Ils se sont connus à Barcelone, y ont été mondialement reconnus, se sont perdus de vue cet été et se sont retrouvés pour réchauffer de leur génie le tournoi olympique : Ronaldinho et Messi seront aujourd'hui au centre du tourbillon de la vie footballistique, mais l'un face à l'autre. Pourquoi les séparer ? Le Brésilien et l'Argentin sont les deux plus grandes stars de la compétition à Pékin ; c'est l'histoire d'une renaissance pour le premier, qui a “retrouvé son sourire”, comme s'en est réjoui son entraîneur Dunga, et d'une confirmation pour le second malgré la pression populaire et la guérilla juridique entre Barça et Fifa. Les deux joueurs présentent certes des qualités différentes : vision du jeu, invention de gestes pour Ronaldinho, explosivité, combativité pour Messi ; mais ils partagent l'art du dribble et un poste couvrant tout le front offensif, entre meneur de jeu parfois excentré et neuf et demi. Tout juste a-t-on pu distinguer en Chine une plus grande constance dans le très haut niveau chez “Leo”. “C'est un joueur extraordinaire, a reconnu le sélectionneur néerlandais Foppe de Haan. Chaque fois qu'il a le ballon, il est d'une habileté incroyable. J'aime Messi, même s'il joue pour l'adversaire.” “Ronnie”, lui, a alterné performances d'éclat — son festival contre la Nouvelle-Zélande — et passages à vide - contre le Cameroun, peut-être encore à court de forme. “Il est possible qu'il soit fatigué, il a joué les quatre matches du tournoi, mais Ronnie n'a pas besoin de beaucoup bouger pour te donner le tournis, pour te planter un but de l'extérieur de la surface ou donner une passe décisive à l'aveugle qui est déjà la moitié d'un but”, a dit Messi hier. Avant que l'ex-Parisien ne parte à l'AC Milan, les deux hommes ont porté ensemble le Barça au sommet tout en assurant le spectacle, avec la conquête de deux championnat et de la Ligue des champions 2006 grâce à leur vista, leur technique, efficacité. Et leur complicité. Car ces deux-là, c'est surtout une histoire d'amitié et de reconnaissance mutuelle. Ronaldinho a pris d'emblée Messi sous son aile. Comme un symbole, le premier but marqué par la “Puce”, à 16 ans seulement, le fut sur une passe décisive de “Dinho”. Pas de rivalité brésilo-argentine entre eux, plutôt de l'émulation lors de séances passées à se bluffer l'un l'autre. “Parfois il vient me voir à l'entraînement et me dit : “Regarde celui-là (de geste technique), essaie un peu de le faire.” Et je dois lui demander de le répéter pour le comprendre. C'est unique”, avait alors raconté l'apprenti, émerveillé. Et le jeu se poursuivait sur Playstation. Dans l'adversité, chacun a pu compter sur le soutien de l'autre. Ronaldinho répondit présent lorsque Messi fut victime de blessures en série, et ce dernier lui rendit la pareille quand la presse et les supporters brûlèrent leur idole au rendement devenu erratique. “Ronaldinho a beaucoup apporté à Barcelone”, l'avait défendu le jeune prodige. Ronnie, empêtré dans son spleen, la “Puce” a même tenté de lui remonter le moral en l'emmenant jouer un match entre potes à San Luis, en Argentine. “C'était merveilleux de se retrouver avec tant d'amis”, dira le premier. Mais sélection nationale oblige, chacun pour soi est parti en Chine avec son propre idéal, l'intention de conserver le titre côté argentin et d'y goûter enfin côté brésilien. Aujourd'hui mardi, les deux amis s'affronteront pour la première fois lors d'une phase finale. Au Mondial 2006, ils se sont croisés... via SMS. Le temps d'une demi-finale, oubliée, le bon vieux temps des “gris-gris” à l'entraînement. Mais une chose est sûre : après le coup de sifflet final, on les reverra tous les deux enlacés.