Annaba la coqueluche a consacré ce week-end à la redécouverte de l'œuvre et du parcours d'un poète maudit, Si mohand M'hand. Ce n'est pas un hasard si cette ville de l'est du pays a été choisie pour abriter le séminaire sur cet orateur qui a marqué la fin du XIXème siècle. Durant son errance, il avait vécu dans la région bônoise vers 1873 où il clamait des vers en prose tout en découvrant la géométrie de la ville et celle de ses hommes. Il était parti de Michelet, l'actuelle Laârba nath Irathen qui fut sa ville natale, après l'insurrection de 1871. A cette époque sa famille s'était engagée au côté du cheikh El Mokrani alors que le père, Mohand Améziane fut exécuté à Fort National et l'oncle Arezki déporté en Nouvelle-Calédonie. La famille ruinée et anéantie se dispersa, la mère se retira dans la nouvelle Chéraïouia avec son jeune fils Méziane. De là commença la vie d'errance de Si Mohand à travers les villes et les campagnes. Celle-ci avait duré trente ans. Durant deux jours, -mercredi et jeudi derniers-, la ville de Annaba a rendu un vibrant hommage à cet homme hors du commun lors d'un colloque national. Les poèmes de ce grand aède, qui a marqué de son empreinte la vie culturelle de son époque, ont fait l'objet d'analyses en rapport avec le contexte social et culturel dans lequel a vécu cet homme qui aimait voyager pour “chercher la profondeur de l'histoire dans l'ampleur de la géographie ”. L'un des premiers chercheurs à s'être intéressé au corpus du poète de l'errance fut incontestablement, l'écrivain Mouloud Mammeri qui lui avait consacré un travail dans un fascicule intitulé, “ Les poèmes de Si M'hand U m'hand.” Plus tard ce nom revenait comme un hommage dans quelques chansons des chanteurs de l'exil ou de ceux qui militaient pour la culture berbère. En 2005 un film intitulé “Si mohand U Mohand, l'insoumis” cosigné alors par Lyazid Khodja et Rachid Ben Allel, a vu le jour, sans qu'il ne rende complètement cet esprit subversif du poète amateur de tavernes enfumées et de puceaux. Cette œuvre qui a été réalisée dans le cadre de “ L'année de l'Algérie en France”, restitue surtout le côté résistant de cet insoumis et quelques uns de ses poèmes improvisés oralement sur son chemin, aux côtés des siens qui ont tenté de les apprendre et de les transmettre tant ils revêtirent un sens et un lyrisme épatants. Si Mohand U M'hand n'avait pas pris les armes comme l'a fait Arezki U l'Bachir qui vécu à peu prés à la même époque. Mais son refus de se soumettre aux lois des envahisseurs s'exprimait systématiquement à travers ses longues proses qui influençaient à l'époque toute une population. C'est là que se situe l'engagement, ou plutôt la résistance d'un poète qui a assisté en 1857 à la destruction de son village de Chéraïouia dans lequel on édifia plus tard la citadelle de Fort National (Larbaâ Nath Irathen). L'autorité militaire attribua aux habitants un terrain de 10 km2, au nord, près de Tizi Rached, qui appartenait à une zaouïa. Les parents de Si Mohand s'installèrent à Akbou, au lieu-dit Sidi Khelifa. Son oncle paternel, cheikh Arezki u Hammadouche, maître en droit musulman, y avait ouvert une zaouïa où un taleb enseignait le Coran, non seulement aux enfants de la famille mais aussi à tous ceux du village. C'est là que Si Mohand commença ses études avant de rejoindre l'importante zaouïa de Sidi Abderrahmane Illoulen (Michelet). Ayant assisté à ces injustices, à ces errances familiales durant son enfance, Si Mohand U M'hand deviendra le poète de la rébellion jusqu'à sa mort en 1906 à l'hôpital des Soeurs Blanches de Michelet. Il fut enterré au sanctuaire de Sidi Saïd Ou Taleb.