L'Italie va verser à la Libye cinq milliards de dollars sur les 25 prochaines années au titre de dédommagements pour la période coloniale. Un fait sans précédent qui pourrait faire tache d'huile dans les dossiers de décolonisation qui restent en suspens. Concernant le cas algéro-francais, la décision de l'Italie aura-t-elle l'effet boule de neige ? “L'accord portera sur un montant de 200 millions de dollars par an durant les 25 prochaines années sous forme d'investissements dans des projets d'infrastructures en Libye”, a indiqué le Chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi à son arrivée à Benghazi où il doit rencontrer le numéro un libyen Mouammar Al-Kadhafi. M. Berlusconi doit conclure dans cette ville méditerranéenne à 1 000 km à l'est de Tripoli un accord réglant le contentieux hérité de plusieurs décennies d'occupation et colonisation au siècle dernier. “L'accord doit mettre fin à 40 ans de désaccord. C'est une reconnaissance concrète (bien concrète) et morale des dommages infligés à la Libye par l'Italie pendant la période coloniale”, a ajouté le Chef du gouvernement italien à la presse. M. Berlusconi, dont les propos étaient traduits en arabe, a précisé que parmi les projets qui seront financés par son pays figurait la construction d'une autoroute traversant la Libye d'Ouest en Est, de la Tunisie à l'égypte, réclamée par Tripoli. L'accord prévoit également la construction “d'un très grand nombre” de logements, l'installation d'entreprises italiennes en Libye, des bourses à des étudiants libyens en Italie et des pensions pour des mutilés victimes de mines antipersonnel posées par l'Italie pendant la période coloniale, a dit M. Berlusconi. Il prévoit aussi une coopération dans la lutte contre l'émigration clandestine, qualifiée par M. Berlusconi “de lutte contre les commerçants de l'esclavage”. L'Italie a toujours réclamé davantage d'efforts de la part de la Libye pour lutter contre l'émigration clandestine, mais une telle coopération achoppait sur les compensations réclamées par Tripoli pour plus de trente ans d'occupation italienne de 1911 à 1942. Le ministre libyen des Affaires étrangères Abdelrahman Chalgham a indiqué de son côté qu'il restait “des petits points” à étudier avant la signature de l'accord qui “doit servir les intérêts des deux pays”. Sur la lutte contre l'émigration clandestine, il a ajouté qu'un accord avait été déjà signé en 2007 entre les deux pays. “Je dois rencontrer mes homologues maltais et italiens la semaine prochaine à Malte pour examiner la possibilité d'intégrer Malte dans cet accord de coopération”, a-t-il dit. M. Berlusconi avait été précédé à Benghazi par l'arrivée en avion militaire de la “Vénus de Cyrène”, magnifique statue sans tête du IIe siècle après J.-C. découverte en 1913 par des archéologues italiens sur le sol libyen alors colonisé. Le Chef du gouvernement italien doit la restituer, conformément à une décision de la justice italienne. Transportée dans une caisse en bois, la pièce a été accueillie par des youyous et des applaudissements à l'aéroport Benina de Benghazi. M. Chalgham a estimé qu'avec sa restitution “la Libye récupère son identité et une partie de son histoire”. “C'est une victoire, mais la bataille ne fait que commencer pour récupérer notre identité répartie dans tous les musées du monde”, a-t-il ajouté. La visite de M. Berlusconi en Libye, qui devrait durer moins de douze heures, coïncide avec les festivités marquant le 39e anniversaire de la Révolution libyenne, le 1er septembre 1969, qui a porté au pouvoir le colonel Al-Kadhafi. Elle intervient deux semaines après la signature d'un accord sur les indemnisations des victimes américaines et libyennes du conflit entre les deux pays dans les années 1980. Cet accord ouvre la voie à une normalisation complète des relations entre la Libye et les états-Unis, ainsi qu'à une visite historique de la secrétaire d'état Condoleezza Rice, prévue la semaine prochaine. R. I.