Le sommet tripartite qui s'ouvre aujourd'hui au palais présidentiel de Baâdba, sur les hauteurs de Beyrouth, est jugé crucial, voire historique à plus d'un titre, selon plusieurs analystes. Ce sommet réunit le président libanais, Michel Sleimane, le roi Abdallah d'Arabie saoudite ainsi que le président syrien, Bachar El Assad, dont c'est la première visite au Liban depuis 2002. La tension se ravive au Liban après certaines rumeurs qui laissent penser que l'acte accusatoire du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) montre l'implication de membres du Hezbollah dans l'assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, en 2005. Les déclarations puis le discours télévisé du 22 juillet de Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, sur le fait qu'il faille s'attendre à ce que le TSL accuse des membres de son parti, a eu pour effet une réaction en chaîne de déclarations politiques et une hausse des tensions. Selon Karim Emile Bitar, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris, « le principal objectif de ce sommet est de prévenir et repousser au plus tard un nouvel affrontement du type de celui de mai 2008 ». Conflit qui a eu pour apogée l'occupation militaire par le Hezbollah du centre-ville de Beyrouth, jugé alors comme un véritable coup de force. C'est donc en quelque sorte une manière de gagner du temps et de garantir un statu quo jusqu'à la publication par le TSL de l'acte d'accusation, à la fin de l'année. M. Bitar continue en déclarant que « si ces fuites s'avèrent véridiques, cela va attiser des tensions intercommunautaires et intensifier la guerre froide que se livrent les pays arabes, dont le premier axe régional est l'Egypte et l'Arabie Saoudite, alliés des Etats-Unis, et le second, le camp du refus, à savoir la Syrie et l'Iran avec leurs alliés du Hamas et du Hezbollah ». Calmer les tensions Ce sommet est aussi l'occasion de réunir, selon plusieurs scénarios, les principaux chefs politiques et religieux autour de dirigeants arabes dont les intérêts sont marqués par la volonté de garder un Liban stable. A cet effet, les relations syro-libanaises se sont largement normalisées depuis 2008, année depuis laquelle le Liban et la Syrie entretiennent des relations diplomatiques bilatérales. Depuis la réconciliation syro-saoudienne à l'automne 2009, « l'objet de ce sommet est de maintenir la réconciliation syro-libanaise et d'abaisser les tensions intercommunautaires », selon Karim Emile Bitar. Le roi Abdallah d'Arabie Saoudite était d'ailleurs en visite à Damas, hier, pour s'entretenir des relations interarabes et de la situation politique au Liban. Toujours selon M. Bitar, « la stabilité du gouvernement libanais dépend largement de la stabilité entre les relations syro-saoudiennes d'une part, et les relations syro-iraniennes d'autre part ». Stabilité Cette visite cruciale sert donc à apaiser les tensions, mais aussi à préparer l'opinion libanaise à l'importance que revêtira la publication, entre septembre et décembre, de l'acte d'accusation du TSL. S'il est vérifié par l'acte d'accusation du TSL que certains membres du Hezbollah sont accusés d'avoir pris part à l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, il est à croire que les tensions intercommunautaires referont surface, à l'instar des violences de 2008 qui avaient opposé des partisans du clan Hariri à ceux du Hezbollah et qui avaient fait une centaine de morts. Cette accusation peut s'avérer lourde de conséquences sur la stabilité du gouvernement d'unité nationale, alors qu'il repose sur un consensus politique fragile. Les violences qui peuvent découler d'une inculpation de membres du Hezbollah pourraient avoir des conséquences néfastes sur le rôle de la résistance au Liban, incarnée par le parti de Hassan Nasrallah. Selon M. Bitar, « si les rumeurs se confirment, cela laisse présager des tensions assez graves ». Enfin, cette rencontre très particulière servira à raffermir la position du gouvernement libanais avant la publication, dans quelques mois, de l'acte accusatoire du TSL.