Qu'est-ce qui a poussé au divorce ces deux hommes que tout semblait lier ? «Je voudrais préciser à l'opinion publique algérienne que je n'ai, à aucun moment, démissionné de mon poste (...) Je donnerai plus de détails sur cette question après la prise de fonctions de mon successeur.» C'est en ces termes que Ali Benflis a officiellement commenté hier sa fin de fonction après le très long entretien qu'il a eu avec le Président Bouteflika. Le message, on ne peut plus clair, sous-entend que le désormais secrétaire général du FLN, premier parti algérien, se déliera de tout droit de réserve dès qu'il ne sera plus tenu d'assumer les affaires courantes, annonçant par là même que la campagne électorale risque fort de démarrer bien avant l'heure. Ali Benflis, homme probe et très proche de Bouteflika, avait été nommé par ce dernier à un moment critique de son mandat, lorsque Ahmed Benbitour avait jeté l'éponge et s'était mis à critiquer vertement l'existence de superministres dans son équipe. Le chef de l'Etat ne pouvait que faire appel à son ancien directeur de campagne auquel il doit une bonne partie de son triomphe électoral. Mais, comme on dit, les amitiés ne survivent guère longtemps aux considérations politiques. Benflis, très vite, a commencé à se sentir gêné aux entournures à cause des agissements de ces mêmes superministres. Le FLN, parti du centre-gauche, qui émet même le voeu de renouveler son adhésion à l'Internationale socialiste, ne peut tolérer le projet de loi sur les hydrocarbures, ni les privatisations telles que conçues et menées à la hussarde par Hamid Temmar. Ali Benflis, bien souvent, avait exprimé sa désapprobation par rapport à ce genre de démarches aussi bien en tant que secrétaire général du FLN qu'en sa qualité de chef de l'Exécutif. Preuve que Benflis, pour puissant qu'il soit, n'a rien pu faire pour infléchir la politique de certains ministres dont les prérogatives et les pouvoirs semblaient dépasser les siens. Le Chef du gouvernement, qui semble avoir épuisé tous les moyens pour revenir à un fonctionnement normal des institutions du pays, semble s'être résigné à croiser le fer avec son ancien compagnon. Le premier geste d'hostilité, que Bouteflika n'a pu interpréter autrement, a eu lieu à la faveur du congrès du FLN lorsque Benflis a, en quelque sorte, cueilli les fruits du gigantesque travail effectué à sa tête pour en faire le premier parti du pays. Benflis ne s'est, en effet, pas contenté de s'octroyer plus de pouvoir sur les instances du parti puisque, chemin faisant, il a aussi «balayé» l'intégralité de la «vieille garde» du Président Bouteflika. La guerre, désormais, était déclarée. Elle s'est traduite, outre les spéculations grandissantes colportées par voie de presse, par un blocage au sommet des institutions puisque le Conseil des ministres ne s'est pas réuni depuis plus d'un mois. Intenable. La situation l'était devenue à telle enseigne que plus aucun compromis ne restait possible entre les deux hommes. Le FLN risque, il faut le craindre, de graves scissions en son sein puisque de nombreux ténors du parti affichent clairement leur préférence à Bouteflika alors que la candidature de Benflis ne cesse de se confirmer. A une croisée des chemins, on ne peut plus déterminante, le FLN risque le pari fou de perdre tout ce qu'il a patiemment érigé en dix années de sacrifices puisqu'un duel Bouteflika-Benflis risque fort de profiter à d'autres forces politiques émergentes dans le pays...