Nécessité impérative pour le développement de Madagascar, un des pays les plus pauvres du monde, pour le président Malgache, volonté de renforcer ses pouvoirs accusent ses opposants. La révision de la Constitution, soumise à référendum le 4 avril, divise la classe politique à Antananarivo. Elle propose pêle-mêle d'introduire l'anglais comme langue officielle du pays, faire disparaître de la loi fondamental le terme d'Etat laïc, mais surtout élargir les pouvoirs du Président. Pour Marc Ravalomanana, réélu en 2006, la Constitution qui date de l'indépendance en 1960 est obsolète pour son ambitieux plan de développement, baptisé Map 2007-2012, qui entend faire baisser le taux de pauvreté d'environ 70 à 50%, tablant sur un taux de croissance annuel de l'ordre de 8 à 10% en 2012, contre environ 5% actuellement. Dans les milieux de l'opposition, cette approche est contestée. Ils jugent que ce n'est pas à la Constitution de s'adapter au Map sinon, il faudra le faire chaque fois que le pays changera de programme. En réalité, derrière ces arguties, Ravalomanana entend renforcer ses pouvoirs, avec la clause l'autorisant à légiférer par ordonnances et sa liberté dans les nominations aux plus hautes fonctions judiciaires. “Il ne faut pas se leurrer, le principal objectif est la confiscation de tous les pouvoirs par le président de la République”, assure l'opposition. Le bras de fer a commencé. Au Cameroun, les choses sont plus compliquées pour le président Paul Biya qui, dans une conjoncture sociale est peu favorable, a décidé d'éviter une consultation populaire. Mais l'opposition s'est soulevée et des morts sont enregistrés dans les manifestations anti-révision. Contesté, après un quart de siècle de pouvoir, Biya avait cru prendre tout le monde de vitesse en décidant un passage en force pour se donner un autre mandat. Le président en poste depuis 1982 a, bien sûr, proposé un toilettage dit mesures de modernisation de la Constitutions camerounaise pour changer l'article 6.2 qui limite le nombre de mandats présidentiels. Biya bénéficie depuis les législatives de l'année dernière d'une large majorité parlementaire, suffisante pour amender la Constitution. L'opposition avait dénoncé des fraudes lors du scrutin. Il a vu tout faux, la résistance s'annonce farouche avec des grèves qui paralysent le pays et qui ont fait à ce jour quatre morts lors d'échauffourées entre manifestants et force de l'ordre dans les deux capitales (économique et administrative). La répression s'est abattue sur les intellectuels, responsables de la société civile, hauts responsables politiques ou de l'administration et des syndicats, qui ne veulent pas s'engager dans le processus de prolongation de la vie du régime. La presse est mise au pas, une chaîne de télévision privée a été fermée. Equinoxe avait diffusé ce mois-ci une interview de John Fru Ndi, chef de file du Front démocratique social, dans laquelle il accusait Biya de vouloir gouverner à vie et exigeait une table ronde sur la Constitution. Biya avait même convaincu des chancelleries occidentales qu'il est l'homme de la stabilité, c'est raté. Le président camerounais pensait surtout avoir de la marge de manœuvre face à une opposition émiettée. Avec les quatre personnes tuées lundi à Douala, capitale économique du Cameroun, lorsqu'une grève des chauffeurs de taxi contre la hausse du prix des carburants a dégénéré en émeutes et en scènes de pillage, le scénario semble compromis. La grève est intervenue 48 heures après des heurts, également à Douala, entre policiers et opposants hostiles au projet de Biya de se maintenir au pouvoir plusieurs années encore, un manifestant avait alors été tué. Selon la Constitution camerounaise, Biya doit quitter le pouvoir en 2011. Le président, qui est âgé de 75 ans, a toutefois annoncé le mois dernier qu'en raison de ce qu'il qualifiait “d'appels populaires”, il réexaminera la Constitution. Les manifestations sont interdites depuis la mi-janvier. D. B.