Cette nouvelle technique chirurgicale permet très tôt, en effet, aux enfants pris en charge de recouvrer l'ouïe et la parole. Longtemps considérée comme une fatalité, la surdité (chez l'enfant pour le moment) est aujourd'hui une anomalie que les médecins arrivent à corriger grâce aux prouesses technologiques et chirurgicales. La surdité implique automatiquement la mutité inhérente au fait que l'enfant ne peut apprendre le langage qui ne s'acquiert que grâce à l'audition. C'est ainsi que depuis le début de l'humanité, tout sourd de naissance devient automatiquement muet. L'avantage de la nouvelle technique c'est qu'en intervenant pour la correction de l'audition, le médecin offre à l'enfant la possibilité d'apprendre à parler et ensuite de suivre une scolarité des plus normales. Ce problème est si important que le ministère de la Santé a décidé d'installer une commission présidée par le professeur Djenaoui, chef du service oto-rhino-laryngologie (ORL) au CHU Mustapha et initiateur de cette technique chirurgicale en Algérie. Le président de cette commission aspire à généraliser le diagnostic de la surdité dès les premiers mois suivant la naissance d'un enfant. “Plus le diagnostic est posé tôt, plus les chances de l'enfant qui bénéficiera de l'implant cochléaire seront grandes quant à la récupération de l'audition et à l'apprentissage du langage”, tient à préciser le professeur Djenaoui. Ce dernier, qui vient de réaliser 51 implants en deux mois, estime que : “Chaque enfant ainsi sauvé est un handicapé en moins.” Jusqu'à une date récente, les enfants nés sourds n'avaient qu'une seule voie à suivre. Les plus chanceux d'entre eux, ceux habitant les grandes villes, arrivaient à trouver une place dans une école spécialisée. La vie d'un sourd-muet n'est pas de tout repos et rares sont ceux qui pourront un jour exercer un métier. Considérés comme des handicapés jusqu'à ce jour, ils bénéficient de l'allocation pour handicapé qui est loin de leur permettre de subvenir à tous leurs besoins. C'est pourquoi, le professeur Djenaoui œuvre à généraliser cette technique au bénéfice de tous les enfants nés sourds. Les détracteurs de cette option ne trouvent aucun argument scientifique pour la contrecarrer, mais se réfèrent à la comptabilité pour tenter de justifier, par les coûts qu'ils jugent élevés, les inconvénients de cette technique révolutionnaire. Invoquant à son tour les chiffres, M. Dehar, directeur général du CHU Mustapha, s'interroge quant à lui sur “la facture qu'aura à débourser l'Etat pour prendre en charge un seul sourd-muet, devenu tétraplégique suite à un accident de la route car il n'a pu entendre le klaxon de l'automobiliste qui voulait l'éviter”. Par cet exemple concret, le directeur du CHU vient de prouver que sauver un enfant d'un handicap n'a pas de prix, et quel que soit son coût, il demeure en deçà des dépenses que devront engager les pouvoirs publics pour s'occuper de tous les malentendants. Certes, il est trop tard pour intervenir en faveur des malentendants adultes, mais le professeur Djenaoui rêve de pouvoir donner la chance à tous les nouveau-nés qui viendront au monde avec le handicap de la surdité. Le service ORL du CHU Mustapha a réalisé en tout 100 implants depuis l'introduction, en 2003, de cette technique en Algérie. Les spécialistes de ce service forment aujourd'hui d'autres équipes pour généraliser ce genre d'intervention. L'implant cochléaire est en réalité une électrode placée sur la cochlée, et elle vient remplacer l'organe noble de l'audition appelé l'organe de Corti. Cet organe transforme les ondes sonores en impulsions électriques, ce qui permet à une personne normale d'entendre. L'implant cochléaire vient suppléer cet organe, puisqu'il remplira désormais la fonction de transformation des ondes sonores en pulsations électriques qu'il transmet au nerf auditif sur lequel il est directement placé. Il s'agit d'une véritable révolution chirurgicale. Après l'opération, l'enfant sera suivi par des orthophonistes et des audioprothésistes pour lui apprendre le langage et opérer les réglages nécessaires de l'appareil. Les pays où cette pratique est généralisée (France, Belgique, Italie, Allemagne), les enfants pris en charge ont tous recouvré l'ouïe et la parole. Ils sont ensuite inscrits dans des écoles pour enfants normaux où ils poursuivent leur scolarité au même titre que tous leurs autres camarades. En Algérie, les premiers enfants qui ont bénéficié de cette technique ont eux aussi recouvré la parole et l'ouïe. Quant au prix jugé élevé, 230 millions de centimes par implant, les médecins affirment que le jeu en vaut la chandelle, car les enfants traités de la sorte deviennent alors normaux. Par ailleurs, les prix auront tendance à baisser et il faut se préparer d'ores et déjà à cette échéance en permettant aux spécialistes algériens de réaliser des opérations de ce genre pour être disponibles, le jour où le coût de cette opération connaîtra une baisse sensible. Saïd Ibrahim