Paul Tolila a estimé que les thèses de Samuel Huntington sont une niaiserie, voire une imbécillité. La problématique du dialogue et du choc des civilisations se pose avec acuité ces derniers temps. Ces deux concepts sont même propulsés avec force au devant de l'actualité. Les analystes, de tout bord, s'échinent à prouver, en multipliant arguments et analyses, que la crise multidimensionnelle qui secoue la planète aujourd'hui puise son origine dans ce que l'Américain Samuel Huntington a appelé «The clash of civilisation», le choc des civilisations. Mais cette idée semble déplaire à plus d'un, à commencer par Paul Tolila, chef du département des études et de la prospective au ministère français de la Culture. Ce dernier, lors d'une conférence organisée, avant-hier à Alger, par le Centre national des études stratégiques globales, a estimé que «ces thèses sont une niaiserie, voire une imbécillité». A son avis, le travail effectué par Huntington dans son livre The clash of civilisation, a semé la peur et la panique au sein de la société américaine. On comprendra, ainsi, des dires de M.Tolila, que les théories élaborées par Samuel Huntington n'ont, en,fin de compte, contribué qu'à augmenter la peur de l'Autre. Et cet autre n'est que le monde musulman. Au jour d'aujourd'hui, les Occidentaux qui parlent du dialogue des civilisations confondent -délibérément ou non- entre la civilisation en tant que système social, politique, voire économique et la civilisation en tant que développement économique. Force est de constater qu'actuellement, le bras de fer n'est pas entre les trois religions monothéistes, mais plutôt entre l'Occident et l'Islam. Néanmoins, cette vérité, selon toute vraisemblance, est occultée, surtout après les événements du 11 septembre 2001. Toutefois, selon Paul Tolila, la situation actuelle plonge ses racines après la chute du mur de Berlin, en 1989, événement qui a marqué la fin de la guerre froide et l'effondrement du bloc de l'est, à sa tête l'Urss. Le revirement du monde bipolère à celui unipolaire a amplement contribué à accentuer la fissure existant déjà entre le monde musulman et l'Occident. Paul Tolila a constaté, lors de sa conférence, que le dialogue interculturel se retrouve devant deux obstacles qu'il faut relever. Primo: la perversion dans la pensée qui consiste à exporter la démocratie d'une façon armée. En ce sens, le conférencier regrette que le droit international soit utilisé à des fins bellicistes. «Au moment actuel, le concept de droits de l'homme signifie la capacité de faire la guerre là où il n'y a pas de droits de l'homme» remarque M.Tolila. Il a indiqué, en ce sens, que «la démocratie ne s'importe pas». Façon de se mettre aux côtés de ceux qui estiment que chaque peuple dispose de sa propre conception de la démocratie. Ainsi, la compréhension de ce concept, en Occident, n'est pas forcément la même dans le monde musulman ou ailleurs, en Asie. Les choses changent avec le changement de situation et «il n'y a pas de modèle de civilisation». Il faut revenir, dans cette optique, à la définition de la culture formulée par Ralph Linton et selon laquelle: «La culture est la configuration des comportements appris et des résultats de comportements qui sont reçus est transmis dans une société particulière». Le deuxième obstacle auquel est confronté le dialogue interculturel entre l'Occident et le monde musulman réside, selon Paul Tolila, «dans l'entreprise à culpabiliser le monde musulman au nom de la culpabilisation de l'Islam». En abordant ce volet, le conférencier revient sur l'affaire des caricatures qui a fait couler beaucoup d'encre. M.Tolila, qui se proclame défenseur de la liberté d'expression, s'interroge sur la réaction des chrétiens si on faisait une caricature du Prophète montrant Jésus-Christ dans une posture «mal séante». «Cette affaire a été une espèce de mouvement irréfléchi. L'Islam est taxé fondamentalement de violent» regrette le conférencier. Celui-ci insiste pour que l'on revienne à une pensée, à la fois critique et authentique, et fasse des analyses rationnelles et politiques pour retrouver le minimum de dignité. Enfin, le chef du département des études et de la prospective au ministère français de la Culture souligne la nécessité de savoir dépasser les deux obstacles cités, sans quoi «le concept du dialogue interculturel sera faussé».