S'étendant sur une superficie de 180 000 hectares, pour une population de 30 000 âmes, la localité de Aïn D'heb, une commune agro-pastorale, chef-lieu de daïra, située à 80 bornes au sud-ouest de Tiaret, vit, depuis quelques jours, au rythme d'une effervescence sans précédent. Ainsi, aux rudes journées ramadhanesques s'ajoutent, tel un feuilleton brésilien, des déclarations interposées entre les élus, dont une partie incrimine le P/APC, et la population qui s'en prend crûment au chef de daïra. Après un préavis d'un rassemblement populaire devant le siège de la daïra, la profession nous dicte de nous rendre sur les lieux afin de nous enquérir de la situation et la réalité qui l'émaille. Au départ de Tiaret déjà, tous les indicateurs nous montraient à quel climat nous aurions à faire. A notre arrivée, nous étions confrontés à plusieurs grappes humaines qui nous ont sollicités d'être à leur écoute et relever ce qu'elles endurent comme hogra, passe-droit, marginalisation… Le premier groupe, sans trop tarder, avait brandi, par voie d'une pétition dont nous gardons une copie, la menace de déclencher un mouvement citoyen contre le chef de daïra. “Nous ne comprenons pas pourquoi la tutelle tarde quant à son remplacement, sachant qu'il est là depuis de très longues années à gérer et à s'ingérer même dans les affaires de notre commune qui mérite pourtant mieux”, fulminait un citoyen. Indépendamment du bien-fondé des arguments donnés les autres citoyens ont témoigné également du profond mécontentement de la population face au fonctionnement inadéquat des structures locales et reprochent à ce responsable son inefficacité, son laxisme généralisé et son indifférence face aux difficultés quotidiennes que rencontrent les citoyens. Après ce bref entretien avec ce premier groupe, nous étions reçus respectivement par le chef de daïra et le P/APC. Cependant, si le premier avait tenté de justifier assez maladroitement ses démarches infructueuses de convaincre les citoyens pour arrêter de telles sorties, le second, par contre, s'est montré relativement optimiste tant il se sent rassuré de ses actions entérinées jusque-là pour le bien-être de la commune et de sa population. Ce dernier a, d'emblée, mis l'accent sur la dernière sortie de ses co-élus qui l'ont fustigé par des déclarations jugées insensées et ostentatoires. “Certains élus sont malheureusement animés d'une obsession à venir à la croisée de toute idée qui ne leur est pas directement et personnellement profitable. Sinon comment expliquer que l'on soit contre l'ouverture des jardins publics qui étaient le fief de tous les maux de la jeunesse ou la récupération du concasseur immobilisé durant une vingtaine d'années ?”, s'accordait-il à dire. Et d'enchaîner : “Ceux qui sont aussi contre la prise des chantiers par la régie communale n'ont qu'à argumenter sincèrement leur position en ayant le courage de souligner leurs convoitises. À l'opinion publique, je déclare que mes actions et mes relations se sont soldées par la récupération, en l'espace de trois mois seulement, d'une cagnotte de plus de deux milliards de centimes, fruit des concessions steppiques, alors que seule une somme de sept mille dinars avait été ramassée durant deux mandats municipaux”. Toutefois, ce que nous avions constaté à notre sortie du siège de l'APC démontre implicitement le soutien authentique de nombreux citoyens à M. Miloudi. “Sincèrement, nous avouons que c'est pour la première fois que nous nous sentons dirigés par un élu car, dans le passé, c'était le chef de daïra qui agissait et ordonnait comme bon lui semblait”, précisait un citoyen. Par ailleurs, une quinzaine de jours après les fortes intempéries qui l'ont sérieusement ébranlée, la localité de Aïn-D'heb semble renouer avec un environnement normal. Néanmoins, sur les lieux du drame, la consternation y est toujours de mise bien que l'assiette elle-même ne soit plus qu'un inoffensif ruisseau nettoyé de tous gravats. Après avoir fait quelques enjambées, nous sommes accostés par Hadj Tahar, un homme d'un certain âge, propriétaire d'un verger qui a subi de sérieux dégâts. Cette plantation de six hectares montre toute l'affliction que le plus commun des mortels pourrait ressentir en voyant d'immenses quantités de pommes de variété Golden et des olives sigoises abîmées par les grêlons, laissant ainsi Hadj Tahar méditer sur son sort sachant qu'il ne jouit même pas d'une assurance. Plus loin, nous sommes accueillis par la famille du petit Hammou Mohamed, alors âgé de 10 ans seulement, emporté par les flots des oueds Gacem Lahbeb et El Abd, des cours qui ont expédié les flots depuis Feidja jusqu'à Medrissa. Son frère, âgé de 17 ans, qui avait dû son salut à ses cousins Lahcene, Tayeb, Khaled et Bouamama, qui l'ont sauvé à plusieurs centaines de mètres, ne pouvait se retenir de frissonner en voulant nous raconter ce qu'il avait vécu. À côté, les habitants de la cité, dont le père du petit Mohamed, nous ont présenté cheikh Mohamed, 97 ans, handicapé physique, qui était inondé ce jour-là et qui n'a pu ni crier ni fuir. “Que Dieu soit avec vous et avec tous ceux qui ont compati à notre douleur pour nous apporter assistance”, nous lance-t-il les yeux larmoyants. Par ailleurs, en marge de cette sortie, nous avions revu encore une fois le P/APC afin de savoir ce qu'il avait prévu pour les sinistrés. “N'oubliez pas que je suis citoyen avant d'être P/APC, mon devoir est d'être aux côtés de ces malheureux que je compte soulager au mieux. D'ailleurs, j'étais le premier à risquer ma vie en m'engouffrant dans les eaux le jour du drame… Le reste est sans commentaire”, nous répond-il. R. SALEM