Le colloque tenu à la maison de jeunes Si-Mohand-Ou-Mhand de Tizi Rached (20 km à l'est de la ville de Tizi Ouzou) aura ressuscité toute l'épopée d'un grand résistant, chef résistant du milieu du XIXe siècle que fut chikh Seddik Benarab, du village Icharaïwene, dans le douar des Ath-Irathen, à l'invasion coloniale française dans cette région de Haute Kabylie. Organisé par le comité du village Icharaïwene, avec la collaboration de l'APC de Tizi Rached, ce colloque a donné lieu à de riches conférences, animées par des chercheurs et des historiens, sur l'histoire de ce leader de la résistance populaire dont la zaouïa de son aïeul joua un grand rôle dans la propagation de la “tariqa rahmania” et du “chraâ Sidi Khellil”, une sorte de jurisprudence ou de jurisconsulte de la confrérie religieuse, fondée par Sidi Abderrahmane Bou Qobreïn vers 1774, soit aux dernières décades du XVIIIe siècle. Après une minute de silence à la mémoire des martyrs et les souhaits de bienvenue exprimés par le président du comité du village et du président de l'APC de Tizi Rached, le P/APW de Tizi Ouzou, Mohand Ikharbane, intervient à son tour pour féliciter les organisateurs qui ont pensé à ces “journées de culture” et tiré de l'oubli chikh Seddik Benarab-II, arrière petit-fils de chikh Seddik Benarab-I, une génération de cheikhs qui ont ramené et forgé un islam qui n'admet pas au croyant d'égorger son prochain, quelle que soit sa foi ou sa religion. “Chikh Seddik est des nôtres ! Il n'est pas tombé du ciel !” clame M. Ikherbane en évoquant les combats menés par la zaouïa Rahmania, Si Mohand Ou-M'hand, Ali Laïmèche et tant d'autres résistants contre la colonisation, avant d'exprimer son soutien et la volonté d'aide de l'APW pour ce genre de rencontres culturelles profitables à l'histoire de l'Algérie. Belaïd Nacer, un chercheur, qui indique s'être beaucoup intéressé à l'histoire de chikh Seddik Benarab, évoque dans son intervention ces hommes qui ont symbolisé la résistance dans cette région des Ath Irathen et dans l'Algérie en général contre les invasions coloniales, qualifiant chikh Seddik Benarab de résistant et d'organisateur, Si Mohand Ou-M'hand de rebelle à l'ordre colonial et Ali Laïmèche de révolutionnaire. De son côté, Omar Kherdja, un autre historien, évoque le combat du père de chikh Seddik Benarab (chikh El Hocine Benarab) à côté de l'émir Abdelkader avant 1857, le ralliement de diverses tribus à leurs côtés, leur mode d'organisation, de stratégie, la création de Conseils de guerre, de responsabilité collégiale pour contrer les assauts coloniaux contre les populations sans armes ou à armes inégales ainsi que le blocus économique de deux années contre la Kabylie imposé par l'administration des Bugeaut, sans oublier la rupture lâche, un jour de l'Aïd-el-Adha, par l'armée coloniale, d'une trêve observée initialement par les deux parties. Cette “félonie” des agresseurs contre les agressés sur leurs terres permit aux soldats français de prendre divers points de résistance dans les montagnes des Ath Irathen où, rappelle le conférencier, les résistants confectionnaient et taillaient de grandes roues en pierre, forées au milieu pour y introduire une longue poutre en bois équarri qu'ils lâchaient ensuite des hauteurs des sites de leurs positions contre les troupes armées pour tenter d'avancer et d'accéder aux montagnes jalousement occupées par les résistants kabyles. Le conférencier explique également l'usage des tranchées par les résistants (de Lala Fatma N'soumeur et de Seddik Benarab) contre les conquérants français durant la bataille d'Icharidhen. Ces tranchées servaient à ceux qui préparaient et chargeaient les armes avec de la poudre noire, pour les passer ensuite à leurs camarades tireurs en tête du front. À l'époque, il n'existait pas chez la résistance d'armes à chargeurs ou à plusieurs coups, alors que les bataillons du maréchal Randon détenaient des armes à chargeurs de 6 cartouches en général. En effectifs comme en armes, le combat était inégal. D'où la défaite puis la conquête en dernier lieu de la Kabylie. Chikh Seddik Benarab endura ensuite dix ans de prison, tandis que les membres de sa famille furent exilés en Tunisie, avant que ceux-ci ne rallient Damas (Syrie), suite à l'instauration du protectorat français dans ce pays voisin de l'Algérie. D'autres historiens et chercheurs universitaires, notamment Younes Adli et Mohand-Arezki Ferrad, devaient présenter hier des conférences sur ce résistant d'avant la fin du XIXe siècle. Dans les débats, l'ancien officier de l'ALN, si Ouali Aït Ahmed, fait remarquer que la conquête des Ath Irathen lors de la bataille d'Icharidhen n'a été possible qu'après la 15e expédition, pour dire que les 14 premières furent toutes mises en échec par les résistants. D'autres intervenants dans les débats souligneront la nécessité de restaurer la maison en ruine de chikh Seddik Benarab au lieu dit Boushel du village Icharaïwene, et dans laquelle fut assassiné en 1961 par l'armée française une descendante du chikh, se nommant “Taghebriwt”, en compagnie de 17 autres martyrs, non sans s'interroger sur ce qui est advenu du “sendouk” (coffre d'archives) de chikh Seddik Benarab. À cette question, Ahcene Labdoun, un “simple citoyen” du village néanmoins érudit de l'histoire de la Kabylie, voire du Maghreb, répond que ce coffre, “comme nous le savons tous, est chez Hadj Ferhat, l'héritier naturel de chikh Benarab, lui revenant de droit… ”, pour dire qu'il n'y a pas d'ambiguité à ce sujet. Cette rencontre, dont l'objectif est de valoriser le patrimoine historique et culturel de la région, a permis de susciter de riches et passionnants débats au sein d'une nombreuse assistance parmi laquelle figuraient beaucoup de femmes et des personnes âgées, pour dire tout l'intérêt du citoyen à l'histoire de son pays. Salah Yermèche