Il n'y a pas de clash des civilisations. Une “sentence” prononcée jeudi passé par John L. Esposito, professeur à l'université américaine de Georgetown, lors de la conférence qu'il a animée au Centre des études stratégiques du quotidien Echaâb et dont l'intitulé était : “L'occident et le monde musulman à l'ombre de la mondialisation”. Pour le directeur fondateur du centre Prince Al Walid Bin Talal Center for Muslim – Christian Understanding (considéré comme le plus important centre d'études sur le Moyen-Orient aux Etats-Unis), l'auteur du fameux ouvrage Le choc des civilisations, en l'occurrence Samuel Huntington, “s'était trompé”. L'invité du quotidien arabophone argumentera par le fait qu'actuellement, “il n'y a pas de civilisation chinoise ou encore islamique. Il y a une grande différence entre le Singapour et la Mongolie, ou encore entre l'Egypte et l'Arabie Saoudite”, tout en précisant que la notion du clash des civilisations “est une construction d'idées qui est loin de la réalité du terrain”. Aussi, la conférence du professeur a été essentiellement consacrée aux résultats d'une vaste enquête américaine sur les musulmans dans le monde, réalisée par l'Institut Gallup et lancée peu après les attentats du 11 septembre 2001. Ayant duré six ans et prenant comme échantillons représentatifs des musulmans d'une quarantaine de pays, cette étude a donné des résultats qui, pour le professeur Esposito, viennent contredire les idées reçues aux Etats-Unis sur la situation dans le monde musulman. “Nous avons ainsi découvert que les musulmans ne détestent pas l'Amérique, ni les libertés ni la démocratie. Ce qu'ils veulent avant tout c'est qu'on respecte l'islam et ils refusent l'ingérence dans leurs affaires internes”, a déclaré le professeur en notant que “la majorité veut une démocratie avec des valeurs religieuses”. Se fiant toujours aux résultats de l'étude (qui a d'ailleurs permis la publication en mars dernier d'un livre intitulé Who speak for islam ? et dont Esposito est l'un des auteurs), le conférencier a insisté sur le fait que 93% des musulmans dans le monde sont modérés et seuls 7% sont radicalisés politiquement. Sur ces derniers, il indiquera qu'“ils sont souvent plus éduqués avec un meilleur emploi et sont même plus optimistes envers l'avenir que la masse des musulmans”. Aussi, l'Administration du président américain Bush a été souvent mise à l'index lors cette conférence-débat. Le professeur a sévèrement critiqué la politique extérieure américaine et ses positions sur la question palestinienne. Dans ses réponses aux questions des intervenants, Esposito s'est montré presque fataliste à propos de l'importance accordée à Israël dans la politique américaine. C'est ainsi ce qu'il a affirmé à l'encontre d'Abderrahmane Chibane, le président de l'Association des ulémas musulmans algériens, qui voulait savoir quelles sont les raisons de l'influence d'Israël sur les Etats-Unis. “C'est essentiellement à cause de facteurs internes au pays”, a rétorqué le professeur, qui ajoutera qu'avec Obama (le candidat démocrate pour la prochaine élection), “il ne faut pas s'attendre à de grands changements concernant cette question”. Au passage, on notera qu'il y avait parmi les présents le président du Haut-Conseil islamique (HCI), Cheikh Bouamrane, et Abderazak Mokri (MSP), deux personnes qui n'ont pas attendu la fin de la conférence pour quitter la salle sans avoir participer au débat. Salim Koudil