La crise zimbabwéenne a tout l'air d'emprunter le scénario kényan qui s'est terminé avec 1 500 morts et un demi-million de déplacés. Le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), qui est le premier parti d'opposition, accuse Robert Mugabe, le président sortant, de déployer des miliciens pour fomenter des troubles et faire annuler les résultats des élections de la semaine dernière. Le MDC, qui a largement remporté les élections législatives, revendique également la victoire de la présidentielle. Son leader, Morgan Tsvangirai, affirme que Robert Mugabe prépare “une guerre contre le peuple” et déployait des éléments armés en prévision d'un second tour de l'élection présidentielle. “Des activistes sont en cours de réhabilitation”, a-t-il dit lors d'une conférence. Tsvangirai, quinquagénaire alors que Mugabe, au pouvoir depuis 1982, est âgé de 82 ans, avait fondé le Congrès des syndicalistes zimbabwéens avant de créer le MDC, était déjà candidat contre Mugabe en 2002. Le parti du président sortant a rejeté la main tendue par l'opposition en refusant de former un gouvernement d'union nationale, tout en demandant à la commission électorale de recompter les suffrages de la présidentielle du 29 mars. “L'opposition nous a approchés pour former un gouvernement d'union nationale”, a déclaré la Zanu, expliquant qu'il ne pouvait pas travailler avec le MDC au motif que les objectifs politiques et aspirations du parti de Mugabe sont aussi différents que le jour et la nuit ! “Ce serait comme mélanger l'eau et le feu”, a ajouté l'actuel ministre de la Justice, accusant le MDC de renoncer à la souveraineté pour que le Zimbabwe redevienne une colonie sous la tutelle des Britanniques. Malgré son revers aux législatives, la Zanu au pouvoir manifeste depuis vendredi une combativité intacte à travers les médias officiels, notamment la télévision, jouant sur les craintes, peurs et angoisses des populations mises à mal par une crise sociale indicible. Mugabe, donné partant la semaine dernière, a refait surface, accusant lui aussi l'opposition qui a gagné les élections, de vouloir annuler la redistribution des terres aux Noirs. Et les dernières fermes encore détenues par des Blancs, étaient occupées, après ses déclarations, par des militants pro-Mugabe. Depuis hier, Mugabe a lancé sa contre-offensive, demandant à la commission électorale de recompter et examiner tout le matériel électoral relatif au scrutin présidentiel, selon le Sunday Mail, voix officielle du régime. Arguant de l'existence d'erreurs et de mauvais calculs dans la compilation des résultats, la Zanu plaide pour le report de la publication des résultats, en dépit des appels de l'opposition et de l'Occident qui craignent que les délais ne dissimulent des manipulations électorales. Un tribunal de Harare devait, d'ailleurs, examiner dans la journée d'hier, un recours en urgence du MDC visant à obtenir la publication définitive de ces résultats. Sans attendre, Tsvangirai a revendiqué sa victoire au premier tour, alors que la Zanu se tient prête pour un second tour derrière le président Mugabe. Aux législatives, la Zanu a perdu sa majorité de 28 ans à la chambre des députés où l'opposition dispose désormais de 109 sièges sur 210. Mais elle a annoncé dès vendredi son intention de contester cette défaite dans au moins 16 circonscriptions devant un tribunal électoral. La Zanu et le MDC sont arrivés à égalité au Sénat, avec 30 sièges chacun. D. B.