénateur Ahmed Benbitour est officiellement nommé Premier ministre en remplacement de Smaïl Hamdani. F. A.