La directrice d'un CEM d'Alger a asséné une gifle au professeur Illoul. Dans ce geste est coulée toute la déchéance du pays. Bien sûr, Madame B. ne savait pas qu'elle venait de brutaliser le professeur Illoul, médecin de l'ALN qui, plus tard, dirigeait le service de gastro-entérologie le mieux tenu de l'Algérie indépendante. Homme intraitable en son temps, d'une autorité sans faille, qui a formé des milliers de médecins. Même le professeur Mentouri n'osait pas le provoquer, ce qui n'est pas peu dire. Ce qui n'était pas peu dire, du vivant du Pr Mentouri… Parce qu'aujourd'hui, ce n'est plus le cas si l'on en juge par le fait que la ville d'Alger n'a sacrifié qu'une ruelle de quelques mètres au souvenir du professeur, un passage transversal et sale où, sur le petit panneau qui porte son nom, les riverains accotent leurs sacs-poubelles. Renversement des valeurs : les morts, ça sert aux commémorations ; les retraités, ça ne sert même pas à cela ! Le temps n'est plus à la noblesse des charges assumées ; il est à la suffisance du pouvoir. Si un directeur, une directrice en l'occurrence, peut gifler un vieillard, grand-père d'élève, sous le regard de son petit-fils, parce qu'il gêne le passage, qu'en sera-t-il du comportement de ses élèves ? Ah ! Le bel exemple ! Faut-il s'étonner alors que des collégiens de Thénia prennent rendez-vous avec des tueurs du GSPC, après les cours, pour complément de formation ? La violence est un comportement acquis, et ce n'est pas aux “éducateurs” qu'on apprendra qu'il n'y a pas meilleur apprentissage que celui enseigné par l'exemple. Benbouzid a beau s'en défendre : la violence s'apprend aussi à l'école et, en la matière, les enfants y trouvent quelques enseignants modèles. L'invective télévisée et la haine des serments d'imams, comme celui d'Apreval, complètent la tâche. L'humiliation passagère infligée au Pr Illoul par une directrice de collège symbolise la décadence consommée de toute une nation. Le mérite n'étant plus indispensable à la promotion, on ne respecte plus sa fonction ; on en abuse. C'est une loi du système. Et ce n'est pas toujours par l'aptitude qu'on devient directeur d'un CEM de quartier résidentiel. Dis-moi où tu es, je te dirai qui t'a placé. Et celui-là seul mérite ta déférence ! Avec une telle couverture, on cultive, si l'on n'y prend garde, l'arrogance de ceux qui se sentent protégés. Ce système de parrainage autorise souvent notre responsable à des comportements de délinquant, caractéristiques des systèmes autoritaires. C'est aussi à l'école que s'organise le trucage des élections, sous l'attention, passive ou active, des chefs d'établissement. Ce qui leur donne une position politiquement stratégique. Sachant la puissance des desseins politiques et idéologiques qu'ils servent, ils peuvent être tentés de partager le droit à l'impunité de ceux qui servent un système basé sur le rapport allégeance-privilèges. Le professeur Illoul a peut-être payé de n'y avoir pas pensé, lui qui a toujours mérité ses fonctions qu'il a utilisées à assister ses concitoyens souffrants… Il est passé le temps, professeur, où l'on tirait sa fierté et son respect de son utilité sociale. Il a fallu que vous retourniez à l'école pour l'apprendre ! M. H. [email protected]