En affirmant la semaine dernière à Guelma que “le temps des dénégations est terminé”, l'ambassadeur de France à Alger a marqué une petite avancée à laquelle les autorités algériennes, la première en l'occurrence le président Bouteflika, ont été sensibles. Profitant de la commémoration des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, est revenu sur les relations, passées et futures, entre l'Algérie et la France. Dans un message lu en son nom à Béjaïa et diffusé par l'agence APS, le chef de l'Etat a distingué deux catégories. “Les voix qui s'élèvent en France pour rompre avec le déni de l'histoire, en particulier en ce qui concerne le 8 Mai 1945” et “certains secteurs de l'opinion française” à qui il reproche un “étrange révisionnisme”. Pour les premiers, il s'est dit “extrêmement attentif” et invoque la “voie à une réconciliation véritable et durable entre les peuples algérien et français”. Une réaction qui “répond” ainsi aux dernières déclarations de l'ambassadeur de France à Alger, Bernard Bajolet, faites à Guelma, la semaine dernière, et dans lesquelles il avait invoqué “la lourde responsabilité” de son pays dans les massacres du 8 Mai 1945, en précisant qu'il fallait “en finir avec la dénégation des injustices, des faits et des crimes du passé”. Des “amabilités” diplomatiques loin de la repentance demandée par l'Algérie, mais auxquelles les autorités n'ont pas été insensibles. Le message du président de la République en est la meilleure illustration en montrant que l'Etat algérien a pris acte de (sans utiliser le terme) cette avancée de la France officielle. Cependant, M. Bouteflika a rappelé qu'il y a toujours des blocages qui “ne contribuent pas” à l'approfondissement “des relations qui devraient privilégier la construction des solidarités du futur”. Il a ainsi nommé des “secteurs de l'opinion français” coupables de “déni de l'histoire, cet étrange révisionnisme”. Ce dernier terme (atténué il est vrai par le “étrange”) ne pouvait passer inaperçu en rappelant pour beaucoup ses propos en 2005 sur la loi française controversée du 23 février. On se souvient de la grosse polémique suscitée lorsque le Président avait parlé (en faisant référence à la loi) d'“une cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme”. Aussi, l'aspect “pédagogique” n'a pas été omis dans le message du chef de l'Etat en appelant à une “reconstitution historique, réaliste et sincère, d'un passé colonial qui a laissé des blessures profondes au sein du peuple algérien”. Ce qui sonne comme une réplique aux déclarations de Bajolet qui avait appelé les historiens français et algériens à faire “sauter les tabous” sur la colonisation pour une nouvelle page “d'amitié entre les ennemis d'hier”. Les prochaines perspectives communes entre l'Algérie et la France n'étaient pas absentes du message de Bouteflika. En parlant des “solidarités du futur”, il est indéniable que le chef de l'Etat fasse référence au “grand” projet de Sarkozy : l'UPM (Union pour la Méditerranée) et sur lequel beaucoup de remous sont constatés. “Reconnaître le passé colonial pour bien bâtir l'avenir méditéranéen”, tel semble être le message de l'Algérie vers son “ancien ennemi”. Quels en seront les échos ? Le documentaire de France 2 L'autre 8 Mai 1945 (diffusé jeudi passé) a certes levé le voile sur certains aspects du génocide perpétré à l'encontre des civils algériens, mais cela reste toujours insuffisant devant la mémoire des 45 000 victimes de ce jour maudit. Salim KOUDIL