Juillet 1995, la Banque d'Algérie décide d'émettre un nouveau billet de mille dinars. Avril 2011, soit seize ans plus tard, la même banque émet un nouveau billet de 2 000 DA. Pourquoi ? Juillet 1995, la Banque d'Algérie décide d'émettre un nouveau billet de mille dinars. Avril 2011, soit seize ans plus tard, la même banque émet un nouveau billet de 2 000 DA. Pourquoi ? Contrairement à 1995, la décision d'émettre un billet de 2 000 DA a suscité beaucoup de réactions critiques. Pour certains, ce nouveau billet cacherait mal une inflation galopante. D'autres vont même jusqu'à parler d'un «actionnement sans retenue de la planche à billets». Enfin, des analystes paraissent convaincus qu'un nouveau billet ne réglera pas l'actuelle crise de liquidités qui frappe depuis quelque temps le système monétaire national. Il est certain que les dirigeants de la Banque d'Algérie ne décident pas, du jour au lendemain, d'émettre un nouveau billet de banque sans étude au préalable. Une telle décision n'est prise qu'après une expertise profonde de la situation monétaire du pays. La situation économique et financière de l'Algérie de 1995, année de l'émission d'un billet de mille dinars, n'a rien à avoir avec celle de 2011. En 1995, l'économie algérienne était soumise à un accord d'ajustement structurel avec le Fonds monétaire international (FMI) tandis que la dette extérieure a été rééchelonnée. Les réserves de change étaient au plus bas, le dinar sensiblement dévalué et l'inflation était à deux chiffres. Et pour clore ce tableau noir, le budget de l'Etat était lourdement déficitaire. Et c'est dans ce contexte économique et financier très défavorable que la Banque d'Algérie décida d'émettre un billet de mille dinars en 1995. Avril 2011, la dette extérieure du pays ne dépasse pas les cinq milliards de dollars. Les réserves de change sont supérieures à 155 milliards de dinars. Tandis que le budget de l'Etat est largement excédentaire depuis plusieurs années en raison du maintien d'un prix moyen du baril de pétrole assez élevé. Comme on pourrait le constater, l'émission en ce mois d'avril 2011 d'un nouveau billet de 2 000 DA intervient dans une conjoncture économique et financière très favorable comparativement à celle de 1995. Mais une conjoncture favorable ne peut dicter à elle seule la décision d'émettre de nouveaux billets de banques. En 1997, deux ans après l'émission du billet de mille dinars, la circulation fiduciaire de la monnaie hors banques s'élevait à 390 milliards de dinars. En 2009, la monnaie fiduciaire passait à 1 830 milliards de dinars. Comme on pourrait le constater, la monnaie fiduciaire a été multipliée par presque cinq en l'espace de seize ans. Durant la même période, la monnaie et la quasi-monnaie (monnaie hors banques ainsi que les dépôts bancaires et autres) a été carrément multiplié par 4,5 en passant de 1 592 milliards de dinars en 1997 à 7 179 milliards de dinars en 2009. Là aussi le constat est le même. La masse monétaire en circulation s'est tellement accrue ces dernières années que l'émission d'un nouveau billet de banque de 2 000 DA est largement justifiée actuellement. Un autre facteur, celui des revenus disponibles (salaires, revenus des indépendants, des agriculteurs, etc.) explique aussi la mesure prise par la Banque d'Algérie. Ainsi, en 1997, les revenus disponibles étaient de l'ordre de 1 479 milliards de dinars. Ces mêmes revenus passeront à 4 900 milliards de dinars en 2009. Enfin, les recettes budgétaires de l'Etat qui n'étaient que de 929 milliards de dinars en 1997 feront un bond remarquable en passant à 3 673 milliards de dinars en 2009. Evidemment, ces recettes sont tirées à hauteur de 70% par la fiscalité pétrolière. Même constat pour le produit intérieur brut qui était de 2 780 milliards de dinars en 1997 avant de bondir à 10 135 milliards de dinars en 2009. L'émission d'un nouveau billet de 2 000 DA aura-t-il des incidences sur l'inflation ? Première remarque : en raison d'un prix moyen du baril de pétrole toujours élevé, le budget de l'Etat ne connaît pas un lourd déficit. Donc, le gouvernement ne recours pas à l'endettement, encore moins à la planche à billets pour financer un quelconque déficit. Même si l'économie algérienne hors hydrocarbures reste faiblement performante, l'industrie du pétrole et du gaz naturel assure pour le moment des rentrées financières suffisantes au profit du trésor public. Les importantes réserves de change permettent une stabilité du taux de change officiel du dinar. Mais avec un pétrole dépassant les cent dollars le baril, il y des risques, à l'exemple de l'année 2008, de voir les prix des produits alimentaires et autres matières premières et biens de consommation flamber sur les marchés mondiaux cette année. Donc, l'Algérie risquerait fort en 2011 de voir une partie de son inflation importée de l'étranger. Dans son dernier rapport, le FMI prévoit un taux d'inflation dans notre pays avoisinant les 5% en 2011. Il est légèrement supérieur à celui de 2010 qui n'était que de 4,3%. Sur le plan interne, certaines mesures prises par le gouvernement permettraient de limiter les risques inflationnistes. Les prix du sucre, de l'huile, des légumes secs ainsi que ceux du pain, de la semoule et du lait seront subventionnés par l'Etat. Ceux de l'eau, de l'électricité, du gaz naturel et des carburants ne bougeront pas. Idem pour les transports. Dans l'ensemble, l'année 2011 ne connaîtra pas d'augmentation de prix des produits de base et énergétiques. D'où un faible risque inflationniste. De la responsabilité de l'Etat ! Mais reste tout de même ce problème de liquidités. Dans la loi de finances de 2011, le budget de fonctionnement s'est accru de 600 milliards de dinars. Une part importante de cet argent a servi au paiement des augmentations des salaires et des rappels. Sous la pression sociale, mais aussi politique, le gouvernement décida d'un ensemble de mesures salariales dont les montants ont été rapidement libérés par le Trésor public. Les agences postales de paiement seront alors soumises à de fortes pressions. La demande sur les liquidités fut telle de la part des centaines de milliers d'agents et de fonctionnaires de l'Etat et de particuliers que la Banque d'Algérie s'est retrouvée dans l'incapacité d'y répondre. Depuis, les billets de banque manquaient dans les bureaux de poste. Pour certains observateurs, ce problème n'est pas seulement lié à la forte hausse de la masse salariale des administrations publiques. Les banques et les autres établissements financiers ont cumulés un important retard dans le processus de réformes engagé il y a quelques années. Le paiement électronique, qui évite le recours massif aux liquidités, est presque inexistant dans le pays. Le gouvernement a récemment reculé sur la décision obligeant toute personne d'utiliser le chèque pour tout paiement d'une transaction financière dépassant les 500 000 DA. L'économie informelle (au sens large du terme et non pas celle du cliché des vendeurs à la sauvette) a pris de l'ampleur ces derniers mois et une masse monétaire très importante circule en dehors du système bancaire. Et c'est cette économie informelle qui est responsable de cette crise des liquidités et non pas les hausses des salaires et encore moins l'inflation. Des réformes politiques deviennent ainsi inévitables pour renforcer l'Etat dans ses missions de régulation et de normalisation de l'économie nationale. Réda C.