La démission collective, jeudi dernier, de six directeurs et la suspension d'un autre ont forcément mis le secteur de la santé en émoi. Mais sur place, c'est... plutôt calme. Certes, les Bordjiens ont entendu la nouvelle aux infos, mais ils n'avaient guère l'air ému. Peut-être parce qu'ils savent qu'il s'agit d'un acte symbolique et purement administratif, qui n'aura aucune répercussion sur l'activité médicale. Peut-être aussi parce que «ouais, l'hôpital, mais vous savez, tant qu'on n'est pas concerné...». Peut-être, enfin, parce que cela fait des années qu'ils entendent parler des difficultés de budget, de locaux et de personnel, et que finalement rien de tout cela n'a eu de conséquences vraiment graves pour les malades. En effet, l'EPH Bouzidi-Lakhdar est une structure réalisée depuis plus d'une vingtaine d'années et a toujours constitué l'unique établissement du genre dans le secteur de la santé publique au niveau de la wilaya de Bordj Bou Arréridj. Il reçoit les malades de toutes la région et des localités de Bordj Bou Arréridj et d'autres wilayas situées aux frontières de M'Sila, Béjaïa et Sétif. Il est considéré comme un établissement spécialisé en orthopédie et neurochirurgie difficiles et à hauts risques. Malgré la présence de plusieurs autres établissements sanitaires dans la région, l'hôpital Bouzidi -Lakhdar reçoit les deux tiers de la population de la wilaya. Pour en savoir davantage sur cette importante infrastructure sanitaire, surtout après la suspension de son directeur et également les informations sur des problèmes de gestion tels que vol de médicaments, laisser-aller et mauvais accueil de la directrice de l'Administration locale de la wilaya de Bordj Bou Arréridj, nous nous sommes rendus samedi matin sur place où nous avons été accueillis par le personnel de garde avec une extrême gentillesse. C'est ainsi que nous avons rencontré plusieurs médecins, paramédicaux et administratifs qui tous s'élèvent avec véhémence contre ce qu'ils considèrent comme de la diffamation et une atteinte grave à la réputation et à la crédibilité de cet établissement hospitalier et de ses cadres et travailleurs. En ce qui concerne “le vol de médicaments'', tous s'accordent à affirmer qu'il s'agit là d'une vieille rumeur qui remonte à au moins une dizaine d'années. En effet, régulièrement, la rumeur concernant un trou dans la pharmacie remonte à la surface. Des commissions ministérielles ont procédé à des visites au niveau de la pharmacie, des responsables de ce service ont été changés mais aucun contrôle approfondi de la pharmacie n'a été effectué. « C'est pourquoi parler aujourd'hui de vol au niveau de la pharmacie relève de l'intox et de l'alimentation de la rumeur », selon nos interlocuteurs. Les travailleurs, notamment le corps médical et paramédical, insistent pour signaler les améliorations apportées ces derniers mois dans le fonctionnement de l'établissement et les activités médicales. Le personnel, particulièrement le corps médical, indique que des améliorations notoires ont été enregistrées dans la couverture médicale, le fonctionnement du plateau technique et la qualité de la prise en charge des patients. C'est ainsi que les équipes de garde médicale sont passées de deux à trois praticiens, les gardes spécialisées couvrent des périodes plus larges du fait de l'introduction de la formule de l'astreinte dans les spécialités dont l'effectif est trop faible. Certains praticiens dépassent les dix astreintes par mois tout en assurant un service de jour régulier. Le service de Réanimation bénéficie d'une couverture médicale de médecine générale et spécialisée 24h/24h alors qu'il y a seulement huit mois les malades de ce service, souvent intubés et inconscients, étaient abandonnés sans couverture médicale toutes les nuits et tous les week-ends. Des gardes de techniciens de radiologie sont assurées 24h/24h et 30j/30j, de même que des cadres paramédicaux spécialisés dans la manipulation du scanner assurent la garde 24h/24h et 30j/30j. « Ces quelques exemples ne sont cités qu'à titre illustratif », ajoutent nos interlocuteurs qui nous ont invités à effectuer un reportage pour décrire toutes les améliorations qui ont été réalisées pendant ces derniers mois. Les travailleurs des services économiques ont signalé avec insistance leurs deux grandes réalisations d'hygiène et d'assainissement. Après la suppression des fuites massives dans le réseau d'alimentation en eau potable, l'eau est aujourd'hui disponible 24h/24h. Les caves de l'hôpital qui étaient totalement inondées par les eaux usées sur une profondeur de plus de 1,50 m sont aujourd'hui assainies, sèches, chaulées et éclairées : plus d'odeurs, plus de moustiques, etc., alors que ce problème n'avait pas trouvé de solution depuis au moins vingt années. Ils signalent également le cas du monte-charge (alimentation des malades) qui n'avait fonctionné que sept mois après l'ouverture de l'hôpital (1985) et qui, aujourd'hui, est en excellent état de marche.L'hygiène générale à l'hôpital s'est beaucoup améliorée, de l'avis même des médecins épidémiologistes du service de l'épidémiologie du C.H.U de Sétif, qui viennent de réaliser un audit au niveau des trois E.P.H. de la wilaya de Bordj Bou Arréridj. Invité par nos interlocuteurs à une visite sur le terrain, nous avons constaté que d'importants travaux de réfection sont menés tambour battant pour redonner à cette structure sanitaire un visage autrement plus accueillant et plus attrayant. Nos interlocuteurs estiment que malgré toutes ces améliorations, beaucoup reste à faire et se déclarent mobilisés pour continuer à réaliser d'autres avancées. La suspension de leur directeur décidée par la directrice de la Santé de la wilaya est ressentie comme une injustice d'une extrême gravité compte tenu du motif invoqué, d'autant plus que la décision prise à son encontre constitue un acte administratif abusif. Le statut de l'EPH. stipule que le directeur est nommé par arrêté du ministre, et il ne peut être suspendu ou mis fin à ses fonctions que par la même autorité (article 19 du décret exécutif N° 07-140 du 19 mai 2007). Au moment de notre visite, le directeur était à son bureau et travaillait normalement. L'un des fonctionnaires de l'administration nous a déclaré que ce responsable a demandé au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière l'envoi d'une commission d'inspection pour établir les faits et faire émerger la vérité. Il est utile de préciser que le directeur actuel de l'hôpital Lakhdar-Bouzidi a été nommé à ce poste il y a moins d'une année. S.-K. B.