Deux semaines après son inculpation par la justice française, le chef du protocole au ministère des Affaires étrangères, Mohamed Ziane Hasseni, doit être auditionné cet après-midi par le juge d'instruction Baudoin Thouvenot. M. Hasseni a été mis en cause dans l'assassinat, en 1987 à Paris, de l'opposant André-Ali Mecili, alors porte-parole de Hocine Aït Ahmed. Sans considération pour son passeport diplomatique, il a été arrêté le 14 août à sa descente d'avion à l'aéroport de Marseille. Transféré le lendemain à Paris, il a été inculpé de “complicité d'assassinat” par la juge Goetzman et placé sous contrôle judiciaire, une mesure assortie d'une interdiction de quitter la région parisienne et de l'obligation de justifier d'une résidence à Paris où il a d'ailleurs été rejoint par son épouse. Le diplomate a été arrêté suite à la délivrance d'un mandat d'arrêt visant en réalité le nommé Rachid Hassani, lequel est accusé par l'ex-officier Mohamed Samraoui, réfugié aujourd'hui en Allemagne, d'avoir commandité le meurtre de M. Mecili. Le mis en cause plaide l'erreur des policiers français qui ont confondu entre Hasseni et Hassani. Le célèbre avocat Jacques Vergès, interrogé à ce sujet par Liberté, a qualifié de “scandale” cette arrestation. “Il n'a pas le même nom. Il n'a pas le même prénom. Il n'a pas la même date de naissance. Il n'a pas le même métier. Et on l'arrête. C'est un haut fonctionnaire. On le fait voyager de nuit, menotté dans un train. Ensuite, on l'inculpe alors qu'on dit qu'il y a une confusion d'identité. Ensuite, on le met sous contrôle judiciaire. Je dis que c'est un scandale”, déclarait Me Vergès qui évoque un “délit de faciès” dans le dossier car s'il s'agissait d'un nom français, on n'aurait pas arrêté “Martin alors qu'on cherchait Marton”. Lors de l'audition d'aujourd'hui, M. Hasseni sera vraisemblablement confronté par visioconférence à son accusateur. M. Samraoui, converti en opposant, soutient l'avoir reconnu sur des photos qui lui ont été récemment présentées par le journal électronique français Médiapart. Ce qui a fait ricaner l'entourage du diplomate. M. Samraoui affirme avoir été témoin d'une scène où M. Hasseni aurait remis une somme d'argent au meurtrier présumé. Arrêté alors, ce dernier avait été renvoyé en Algérie. Des sources françaises soutiennent que Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, soupçonnait une histoire de règlement de comptes pour motiver sa décision. Il pensait que M. Mecili n'avait pas été liquidé pour son rôle politique, mais pour son ancienne appartenance à la Sécurité militaire. On omet souvent de le dire, mais M. Mecili était officier des services secrets avant de rallier l'opposition. Un autre officier, en rupture de ban, Hichem Aboud, a démenti la thèse de Mohamed Samraoui et penche aussi pour une confusion. En tout cas, l'entourage du diplomate est tout à fait serein. Des accusations formulées par un opposant risquent de se révéler très fragiles. D'autant plus fragiles que l'accusateur semble vouloir régler des comptes à des diplomates en poste en Allemagne dans les années 90. C'est là qu'il se trouvait avant d'être rappelé dans le cadre de la mobilité. Un rappel qu'il ne semble pas avoir supporté et qui l'a amené à passer dans l'opposition pour bénéficier de l'asile politique. L'accusation est aussi fragilisée par la position du parquet qui a requis un non-lieu au profit du diplomate. Dans le cadre de ce dossier, Alger a reçu la visite du coordonnateur national du renseignement à la présidence de la République française. Le déplacement de Bernard Bajolet, ambassadeur à Alger jusqu'à juillet dernier, a été entouré de secret. D'abord silencieuses, les autorités algériennes ont qualifié lundi “d'incident regrettable” l'interpellation de M. Hasseni. Y. K.