Les difficultés que rencontrent les artisans risquent de les conduire à abandonner leur métier, exercé par passion, et se consacrer à d'autres fonctions commerciales. Les artisans de la Maison de l'artisanat de Oued Koriche à Alger sont désormais menacés d'expulsion dans le cas où ils refuseraient de payer le loyer de deux années d'exercice, un loyer jugé “exorbitant” et “non conforme” au cahier des charges, a-t-on appris samedi auprès des artisans. Inaugurée en 2006 par le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, la Maison de l'artisanat abrite 18 locaux de différents métiers artisanaux (céramique, dinanderie, broderie, poterie, bijouterie traditionnelle...), gérés par des artisans qui ont récemment reçu des convocations en justice avec 5 chefs d'accusation et le paiement de plus de 1 000 000 DA (charges de location et des dédommagements). Les artisans concernés ont affirmé à l'APS que dès la deuxième année de l'ouverture de la Maison de l'artisanat, la régie foncière leur a préparé des actes de location dont la valeur est de 18 000 DA en “opposition” au cahier des charges qui stipule que “la première année était gratuite, quant à la deuxième et la troisième, la location se détermine à 10 000 DA”, soulignant qu'il n'est pas précisé si la location était annuelle ou mensuelle. Rappelant qu'ils ont acquis ces locaux avant leur inauguration officielle dans un état qui conduit à leur réhabilitation par leur propres fonds, ces artisans nient l'existence d'actes de location et précisent qu'ils ne peuvent pas payer la somme d'argent réclamée et qu'ils qualifient d'“exorbitante”. Ils ont, notamment, lié leur incapacité de payer lesdites charges au fait que la clientèle soit “très restreinte” et l'activité “réduite” tout au long de l'année. “Notre situation est grave, nous sommes considérés comme des commerçants, alors que notre métier consiste, principalement, à la sauvegarde du patrimoine national et à représenter la richesse culturelle du pays. Nous demandons aux autorités concernées de défendre les droits des artisans”, a dit une spécialiste en tricotage et broderie. L'un des céramistes a estimé, pour sa part, que ces difficultés risquent de les conduire à abandonner ce métier, exercé par passion, et se consacrer à d'autres fonctions commerciales. De son côté, la régie foncière a souligné la nécessité pour ces artisans de régulariser d'abord leur situation administrative, à savoir la signature des contrats de location et le paiement du loyer des deux années. “La régie foncière a respecté dans le fond et la forme tout le cahier des charges. Je confirme que nous avons respecté le cahier des charges à 100%, et que ce sont les artisans qui n'ont pas honoré leurs engagements”, a déclaré à l'APS le directeur par intérim de la régie foncière de la wilaya d'Alger, M. Ali Rahmouni. “Il est bien précisé dans le cahier des charges que le loyer est mensuel et, fixé à 10 000 DA avec 3 000 DA de charges (gardiennage, entretien et gestion des parties communes, ce qui donne une somme de 13 000 DA par mois”, a-t-il expliqué, ajoutant que la manque de clientèle ne relève pas des prérogatives de la régie foncière. Interrogé sur la somme des dédommagements demandée (un millions de dinars), M. Rahmouni a répondu : “C'est à la justice d'apprécier la juste valeur des dédommagements.” Il a ajouté que “ces artisans ont signé un cahier de charge, mais refusent catégoriquement de signer les contrats de location avec la régie foncière et refusent d' instaurer la relation contractuelle”, affirmant que la réglementation “doit être appliquée”. Concernant l'éventuelle expulsion des artisans concernés, M. Rahmouni ne l'a pas écartée dans la mesure où, selon lui, “les obligations et les droits ne sont pas respectés”, soulignant que c'est aux artisans “d'honorer leurs devoirs et leurs engagements”. De son côté, le chef de département de gestion immobilière à la régie foncière de la wilaya d'Alger, M. Mohamed Debz, a tenu à rappeler que les charges qui concernent le gardiennage et l'entretien ont été fixées en premier lieu à 8 000 DA par mois, précisant que cette somme a été ramenée à 3 000 DA, soit 30% du loyer (10 000 DA par mois). Il a en outre déploré le fait qu'aucun artisan ne se soit manifesté pour signer son contrat de location, à l'exception d'une seule personne qui l'a signé et payé son loyer par échéancier. Donnant des précisions sur la nature du problème en question, M. Debz a indiqué que la régie foncière a envoyé aux artisans, dès l'écoulement de la première année, à savoir en juillet 2007, une convocation suivie de deux mises en demeure, pour “régulariser leur situation administrative et payer le loyer et les charges”, ajoutant la régie foncière a décidé d'entamer une procédure judiciaire, après avoir attendu vainement qu'une suite soit donnée par les artisans. APS