Liberté : Après avoir annoncé publiquement votre retraite sportive pour cette saison qui tire à sa fin, vous voilà encore une fois sacrée championne d'Algérie. Une sacrée performance pour une pré-retraitée qui n'en a pas l'air… Salima Souakri : Si j'ai annoncé ma retraite pour la fin de l'exercice en cours, ce n'est nullement en raison d'un nivellement par le bas de mes capacités, d'une quelconque baisse de régime, manque d'envie ou d'ambition, mais alors, là, pas du tout ! Si je l'ai fait, c'est uniquement pour protester contre la décision peu chevaleresque des responsables fédéraux qui ont pris la décision, très regrettable et fort condamnable, de ne pas me retenir parmi la délégation nationale qui défendra la réputation du judo algérien lors du tournoi olympique de Pékin. Cela en raison d'une blessure contractée la saison dernière que les responsables de la fédération ont cru incurable. Pourtant, grâce au concours du MJS, j'ai bénéficié d'une prise en charge à l'étranger qui m'a remise sur pied et m'a permis, à 33 ans, de retrouver mon top niveau. Sans pour autant que cela n'incite les responsables de la fédération à revoir leur copie ou à me rappeler en sélection, surtout que les championnats d'Algérie de la discipline tombaient à point nommé pour les conforter ou non dans leur choix que, personnellement, je qualifie de hasardeux. Sur le tatami, j'ai démontré, si besoin l'était encore, ce que je valais et démenti de la plus catégorique des manières les critères subjectifs à partir desquels la sélection des athlètes en perspectives des J. O. a été faite. Donc pour une revanche, c'en est vraiment une… (Un long silence). Je dirais plutôt que c'est un message d'espoir à l'intention des sportifs qu'on enterre avant-terme en raison d'une blessure tout à fait surmontable. Une blessure, aussi méchante soit-elle, ne rime pas toujours avec fin de carrière. Ce que je viens de réussir lors de ces championnats nationaux en est la plus belle preuve et une gifle mémorable à ces semblants de dirigeants qui croient détenir la vérité absolue en dépit de celle, irréfutable, du terrain qui m'a consacrée numéro un du pays alors que je ne figure même pas au sein de la sélection nationale, contrairement à ce que dictent les règles d'usage de par le monde. Aussi, ce succès est-il celui de tous ceux qui n'ont jamais cessé de me soutenir, surtout dans les moments difficiles. À ceux-là, ainsi qu'à ceux qui sont venus à la salle Harcha pour dire non à la hogra et au despotisme de certains dirigeants, leur est spécialement dédiée cette médaille. Apparemment, ces instants magiques à la salle Harcha vous ont marquée… Absolument ! Je me sentais pousser des ailes et je me sentais vraiment au summum de ma forme physique et mentale. J'étais comme imbattable. Le fait d'avoir remporté tous mes combats par ippon en témoigne largement. Votre duel avec Haddad, celle qui vous a suppléée pour le voyage à Pékin, était très attendu. Il n'a pas cependant eu lieu. Pour quelles raisons à votre avis ? Curieusement et aussi paradoxal que cela puisse paraître, la fédération a décidé de l'envoyer en stage à l'étranger, plus précisément au Japon, au moment même du déroulement de ces championnats. Cette histoire d'absence justifiée par un stage à l'étranger est, comme dirait l'autre, cousue de fil blanc. D'une manière plus explicite… La fédération a tout fait pour éviter un duel direct Haddad-Souakri. Ceux qui gèrent les affaires du judo algérien n'ont pas voulu prendre un tel risque de peur de choquer les observateurs au cas où j'aurais été sacrée championne d'Algérie en présence de Haddad qui elle, tout en sachant qu'il y a meilleure qu'elle, aurait quand même l'honneur de représenter le pays en Chine. Cela aurait sonné faux, à leur grand désavantage. Vous semblez, cela dit, en vouloir beaucoup plus aux responsables de la fédération qu'à Haddad... À dire vrai, je n'en veux aucunement à Haddad qui ne m'a rien fait. C'est une athlète à encourager car elle est pleine de talents et promise à un bel avenir. Au risque de me répéter, j'en veux à ceux qui ont fixé les critères de sélection et qui ont complètement snobé le principe même du sport de haut niveau, la réalité du terrain en l'occurrence. À titre anecdotique, lors des deux fois que j'ai eu Haddad comme adversaire directe, je l'ai battue. C'est principalement pour cette raison que j'aurais tant aimé que les responsables de la fédération s'appuient sur les résultats des compétitions pour livrer leur verdict et faire leur choix. Entretien réalisé par Samir B.