Ayant refusé de démissionner, le Chef du gouvernement a été congédié. Son successeur a pris ses fonctions immédiatement. Le président de la République a mis fin, hier, au suspense qui a duré des semaines sur le sort du gouvernement de Ali Benflis. A l'issue d'une audience qui a eu lieu hier, en début d'après-midi, Bouteflika a remercié le chef de l'Exécutif. Dans un communiqué rendu public par la présidence de la République, il est écrit que “le président de la République a informé Ali Benflis de sa décision de procéder à la nomination d'une équipe gouvernementale”. A l'issue de l'audience que lui a accordée le chef de l'Etat, le Premier ministre a déclaré : “Son Excellence le président de la République m'a informé de sa décision de mettre fin à mes fonctions de Chef de gouvernement.” Il a bien précisé qu'il a été démis de ses fonctions et n'a pas déposé de démission. Et d'ajouter : “Je voudrais préciser à l'opinion publique algérienne que je n'ai à aucun moment démissionné de mon poste.” Entre le Président et lui, la crise a éclaté il y a quelques semaines. Les préparatifs du huitième congrès du FLN ainsi que l'orientation donnée par Ali Benflis à ces assises au cours desquelles les hommes du Président ont été écartés du comité central ont irrité beaucoup Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier a décidé de riposter. Dès lors, des rumeurs ont commencé à circuler sur la démission du Chef du gouvernement, vite démenties par le chef de l'Exécutif depuis Nouakchott. La brouille s'est quelque peu estompée suite à la médiation entreprise par “certains poids lourds du régime”, mais l'embellie a été de courte durée. Au cours des séances protocolaires, lors des visites des responsables étrangers, les deux hommes se sont évités. Un ministre du gouvernement sortant, sous le sceau de l'anonymat, raconte que l'ambiance qui régnait était morne, lors des dîners offerts en l'honneur des étrangers en visite en Algérie. Cette situation a bloqué toutes les institutions de la République. Tout était réduit à l'expédition des affaires courantes. L'ambiance d'une campagne électorale a dominé les débats publics. Le Conseil des ministres ne s'est pas tenu depuis février dernier. A la suite d'un tête-à-tête qui a duré plus de deux heures durant la première quinzaine d'avril, les choses sont rentrées dans l'ordre pour quelques jours seulement, et le président de la République a convoqué un Conseil des ministres à la veille du départ du Benflis à Nouakchott avant de se raviser et d'annuler cette réunion quelques heures seulement avant sa tenue. Des projets de lois adoptés par le Conseil de gouvernement durant cette période sont restés sans suite. “Cette situation a mis en chômage technique” les deux Chambres du Parlement qui, faute de programme, se sont rabattues sur des rencontres-débats consacrées à des sujets divers. Les ambitions affichées par Bouteflika comme par Benflis pour la présidentielle d'avril 2004 ont contribué à accélérer la rupture entre les deux hommes ; hier, unis par la course à la magistrature suprême ; aujourd'hui, séparés à cause d'un scrutin à objectifs similaires. La tenue du huitième congrès du FLN a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. La gestion de la crise de Kabylie, la conduite des privatisations et la volonté de consacrer l'autonomie du FLN — par rapport à quelle entité en fait ? — ont aggravé le conflit. Au lendemain des législatives, tout le monde s'attendait, au vu du poids électoral engrangé, à ce que Benflis impose sa vision dans la nomination des membres du gouvernement. Il n'en a pas été ainsi. Le chef de l'Etat n'avait pas accédé à sa demande lorsqu'il a voulu la tête de Zerhouni. Les ministres qui posaient problème à Benbitour d'abord et à Benflis dans son premier gouvernement, ont été reconduits. Seul Benachenhou avait “sauté” pour gérer les finances à partir du palais d'El-Mouradia. Temmar et Khelil ont continué à narguer les syndicats. La Centrale syndicale a été poussée à bout, au point de décréter une grève générale de deux jours, qui avait fait croire au Président que son Premier ministre était de “connivence” avec le partenaire social. Le discours virulent de Sidi Saïd au deuxième jour du congrès, soit à la clôture des assises, n'a fait que renforcer ce soupçon. La bipartite annoncée en grande pompe n'aura pas lieu avec Benflis. L'autre indicateur de rupture entre les deux hommes réside dans les tournées du ministre de l'Intérieur dans plusieurs wilayas assorties de réunions avec des secrétaires généraux d'APC. C'est par ces commis de l'Etat au poids indéniable que le Président entend contrebalancer la majorité du FLN dans les collectivités locales. Certains s'interrogeront sur le pourquoi de ce changement maintenant. La réponse est toute simple. Outre les relations qui se sont détériorées entre les deux hommes, c'est au moment où Benflis se préparait à se rendre en Kabylie que le chef de l'Etat a choisi de lui couper l'herbe sous les pieds de peur de lui concéder des “bénéfices électoralistes”. C'est aussi à la veille de la bipartite ainsi que du congrès du principal adversaire du FLN que ce changement a eu lieu. Les prochains jours apporteront certainement d'autres éclairages. M. A. O.