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Le général Ahmed Bousteila entame son périple à l'Est
Lutte contre la criminalité, l'immigration clandestine et la contrebande
Publié dans Liberté le 30 - 07 - 2008

Pour les nostalgiques ou les plus jeunes, la Coquette garde encore ce brin “de charme particulier qui la caractérise”. La découvrir dans “un viol” consenti ou comme une délicieuse douleur qui a fait naître chez des maîtres de nobles et inoubliables œuvres.
On aperçoit au loin trois wagons dévorant à toute allure le rail, pressés d'arriver à bon port. Intrépide, téméraire, fidèle de cette voie, on imagine encore dans l'un d'eux, le jeune Kateb Yacine dans une énième errance, dans sa quête du visage de Nedjma qu'il venait pourtant à peine de quitter.
Ou alors, El Hadj, le Cardinal pour les habitants d'une côte plus au centre, de férus, adeptes, eux aussi, du chaabi, donnant, dans une improvisation, un concert pour les jeunes alors qu'il était venu pour célébrer un mariage. Un geste de gratitude, de reconnaissance, de respect… Des mots, il en en faut, de beaux, de ceux des artistes, prononcés avec éloquence, très emprunts d'orgueil, un accent “redjla” assez osé. Avec le temps… les temps ont changé et l'envoûtante Annaba qui n'a pas tout perdu de ses allures, de ses sites, de ses admirateurs, visiteurs et inconsolables fantômes errants jusque dans la littérature, les sublimes textes qui la louent, a vu naître une autre espèce d'humains ; tout aussi jeunes, mais bravant les éléments, les horizons incertains, la mort.
La proximité avec l'autre, les nouveaux désirs, la mode et le ras-le-bol ont bâti un autre mode de vie… de mort, surtout. Les harragas. Rêve d'Italie ou d'ailleurs, d'être chez l'autre ; rêve de mourir pour mieux vivre, stimule cette bravade à hauts risques.
Ces jeunes écoutent aussi “les mots” comme leurs aînés, comme les anciens, mais ils ont d'autres besoins qu'aucun mot ne peut comprendre. D'autres phénomènes se sont greffés, comme des parasites, à la magnifique réputation d'Annaba. Ce qui expliquerait, entre autres, le renforcement des unités des services de sécurité, obligés de s'adapter à cet original type de combat.
Quand le cours de la Révolution plonge dans les délices jusqu'au plus profond de la nuit, d'autres espaces sont accaparés par une autre faune qui se démène “diablement” et sans morale aucune pour s'imposer. Annaba, autant que les grandes villes du pays, connaît son lot d'agressions, de délits, divers crimes et trafics allant du deal jusqu'aux “ferreux et non ferreux”, mais surtout sa douloureuse aventure “el harga” que des réseaux, selon les conclusions d'investigations et d'études de la gendarmerie, se sont constitués pour la “gérer”. Les candidats, moyennant 120 000 DA selon des témoignages, sont pris en charge par des réseaux spécialisés, sans garantie de réussite.
Mourir pour tenter de vivre
Tellement lucratif comme crime, l'organisation d'El harga s'est étendue à la fabrication locale des embarcations servant à l'acheminement des candidats vers les côtes italiennes. Ce qui a poussé les services de sécurité, la Gendarmerie nationale à occuper le terrain avec un appui, comme recommandé par le plan de la hiérarchie, sur la proximité, le rapprochement avec le citoyen et le renseignement. Avec l'été, la tâche devient délicate avec l'afflux des visiteurs et touristes et les missions se multiplient pour les unités du groupement de Annaba qui réussissent néanmoins, malgré l'ampleur du travail, à garder le “cachet” de la Coquette qui ne sait d'ailleurs pas dormir à cette période. Et c'est cette période de grande activité, saison estivale avec ce qu'elle peut charrier comme activité délictueuse ou criminelle, qu'a choisie le premier responsable de l'institution, le général major Ahmed Bousteila pour effectuer une visite “périple” dans cette région, le nord-est du pays, comme il l'a récemment fait à l'Ouest. Une occasion pour visiter et inspecter des unités, des chantiers et des projets inscrits dans le cadre du plan de développement de l'institution. Après son escale annabie, Ahmed Bousteila s'est rendu dans cinq autres wilayas de la région. Il a visité, outre la brigade de Chorfa qu'il a officiellement ouverte, le GIR et l4 escadrons de sécurité routière d'El Bouni qu'il a inspectés. Le général après s'être également rendu au groupement de Annaba, à l'Ecole des sous-officiers de M'Daourouche, a inspecté le projet de construction d'un centre d'instruction des GGF à Tébessa et un autre centre d'instruction à Aïn M'lila. En plus des autres projets, le commandant de la GN a inauguré des brigades à Aïn Zitoune, la section de recherche de Oum El Bouaghi, la brigade de Dréa à Souk-Ahras. Il a également inspecté les GGF de Tébessa qui représentent un rempart contre la criminalité et le trafic transfrontalier. Certes, moins sensible que la frontière ouest, la frontière est demeure néanmoins un espace à sécuriser. Les bilans de l'année dernière et du premier semestre 2008 démontrent une sorte de spécialisation de la contrebande dans cette région. De moindre importance, le trafic de carburant devient une préoccupation. Le cheptel, les produits alimentaires et vestimentaires représentent, selon les saisies, le gros volume de la contrebande. L'immigration clandestine est très infime devant l'émigration irrégulière “el harga” qui est un fait de locaux, de candidats qui viennent de la majorité des wilayas du pays attirés par la tentative de joindre les côtes italiennes et l'aléatoire eldorado de l'Union européenne qui se verrouille de plus en plus. Et comme dans les contes, el harga a ses héros, ses légendes, ses Ulysse et ses anecdotes. On parle d'un refoulé (une victime du dispositif strictement flic de la France ?) qui a vécu plus d'une décennie au noir. À peine trois mois au pays, il tente de repartir. Il est intercepté avec d'autres “clients” embarquant. Un autre refoulé a réussi sa première tentative avec sa femme enceinte de huit mois. Il est pris et refoulé sans sa femme qui a accouché. Pas de répit ! Il tente encore une fois de partir et se fait prendre avant d'avoir enfourché son radeau de fortune. Le démantèlement de réseaux (sans les commanditaires inconnus) de l'émigration clandestine, a été rendu possible grâce à la vigilance, mais surtout au travail de sensibilisation, de rapprochement avec la population et du renseignement ; une stratégie adoptée par la GN et qui s'avère en définitive payante.
Le jour se lève sur Annaba comme un lent geste amical. Trop calme et sans prévision. Les dispositifs sont en place, assimilés à la lettre. Une belle journée commence. Quand finira-t-elle ? Où finira-t-elle ? Probablement dans une embarcation approximative pour les candidats “à tout prix”, à el harga avec une chance très réduite de réussite. Pour le reste, le visiteur surtout, la journée ne finit pas ; elle s'étale sur le drap de la nuit dont elle happe l'obscurité qu'elle éclaire avec tout ce monde qui inonde les rues, les plages, les terrasses et le cours, avec les rires des enfants… et les spectres de tous ces artistes qui l'ont traversée, le verbe et le ton orgueilleux mais sans mépris. C'est pourquoi, peut-être, Alger qui devient comme une ruine en constante érosion que le temps finira par achever, ne deviendra jamais Annaba ! Elle est la capitale qui dort tôt… au monde !
Djilali B.


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