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Quand l'artisanat est victime de mauvais calculs
Bras de fer entre la régie foncière et les artisans de la maison
Publié dans La Tribune le 18 - 08 - 2008

Les artisans de la maison de l'artisanat du quartier de Oued Koreiche, à Alger, sont menacés d'expulsion dans le cas où ils s'obstineraient à refuser de payer le loyer de deux années d'exercice exigé par la régie foncière de la wilaya d'Alger, rapporte l'APS. Ils ont récemment reçu des convocations en justice avec 5 chefs d'accusation et le paiement de plus de 1 000 000 DA pour les charges de location et les dédommagements.
Défendant leur position, les artisans concernés affirment que ce loyer est «exorbitant» et «non conforme» au cahier des charges. Ils soutiennent que, deux années après l'ouverture de la maison de l'Artisanat, la régie foncière leur avait préparé des actes de location dont la valeur est de 18 000 DA en «opposition» au cahier des charges qui stipule que «la première année était gratuite, alors que, pour les deux années suivantes,
la location se détermine à 10 000 DA», soulignant qu'il n'est pas précisé si la location était annuelle ou mensuelle. Paradoxalement, ils nient l'existence de ces fameux actes de location.
De plus, ils rappelleront qu'ils ont été obligés de financer les travaux de réhabilitation et d'aménagement des locaux qu'ils ont occupés avant l'inauguration officielle de la maison de l'Artisanat, en 2006, par le Président. La maison de l'Artisanat abrite 18 locaux de différents métiers (céramique, dinanderie, broderie, poterie, bijouterie traditionnelle, etc.) gérés par des artisans.
Enfin, les artisans déclarent qu'ils ne peuvent pas de toute façon payer le loyer exigé. Ils n'ont tout simplement pas l'argent nécessaire. Car, leur activité est loin d'être lucrative. La maison de l'Artisanat n'étant pas située dans un quartier qui attirerait le peu de touristes visitant la capitale, leur clientèle, tout au long de l'année, se limite à quelques riverains et à de rares visiteurs ou clients de passage. Et c'est peu pour remplir les caisses. «Notre situation est grave, nous sommes considérés comme des commerçants, alors que notre métier consiste,
principalement, à sauvegarder le patrimoine national et à représenter la richesse culturelle du pays. Nous demandons aux autorités concernées de défendre les droits des artisans», dira à ce propos une femme artisan. Un des céramistes ira plus loin en disant que cette situation et les difficultés qu'ils vivent risquent fort d'avoir raison de leur activité en les poussant à changer de métier pour se consacrer à d'autres activités commerciales plus lucratives.
De son côté, la régie foncière s'attache au respect de la réglementation et demande aux artisans de
régulariser d'abord leur situation administrative en procédant à la signature des contrats de location et au
paiement du loyer des deux années. «La régie foncière a respecté dans le fond et la forme tout le cahier des charges. Je confirme que nous avons respecté le cahier des charges à 100%, et que ce sont les artisans qui n'ont pas honoré leurs engagements», affirmera à l'APS le directeur par intérim de la régie foncière, Ali Rahmouni. «Il est bien précisé dans le cahier des charges que le loyer est mensuel et fixé à 10 000 DA avec 3 000 DA de charges [gardiennage, entretien et gestion des parties communes], ce qui donne une somme de 13 000 DA par mois», a-t-il expliqué. Il précisera que «ces artisans ont signé un cahier des charges, mais refusent catégoriquement de signer les contrats de location avec la régie foncière et refusent d'instaurer la relation contractuelle». La réglementation «doit être appliquée», affirme-t-il.
Le chef de département de gestion immobilière à la régie foncière, Mohamed Debz, a, lui, tenu à rappeler que les charges pour le gardiennage et l'entretien ont été fixées en premier lieu à 8 000 DA par mois. Mais cette somme à été ramenée à 3 000 DA, soit 30% du loyer (10 000 DA par mois). La régie a ensuite attendu que la première année soit écoulée, en juillet 2007, pour envoyer aux artisans une convocation suivie de deux mises en demeure, pour «régulariser leur situation administrative et payer le loyer et les charges». A l'exception d'une seule personne, qui a signé son contrat de location et payé son loyer par échéancier, aucun artisan ne s'est manifesté. Devant ce refus caractérisé des artisans de régulariser leur situation, la régie foncière a décidé d'entamer une procédure judiciaire. S'agissant du million de dinars demandé pour les dédommagements et jugé excessif, M. Rahmouni dira : «C'est à la justice d'apprécier la juste valeur des dédommagements.»
Quant à la faiblesse de la rentabilité et au manque de clientèle, M. Rahmouni dira, à juste titre, que cela ne relève ni de la responsabilité ni des prérogatives de la régie foncière. Concernant l'éventuelle expulsion des artisans concernés, M. Rahmouni ne l'a pas écartée dans la mesure où, selon lui, «les obligations et les droits ne sont pas respectés», soulignant que c'est aux artisans d'«honorer leurs devoirs et leurs engagements».
Qui a raison, qui a tort dans cette histoire ? Personne et les deux parties. On ne peut reprocher à la régie foncière de faire son travail, de respecter la réglementation et de l'appliquer envers et contre tous. Et il est vrai qu'elle n'a pas à se soucier de la rentabilité de l'activité concernée. Par contre, d'autres ont cette
responsabilité. En premier lieu ceux qui ont décidé de construire cette maison de l'artisanat au beau milieu d'un quartier vétuste qui devrait être, dans un avenir qu'on souhaite proche, «modernisé». La perspective, à long terme, est souriante pour les artisans, mais l'immédiat est plutôt noir. Il aurait fallu dès lors penser à des mécanismes d'accompagnement et aux soutiens à accorder à ces artisans en attendant que le quartier revive, au lieu de s'empresser de créer des institutions à présenter au chef de l'Etat pour plaire, et qu'on laissera tomber au lendemain de l'inauguration.
H. G.


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