La France n'a pas l'air visiblement de s'agacer, ni de s'encombrer de l'accord passé samedi entre le gouvernement italien et la Libye. Cet accord, largement commenté par la presse maghrébine, porte sur une compensation financière de 5 milliards de dollars pour la période coloniale assortie d'une présentation publique d'excuses à l'endroit du peuple libyen. “On ne va ni considérer que c'est un précédent ni une référence”, a affirmé hier à la presse le porte-parole du Quai d'Orsay, Eric Chevallier. M. Chevallier, qui répondait à la question de savoir les conséquences du geste de l'Italie pour la France, ancienne grande puissance coloniale et qui traîne encore des contentieux historiques avec beaucoup de ses anciennes colonies dont l'Algérie, a estimé que “chaque histoire bilatérale avance comme elle le souhaite, chaque histoire est spécifique”. La veille, il avait considéré que l'évolution de la relation entre l'Italie et la Libye concernait “un aspect particulier de la relation bilatérale entre les deux pays, dont l'histoire commune est par définition spécifique”. Comme il fallait sans doute s'y attendre, le porte-parole du Quai d'Orsay n'a pas manqué de faire valoir l'évolution du discours de certains responsables français, notamment le discours de Sétif en 2005 de l'ex-ambassadeur, Hubert Colin de Verdière, celui de son successeur Bernard Bajolet devant des étudiants à Guelma ou encore celui de Constantine du président Sarkozy en décembre dernier. Colin de Verdière avait parlé à propos des événements du 8 Mai 45 de “tragédie inexcusable”, tandis que Bajolet a évoqué “la très lourde responsabilité des autorités françaises dans les épouvantables massacres”. Quant au président français, il avait estimé que “le système colonial, injuste par nature, ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d'asservissement et d'exploitation”. Salué par de nombreux médias maghrébins, le geste de Berlusconi était attendu à ce qu'il déteigne sur la France qui rechigne encore, du moins concernant l'Algérie, à présenter des excuses, encore moins à fournir des compensations financières. Un journal marocain a critiqué même l'Algérie et le Maroc pour avoir échoué à obtenir des excuses similaires. Il faut dire que l'histoire commune entre l'Algérie et la France est d'un tel volume qu'elle ne peut objectivement être comparée avec celle de l'Italie et de son ex-colonie. Sans compter le travail de mémoire qui doit être mené à terme que revendiquent les historiens des deux pays, loin des contingences politiques. D'ailleurs dans ce contexte, le porte-parole du Quai d'Orsay a indiqué qu'“un travail de mémoire est en cours des deux côtés de la Méditerranée”. Une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats d'Afrique du Nord devrait voir le jour avant la fin de l'année, a révélé M. Chevallier. Karim Kebir