La chambre d'accusation près le tribunal de Constantine a décidé, en fin de semaine, de renvoyer au 3 mai prochain son verdict quant à la qualification des faits contenus dans le dossier portant sur un trafic du ciment dans les wilayas de l'est du pays. La chambre d'accusation près le tribunal de Constantine a décidé, en fin de semaine, de renvoyer au 3 mai prochain son verdict quant à la qualification des faits contenus dans le dossier portant sur un trafic du ciment dans les wilayas de l'est du pays. Volumineux, ce dossier l'est de par l'implication de quelque 70 personnes dont des cadres de l'entreprise des ciments, des commerçants spécialisés dans le commerce des matériaux de construction et des transporteurs en commun apparemment très influents dans le circuit de la commercialisation du ciment. Volumineux aussi par le préjudice généré par ce trafic sur le développement socioéconomique dans les wilayas dont les projets d'habitat et équipements publics ont connu d'importants retards pour cause d'indisponibilité de ce matériau de construction. Pour arriver à ce stade de l'enquête, il a fallu aux éléments de la brigade de gendarmerie un travail minutieux d'investigations et de recherches en dépit de certaines interférences des habitués de la nage en eau trouble, du travail de coulisse et des interventions du «haut lieu». Cette affaire largement relayée dans la presse avait fait grand bruit sans pour autant avoir un quelconque impact sur les animateurs du marché parallèle du ciment noir. Il a fallu l'arrestation de plusieurs hauts cadres de l'Entreprise des ciments de Hadjar Soud (CHS) Azzaba, dans la wilaya de Skikda, pour lézarder le fortin de ceux qui ont transformé cette entreprise en poule aux œufs d'or. Les auditions des uns et des autres mis en cause, de près ou de loin, a permis de mettre au jour un grand nombre d'anomalies non seulement dans la commercialisation du ciment mais également dans sa constitution chimique et son conditionnement. «Analysé par le laboratoire, le ciment saisi s'est avéré non conforme. Pratiquement, toutes les données générales de sa composition sont fausses. Le taux des constituants est faible en silicates et aluminates, proportion de chaux et de silice réactive, clinker, laitier d'HF, pouzzolane naturelle, schistes calcinées. Les propriétés ont été totalement modifiées. On peut dire que tel que présenté ce type de ciment est à haut risque dans le secteur de la construction», dira un des enquêteurs sous le sceau de l'anonymat. Pour appuyer leurs arguments d'accusation, ils ont pris pour référence les preuves matérielles dont des documents comptables, la saisie d'importantes quantités de ciment CHS stockées dans des dépôts privés de provenance injustifiée ainsi que les aveux de plusieurs mis en cause. Ce qui a imposé au Groupe industriel des cimenteries algériennes (GICA) de décider, en mai 2010, d'une mesure conservatoire à l'encontre de 4 directeurs centraux de CHS. Il aurait réagi à la suite d'un rapport circonstancié établi par le PDG de la CHS. Pour l'heure, l'on en est aux actes de faux et usage de faux, fraudes fiscales et détournement. Y sont impliquées à différents niveaux d'interventions les 70 personnes. Onze d'entre elles ont fait l'objet de la procédure de mandat de dépôt et d'autres ont été placées sous contrôle judiciaire. Des contempteurs se sont étonnés du train de vie de plusieurs de ces mis en cause. Ce qui a conduit la direction générale du groupe des Entreprises des ciments de l'Est (ERCE) à réagir. Il faut dire que même si les hauts salaires versés aux cadres mis en cause leur permettent de ne pas vivre de la charité publique, ils ne sauraient expliquer comment les bénéficiaires ont pu acquérir des propriétés immobilières de haut standing en différentes régions de l'est du pays. Nos sources indiquent que la lecture des procès verbaux d'enquête des gendarmes et des auditions de tous les mis en cause et des témoins par le juge d'instruction ne laisse planer aucun doute sur la culpabilité de plusieurs de ces cadres. Effectuées sur commission rogatoire du magistrat du tribunal de Constantine, les investigations ont également conduit les enquêteurs dans les locaux de plusieurs commerces spécialisés dans l'approvisionnement en ciment gris du marché. D'importantes quantités de ciment gris produit par la cimenterie de Hadjar Soud et destinées à des fins spéculatives y ont été découvertes. Elles impliquent des complicités internes et externes dans la production et la livraison de ce matériau de construction très demandé tant par le secteur public de la construction que celui privé. Cette situation a amené le parquet de Constantine à élargir le cadre de ce qui, au départ, était une information judiciaire. Et l'on retrouve là l'un des principaux griefs reprochés aux cadres de gestion de la CHS dans la wilaya de Skikda qu'est le détournement. Selon les mêmes sources, la direction aurait confié l'essentiel de ses prérogatives au département commercial dont les recettes échappaient aux règles de comptabilité publique. Au fil de leurs investigations et des auditions des mis en cause, transporteurs et autres témoins, les gendarmes ont décelé un obscur tour de passe-passe dans la composition chimique du produit, son conditionnement, sa commercialisation et son écoulement via un réseau bien huilé d'intermédiaires dont les tentacules s'étendent sur l'ensemble du territoire national. Alors que la plupart des chantiers de projets d'utilité publique comme les logements, universités, établissements scolaires et de santé… étaient confrontés à une pénurie chronique durant les 4 dernières années, le marché parallèle du ciment noir était régulièrement approvisionné. De nouvelles richesses se sont ainsi constituées au gré des opérations de blanchiment et de transfert de fonds vers des banques étrangères via la Tunisie. C'est pourquoi la sentence des magistrats de la chambre d'accusation en charge de ce dossier «ciment» prévue le 3 mai prochain est très attendue. Dans ses entendus à enregistrer sur l'arrêt de renvoi, les magistrats devront être précis dans leur approche de l'accusation avant de faire comparaître les 70 personnes à la barre des accusés et des témoins à charge et à décharge. A. Djabali