En établissant des relations diplomatiques avec l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud et en annonçant qu'il y maintiendrait une importante présence militaire, Moscou confirme son emprise sur ces deux républiques séparatistes de Géorgie. Signe qu'elle reste le maître du jeu dans la région, elle a franchi ce pas au lendemain de l'accord sur le retrait de ses troupes du reste du territoire géorgien d'ici à un mois. “Nous avons échangé des notes (...) sur l'établissement de relations diplomatiques”, a annoncé le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, flanqué de ses “homologues” abkhaze et sud-ossète, devant la presse. L'armée russe, massivement déployée dans la région au lendemain de l'offensive géorgienne du 7 août contre l'Ossétie du Sud, va s'installer à demeure dans les deux provinces, renforçant l'impression du fait accompli que Moscou veut imposer sur le terrain. “Les forces russes resteront là-bas longtemps. Au moins dans un avenir prévisible, c'est absolument nécessaire pour ne pas permettre de récidive d'actions agressives”, a affirmé M. Lavrov. Moscou va maintenir environ 3 800 soldats dans chacun des deux territoires, a annoncé le ministre de la Défense, Anatoli Serdioukov, lors d'une rencontre avec le président Dmitri Medvedev. Tbilissi estime à 6 000 au total actuellement leur nombre qui était monté à au moins 20 000 en août. “J'espère que cela conduira le régime militaire géorgien à cesser ces actes stupides”, a renchéri M. Medvedev. La Russie a conclu des accords de coopération militaire avec les deux républiques, qui prévoient l'installation de bases russes sur leur territoire, a précisé M. Lavrov. Elle disposera ainsi d'une double place forte sur sa frontière sud, en territoire géorgien, alors que cette ex-république soviétique aspire toujours à adhérer à l'Otan, au grand dam de Moscou, et n'a pas renoncé à ses provinces séparatistes. Avec l'établissement de relations diplomatiques, Moscou a fait “un pas de plus pour annexer” ces deux territoires géorgiens, a réagi le vice-ministre géorgien des Affaires étrangères, Giga Bokeria. “Nous sommes un petit pays et nous avons aujourd'hui conclu un accord diplomatique avec le plus grand pays du monde, qui parle avec nous d'égal à égal”, s'est pour sa part félicité le chef de la diplomatie abkhaze Sergueï Chamba. Le 26 août, Moscou avait déjà reconnu l'indépendance des deux territoires qui comptent quelque 350 000 habitants au total, contre l'avis de la communauté internationale. Seul le Nicaragua lui a jusqu'ici emboîté le pas. Au lendemain de l'accord de retrait, les troupes russes ont esquissé un pas en ce sens en quittant le village de Ganmoukhouri, près de l'Abkhazie, a annoncé le porte-parole du ministère géorgien de l'Intérieur, Chota Outiachvili. Mais si la Russie a accepté des discussions internationales à compter du 15 octobre à Genève sur la sécurité dans la région, elle réclame aussi que les deux républiques sécessionnistes de Géorgie y soient “pleinement” associées, a fait valoir le chef de la diplomatie russe. Washington s'est félicité mardi que la Russie ait “accepté de donner des dates fermes” pour un retrait de Géorgie, mais a estimé qu'elle devait encore remplir tous ses engagements pour mettre fin à la crise. L'accord conclu lundi par le président russe Dmitri Medvedev et son homologue français Nicolas Sarkozy, président en exercice de l'UE, a été salué comme une victoire pour les deux parties par la presse russe. “Le Kremlin a reçu des garanties et une promesse écrite de non-recours à la force (de la Géorgie) contre l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie”, mais “Sarkozy aussi a décroché des lauriers”, écrit le quotidien officiel Rossiïskaïa Gazeta. La question de l'intégrité territoriale de la Géorgie reste toutefois plus que jamais posée. “Comment la Russie et l'UE vont-elles nouer des liens avec de telles différences de points de vue” sur l'avenir de l'Ossétie et l'Abkhazie, s'interrogent les Izvestia.