“Ma carrière est derrière moi. Et si j'ai accepté la proposition du Président, c'est en raison de mon amitié pour lui et de ma conviction que mes capacités de rassembleur peuvent contribuer à sortir l'Algérie de la crise”. L'homme qui tient ces propos au journaliste de Jeune Afrique ( 29 avril 2002) n'est autre que Larbi Belkheir, directeur de cabinet de Abdelaziz Bouteflika. Jamais sans doute, une telle profession de foi n'a sonné aussi faux. Belkheir est aujourd'hui, comme hier, au cœur du système politique algérien. Homme d'influence, faiseur de rois, Raspoutine du sérail, les étiquettes ne manquent pas pour qualifier ce général âgé de 65 ans. Cette semaine, l'homme vient de faire la parfaite démonstration de son pouvoir. Il reçoit dans son bureau le Premier ministre Ali Benflis pour lui réclamer son soutien à la candidature de Bouteflika en 2004, au risque d'exercer un chantage sur son interlocuteur. Etonnant !? Non ! S'il y a bien un homme politique qui peut se targuer d'avoir porté à la présidence en 1999 Bouteflika, ce ne peut être que Larbi Belkheir. Dès la démission de Liamine Zeroual, le général à la retraite entreprend des démarches pour convaincre les principaux responsables militaires algériens du bien fondé de la carte Bouteflika. Il tient des réunions secrètes, qu'il dément du reste, dans sa somptueuse villa sur les hauteurs d'Alger pour organiser en douceur la prise du pouvoir par Bouteflika. On lui prête même la prouesse d'avoir retourné Khaled Nezzar, cet ancien ministre de la Défense dont l'hostilité à la candidature de Bouteflika est allée jusqu'à traiter l'actuel président de “canasson” et de “pin's accroché à la veste de Boumediene”. Personnage discret, Belkheir affectionne le travail de l'ombre. Le jeu de coulisses. Sa puissance, il l'asseoit véritablement durant le règne de Chadli Bendjedid dans les années 80. Chef de cabinet de la présidence, il tisse des réseaux d'influence et d'amitiés tant en Algérie qu'à l'étranger, réseaux qui font de lui un homme incontournable. Une sorte de régent de l'ombre, qui sait jouer de son poids lorsque nécessité oblige. C'est de cette puissance et de cette influence qu'il se sert encore durant le printemps 1999 pour se rendre à Paris afin de vendre la candidature de Bouteflika. Ses entrevues avec des hommes politiques français, tant de gauche que de droite, aboutissent. Il réussit à faire passer l'ancien ministre des Affaires étrangères de Boumediene pour le parfait président que l'Algérie attendait depuis des années. Juste retour d'ascenceur ? Récompense méritée ? Il est nommé en septembre 2000, chef de cabinet de Bouteflika. Pour la deuxième fois de sa carrière politique, Belkheir est au cœur de la présidence algérienne. Simple hasard de l'histoire ? La politique est rarement faite de hasards. “Ma fonction, disait-il à un journaliste, exige une présence de tous les instants, mais je dois dire que l'actuel président, maîtrisant mieux les dossiers, me facilite la tâche. On se comprend à demi-mot et il est capable d'analyser rapidement toute situation”. L'ancien président Chadli Bendjedid appréciera, au passage, la perfidie des propos de Larbi Belkheir. L'actuel apprécie encore plus le travail accompli par son chef de cabinet. Pour la petite histoire, C'est Belkheir qui propose le nom de Ali Benflis, au poste de ministre de la Justice, lorsque Kasdi Merbah fut chargé par Chadli Bendjedid de former son gouvernement en 1988. C'est le même Belkheir qui lui propose en 1998 d'occuper les fonctions de directeur de campagne du candidat Bouteflika. C'est aussi Belkheir qui hier recevait Benflis dans son bureau pour lui demander d'appuyer un second mandat de Bouteflika. Belkheir homme d'influence ? Ne le lui dites pas. Il est capable de le nier. Il l'avait affirmé à un journaliste. “Tous mes déboires viennent précisément du fait que je n'appartiens à aucun clan. Ces attaques sont le prix de mon indépendance”, déclarait-il. F. A.