Le Liban a renoué avec les affrontements intercommunautaires : tirs et explosions ont retenti à Beyrouth où le chef du Hezbollah, cheikh Sayyed Hassan Nasrallah, a accusé le gouvernement pro-occidental, selon lui, de lui avoir déclaré la guerre ! La menace d'un remake de la guerre civile des années 1980 est réelle. Le mouvement chiite continue de faire monter la tension au troisième jour de sa campagne de désobéissance en bloquant les accès à l'aéroport international de la capitale libanaise. Cette campagne contre le gouvernement a provoqué des affrontements qui ont fait des blessés dans la capitale et cinq autres dans la vallée de la Bekaâ, dans l'est du pays, à la frontière syrienne. Et les affrontements entre pro et anti-gouvernement ont gagné toutes les régions du pays avec le discours de Nasrallah extrêmement attendu qui a mis le feu. Nasrallah, décontracté, a rejeté la balle dans le camp du gouvernement l'avertissant que “personne ne doit s'en prendre au Hezbollah”. Le leader du Hezbollah a clairement accusé l'équipe du Premier ministre Fouad Siniora, et surtout le druze Walid Joumblatt, d'instrumentaliser l'affaire du réseau téléphonique parallèle mis en place par le Hezbollah au Liban, et le limogeage du responsable de la sécurité de l'aéroport, un proche du parti de Nasrallah. “Le gouvernement, sous les ordres de la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, attendait une occasion pour prendre le contrôle de l'aéroport, a répliqué Nasrallah. Nous ne voulons pas de la CIA ou de FBI à l'aéroport. Et l'ouverture de l'enquête sur notre système de communication est une véritable déclaration de guerre.” Ce nouveau cycle de violence fait craindre le retour de la guerre civile dans la capitale libanaise et les populations ont retrouvé leurs vieux réflexes, faire de grosses provisions, la queue aux stations-services et aux guichets de banque. Dans les quartiers mixtes, c'est la consternation et la peur. Des affrontements violents ont éclaté dans les quartiers de Masra et de Ras el Nabae, au fusil d'assaut et à la grenade, peu après le discours de Nasrallah. Tandis que les milices du Hezbollah bloquent toutes les routes qui mènent vers l'aéroport, des partisans du gouvernement ont érigé des barricades sur le grand axe reliant Beyrouth au Sud chiite du pays, avec des pneus en flammes et des monticules de terre. L'armée, considérée comme neutre dans le bras de fer politique qui dure depuis 18 mois entre le gouvernement de Fouad Siniora et l'opposition soutenue par la Syrie et l'Iran, a réagi dès jeudi en lançant un avertissement général. “La poursuite de cette situation porte un coup à l'unité de l'armée”, a-t-elle dit dans un communiqué, tout en procédant à son déploiement en force pour s'interposer entre les groupes rivaux. Pour le chef du Hezbollah, que Siniora accuse de prendre des ordres auprès de Damas et de Téhéran, le dialogue ne sera possible que si le gouvernement revenait sur ses dernières décisions, sinon, c'est la guerre ! Le gouvernement n'a pas l'intention de revenir sur ses mesures contre le réseau de télécommunications du Hezbollah. Une telle hypothèse est exclue de source gouvernementale, faute de quoi ce serait – pour ainsi dire – la fin du gouvernement. Le Premier ministre avait envisagé de proclamer l'état d'urgence et un couvre-feu, mais le chef de l'armée, le général Michel Souleymane, candidat à la présidence de la République a rejeté cette idée. À New York, le secrétariat général des Nations unies a exhorté le Hezbollah à de la retenue tout en exprimant l'inquiétude de la communauté internationale quant à l'hypothèse que la situation dégénère. L'ambassadeur américain aux Nations unies, Zalmay Khalilzad, a suggéré de son côté que le Conseil de sécurité prenne des mesures supplémentaires incluant des sanctions si jamais la Syrie et le Hezbollah n'adoptaient pas une ligne d'apaisement. Pour Washington, Nasrallah n'est que le bras de Damas. D. Bouatta