Le principal parti d'opposition au Zimbabwe, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), a emporté, hier, le poste de président du Parlement par 110 voix contre 98. L'opération de vote s'est tenue dans une ambiance de grande confusion. La confusion qui a marqué le début de la cérémonie, tenue cinq mois après les législatives, illustre la crise née de cette déroute. Depuis le 29 mars, le pouvoir fait tout pour garder le contrôle du pays, que M. Mugabe dirige d'une main de fer depuis l'indépendance en 1980. Après la suspension, le 12 août, des négociations pour la formation d'un gouvernement d'union, quelques jours à peine après leur commencement sous la médiation du président sud-africain, Thabo Mbeki, le principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai, qui dispose d'une courte majorité à la Chambre des députés, refuse d'accepter une place de subordonné dans un exécutif aux mains du régime. À leur arrivée au Parlement, les élus du MDC ont pris position du côté habituellement occupé par les députés de l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF) du président Mugabe. “Asseyez-vous en face ! Vous êtes maintenant dans l'opposition”, criaient certains à l'adresse des élus de la Zanu-PF. De nombreux députés restaient debout, la salle étant prévue pour accueillir 145 membres au lieu des 210 élus le 29 mars. Avant la cérémonie, deux membres élus du MDC ont été emmenés par la police, a affirmé le porte-parole du parti, Nelson Chamisa, sans que leur interpellation ne soit confirmée par les autorités. “C'est une stratégie délibérée pour éliminer nos députés et renverser notre majorité au Parlement”, a soutenu M. Chamisa avant d'accuser : “nous avons des informations selon lesquelles ils veulent arrêter quinze de nos parlementaires.” Le MDC dispose de 100 élus à la chambre basse sur un total de 210 députés, contre 99 à la Zanu-PF, 10 à une faction dissidente de l'opposition et un élu indépendant. Certains élus du MDC sont recherchés par la police, officiellement soupçonnés de crimes allant de la tentative de meurtre à l'incendie volontaire dans le cadre des violences politiques qui ont éclaté entre le 29 mars et le second tour de la présidentielle fin juin. Les Nations unies imputent au parti du pouvoir la responsabilité de l'essentiel de ces exactions, qui ont fait plus d'une centaine de tués et des dizaines de milliers de déplacés, et conduit le leader du MDC, Morgan Tsvangirai, à se retirer de la course à la présidence. Le chef de l'Etat Robert Mugabe, 84 ans, avait finalement été réélu le 27 juin à l'issue d'un scrutin où il était seul en lice. Le MDC craint que la mise en place du Parlement n'entraîne la nomination d'un gouvernement et mette de facto un terme au dialogue sur une formule de partage du pouvoir entre régime et opposition. “Cette arrogance peut faire couler le bateau des négociations”, a déclaré M. Chamisa. Et d'enchaîner : “Ce n'est pas de l'arrogance dont nous avons besoin. Nous avons besoin de maturité et d'harmonie, pas d'acrimonie.” Les 10 sièges de la faction minoritaire du MDC, menée par Arthur Mutambara, pourraient jouer un rôle crucial dans la suite des événements. Si une entente est conclue entre le MDC Mutambara et la Zanu-PF, le régime se maintiendra au pouvoir. “On est voué à des marchandages sans vergogne entre le clan Mutambara et la Zanu-PF, plus qu'entre Mutambara et Tsvangirai”, notait samedi Eldred Masungure, chercheur en sciences politiques à l'université du Zimbabwe. D. S./AGENCES