Ce ne sont visiblement pas les bombes du GSPC qui peuvent dissuader les estivants de se rendre sur les plages de la petite ville balnéaire de Tigzirt, située à une quarantaine de kilomètres au nord de la wilaya de Tizi Ouzou, ou les conduire à rompre le lien saisonnier, mais presque affectueux, qu'ils entretiennent avec ces plages. Il suffit d'une virée dans cette région pour partager ce constat. Même après l'explosion, dimanche le 10 août, de deux bombes qui ont fait trois blessés parmi les gendarmes chargés d'assurer la surveillance de la plage Tassalast, les plages de Tigzirt continuent de recevoir autant d'estivants qu'avant que cet attentat ne se produise. Jeudi dernier, au premier week-end après cet attentat, il est, comme par le passé, aussi difficile, à partir de onze heures, de trouver sur les plages de Tigzirt un espace pour planter son parasol ou une place de stationnement en ville. ? Tigzirt, on était pourtant, après cette journée “explosive” de dimanche, unanime à croire que la fin de la saison estivale était sifflée. Ce jour-là, un seul scénario, c'était d'ailleurs le plus redouté, s'invitait dans les esprits des habitants de Tigzirt : des estivants qui ne remettront plus les pieds sur le sable fin des plages tigzirtoises et des locataires des hôtels, bungalows et autres appartements, désertant Tigzirt, emportant dans leur esprit la seule image d'une ville désormais infréquentable. Mais le lendemain matin, nous raconte-t-on, à la grande surprise de tout le monde dans cette région, l'ambiance contrastait largement avec le scénario cauchemardesque imaginé la veille. Au premier jour, les plages de Tigzirt n'étaient pas désertées comme attendu mais leur fréquentation avait quelque peu diminué, notamment à Tassalast, où les deux bombes ont explosé. L'information, qui a vite fait le tour de la Kabylie et qui a été rapportée le lendemain par la presse, a empêché plus d'un de se rendre à Tigzirt, et ceux déjà installés dans cette ville côtière pour un séjour, de descendre à la plage. Mais voilà que les choses ont changé à peine quatre jours après. Le premier signe de ce qu'allait être jeudi dernier à Tigzirt apparaît déjà à la station de fourgons qui mène de la ville de Tizi Ouzou vers Tigzirt. De nombreuses personnes, souvent des familles, se bousculent pour monter. Après un trajet d'environ une heure sous une chaleur suffocante, pas moins de quarante degrés en tout cas, on est à Tigzirt. Il était à peine dix heures et la ville aux couleurs bariolées grouille de monde ce jeudi. De la terrasse d'une cafétéria qui donne sur la mer et qui est pleine à craquer, on aperçoit de loin, sur une distance d'un kilomètre, des centaines de parasols alignés et à apparemment collés les uns aux autres. Une longue chaîne de tentes de fortune se dresse tout au long de la plage. Sur la route menant vers Tassalast, on aperçoit aussi une file de véhicules qui avancent lentement vers cette plage située à un kilomètre à l'ouest de la ville, alors que d'autres, nombreux, ont déjà pris place dans l'immense parking. “Après l'attentat, on croyait que la saison serait interrompue et ça aurait été vraiment dommage, mais finalement, rien n'a changé, comme vous pouvez le constater, beaucoup de monde vient tous les jours à Tigzirt”, nous dira le gérant de la cafétéria. “Les commerçants n'ont pas à se plaindre, aucune baisse d'activité n'est ressentie après l'attentat”, nous expliquera un commerçant de la ville. Après dix minutes de marche à pied, on est déjà à Tassalast. ? l'entrée de la plage, des gendarmes dressent un barrage et fouillent minutieusement et systématiquement tous les véhicules avant d'accéder au parking. Les conducteurs ouvrent tour à tour la malle de leur véhicule sous le regard vigilant des gendarmes et ceux, impatients, des enfants. Dans les parkings, de nombreux véhicules portent des plaques d'immatriculation étrangères. “Cette année, les émigrés sont plus nombreux que d'habitude”, nous dira un gardien de parking. Sur le sable de la plage, tentes et parasols commençaient à être occupés un à un. Des estivants, parmi lesquels on dénombre de nombreux émigrés. Les allures et les tenues de plage ne trompent guère. On quitte la plage Tassalast via la toute nouvelle route réalisée dans le cadre du grand projet d'aménagement du littoral, et après une vingtaine de minutes, on se retrouve à la Grande-Plage dont l'ambiance ne diffère pas trop de celle de Tassalast. Mais avant d'atterrir sur le sable de la Grande-Plage, on passe inéluctablement par le port de Tigzirt qui est transformé, depuis quelque temps, en une véritable petite merveille après son aménagement. Avec ses espaces gazonnés, son aire de jeux, ses décorations et ses espaces de stationnement, le port de Tigzirt est devenu très attrayant. C'est dans cet endroit, qui offre une vue des plus belles sur l'îlot, dominé du côté haut par les ruines romaines et surtout très fréquenté par les familles, que se prolongent les soirées estivales jusqu'à des heures tardives. C'est dire qu'avec ses atouts, le repos qu'elle offre et sa beauté toute naturelle, Tigzirt continue de subjuguer et d'attirer toujours des milliers d'estivants. Les bombes du GSPC n'ont pas l'air, en tout cas pas ce jeudi, d'avoir semé la psychose ou changé quoi que ce soit. Le pouvoir du charme n'est-il pas plus fort que celui de la violence ! Samir LESLOUS