Le gouvernement algérien a donné son agrément à la nomination de Manuel Fontaine en qualité de représentant du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) en Algérie. L'information a été rendue publique, hier, dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, cité par l'APS. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), fondé en 1946, est, pour rappel, une agence de l'ONU depuis 1953, qui se consacre “à l'amélioration et à la promotion de la condition des enfants”. Créée pour apporter une assistance humanitaire aux enfants vivant dans un monde ravagé par la Seconde Guerre mondiale, l'organisation intervient dans des situations d'urgence, avec l'objectif de sauver la vie des enfants touchés par les catastrophes et l'exploitation sous toutes ses formes, et protéger leurs droits à la vie, à la santé et à la nutrition, à l'eau et à l'assainissement, à la protection et à l'éducation. L'Unicef est d'ailleurs à l'origine de l'élaboration de la Convention internationale des droits de l'enfant, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale des Nations unies en novembre 1989, et ratifiée par 193 Etats dont l'Algérie. Comme dans les années 1940, l'agence de l'ONU pense, à juste titre, que les enfants utilisés dans les conflits armés sont “victimes des adultes qui les ont enrôlés”. Sauf qu'aujourd'hui, le contexte international est devenu très différent et les situations d'urgence plus complexes. Pour preuve, les guerres internationales ou classiques ont de plus en plus cédé le pas aux guerres et conflits non internationaux, avec leur lot de souffrances et de déchirements, mais aussi d'interrogations, voire d'appréhensions. Dans ce cadre, la nomination de M. Fontaine au poste de représentant du Fonds des Nations unies pour l'enfance en Algérie suscite quelque peu des questions, dès lors que ce dernier se présente comme un spécialiste des “enfants soldats”. Conseiller de l'Unicef à la Protection de l'enfant, il a eu en effet à se prononcer sur les risques qu'avaient les ex-enfants soldats en Côte d'Ivoire, utilisés dans la guerre civile et les conflits interethniques. Lors de la Conférence internationale, organisée à Paris en février 2007 et consacrée aux enfants associés aux groupes et forces armés, Manuel Fontaine a témoigné que l'utilisation des enfants dans la guerre “se perpétue dans les conflits d'aujourd'hui, en dépit des avancées en matière de droits de l'enfant”, qu'elle “est souvent liée à des intérêts qui n'ont rien à voir avec ceux des enfants tels que la soif du pouvoir, l'accès à certaines ressources naturelles ou les trafics d'armes”. Quelques mois plus tard, au cours d'une réunion interministérielle sur les engagements de la France vis-à-vis des enfants dans les conflits armés, qui s'est tenue à New York, en septembre, en marge des travaux de la 62e session de l'Assemblée générale des Nations unies, le conseiller enfants soldats a révélé que 250 000 enfants sont aujourd'hui “utilisés par des groupes armés à travers le monde”. Plus récemment, il s'est mobilisé autour du cas d'Omar Khadr, arrêté en Afghanistan et détenu à la base afghane de Bamian par les forces américaines, avant d'être transféré à Guantanamo, qui est menacé de passer devant une commission militaire à propos de crimes qu'il aurait commis à l'âge de 15 ans. Pour l'ex-chargé de protection au siège de l'Unicef à New York, “un enfant soldat doit tout d'abord être considéré comme une victime d'une violation grave du droit international et (la) priorité doit être donnée à sa réinsertion dans la société”. Ce n'est pas la nomination d'un nouveau représentant de l'Unicef à Alger qui soulève des interrogations, mais le choix d'un connaisseur en enfants soldats pour un pays comme l'Algérie, alors que l'agence de l'ONU a explicitement énoncé, concernant les pays de l'Afrique du Nord, que “les femmes et les enfants sont sans cesse exposés aux risques de catastrophes naturelles et souvent victimes d'inondations, de sécheresses et de tremblements de terre”. À partir de là, quelle plus-value apportera le conseiller enfants soldats, qui a eu à soutenir que le rôle l'Unicef est de “définir les meilleurs moyens de démobiliser des enfants soldats (et) les sanctions éventuelles aux gouvernements et groupes armés” ? Des sanctions parmi lesquelles figurera le “dialogue” avec les groupes armés et les gouvernements… H. Ameyar