Une rencontre prévue à partir du 29 mai 2011 à Alger devait réunir quelque 400 à 450 opérateurs français et algériens avec, pour objectif, de lancer de nouveaux projets ou de relancer des activités en suspens pour un partenariat gagnant-gagnant. Les négociations avaient été retardées en raison de la directive du Premier ministre algérien de juillet 2009 imposant une part de 51 % pour les sociétés algériennes dans une joint-venture avec une entreprise étrangère. Total se serait résigner à ne contrôler que 49 % du projet tel que stipulé par la nouvelle loi algérienne en matière d'investissement étranger, mais les négociations achoppent sur le prix de cession du gaz dont la différence ente le prix sur le marché intérieur et celui du marché international varie entre 1 et 9/10. Concernant les services, nous assistons à la présence des banques françaises en Algérie à l'instar de BNP-Paribas et la Société Générale, qui avaient prévu avant l'annonce de l'encadrement des investissements étrangers d'étendre leurs réseaux d'agences bancaires sur le territoire algérien. Il en est de même pour les assureurs français qui ont revu leurs plans d'investissement pour cause de crise. Les restrictions aux investissements étrangers en Algérie ont fait le reste comme le grand assureur AXA qui invoque également les récents recadrages de la réglementation en matière d'investissement étranger, des mesures qui sont en train de chambouler le calendrier des partenariats envisagés par les grandes compagnies internationales dans le domaine des assurances en Algérie. Aucune annulation définitive de projet n'a encore été annoncée. Il reste que les délais de lancement de ces partenariats sont devenus très flous. En effet, parmi les options envisagées par AXA, celle de l'achat d'une compagnie privée est désormais exclue par la nouvelle réglementation. Il reste donc la possibilité d'une association minoritaire avec un groupe public algérien. Des sources annoncent que l'accord CNEP-CARDIF signé le 27 mars 2008 devrait se confiner au commercial accusant un retard important dans sa mise en œuvre. Malgré cela, il faut reconnaître que les relations économiques entre l'Algérie et la France, malgré des discours de bonnes intentions, sont loin des attentes des deux pays, se limitant essentiellement aux hydrocarbures pour la partie algérienne, les services notamment bancaires, l'agroalimentaire, les produits pharmaceutiques et les produits issus de l'industrie automobile étant pour la partie française, alors que les potentialités sont énormes. Il y a effectivement des aspects politiques qui freinent ces échanges. Certes, les échanges commerciaux sont en hausse mais demeurent figés dans leurs structures. Malgré une bonne évolution, ces échanges sont dérisoires comparés aux exportations et aux importations des deux pays. La France, dans bon nombre d'affaires en Algérie, est devancée par l'Italie et la Chine qui prennent des parts de marché de plus en plus en plus importantes. C'est que, dans la pratique des affaires, il n'y a pas de fraternité , de sentiments,, et l'Algérie doit privilégier uniquement ses intérêts, comme c'est le cas de la France, les opérateurs, qu'ils soient arabes, algériens chinois, français ou américains étant mus par la logique du profit maximal et ils iront là, où sous réserve de contraintes socio-politiques et socio-économiques, ils peuvent réaliser ce profit maximal. Il faut être conscient que les nouvelles relations internationales ne se fondent plus essentiellement sur des relations personnalisées entre chefs d'Etat mais sur des réseaux décentralisés à travers l'implication des entreprises et de la société civile qui peuvent favoriser la coopération, le dialogue des cultures, l'émigration, ciment de l'interculturalité, pouvant être un vecteur dynamisant. 2) Quelles perspectives pour cette coopération ? Certes, tous les pays protègent leur production nationale grâce à l'Etat régulateur stratégique en économie de marché pouvant détenir des minorités de blocage dans des segments stratégiques à ne pas confondre avec le retour à l'Etat gestionnaire de l'ex-économie soviétique comme le montrent les décisions récentes de bon nombre de pays développés et émergents, mais d'une manière ciblée et ne décourageant pas l'acte d'investissement national et étranger. De plus en plus d'experts algériens préconisent de lever ce voile juridique de peu d'efficacité économique et de mettre en place un autre indicateur plus significatif qui est celui d'une balance devises positive, c'est-à-dire que les entrées en devises doivent être supérieures aux transferts. L'essentiel pour l'Algérie est de favoriser une accumulation du savoir-faire à la fois managérial et technologique grâce à un partenariat gagnant-gagnant, l'Etat pouvant détenir des minorités de blocage pour des segments stratégiques, l'objectif étant une valeur ajoutée interne positive. Comme conséquence de ces mesures, selon le rapport de la CEE (FEMISE) de 2010, les IDE déjà faibles ont chuté de près de 70 % entre 2009 et 2010 en référence aux années 2007 et 2008 en Algérie, les 30 % restants étant surtout concentrés dans les hydrocarbures. Cela devrait inciter à une réorientation de l'actuelle politique économique pour la période 2011-2014, la valeur des importations n'ayant baissé que de 1 % en valeur entre 2008 et 2010 (somme dérisoire), l'essence, autant que l'inflation de retour, étant l'envolée de la dépense publique prévue de 200 milliards de dollars entre 2004 et 2009 avec une injection projetée de 286 milliards de dollars entre 2010 et 2014. Or, 130 sont des restes à réaliser du programme 2004-2009, 70 % étant consacrés aux infrastructures alors que le développement doit reposer sur l'entreprise compétitive (couple coût-qualité) et la valorisation du capital humain, ce qui démontre une mauvaise gestion, voire la corruption. Se pose alors cette question stratégique : cette faiblesse du dépérissement du tissu productif en Algérie, l'économie algérienne étant une économie foncièrement rentière (98 % d'exportations d'hydrocarbures brut et semi-brut et important presque 75 % pour les besoins des entreprises et des ménages moyenne 2006-2010) n'explique-t-elle pas que le taux de croissance n'est pas proportionnel à la dépense publique (inférieur à 3/4 % moyenne 2006-2010 alors qu'il aurait dû être au moins de 10 %, démontant un gaspillage des ressources financières) ? Le gouvernement pourra-t-il créer entre 2010 et 2014, 200.000 PME/PME et trois millions d'emplois, non pas des emplois fictifs issus de la rente mais des emplois productifs afin de diminuer les tensions sociales ? On assiste actuellement à des versements de salaires sans contreparties productives et des subventions via la rente des hydrocarbures pour une paix sociale éphémère, le taux de chômage réel étant supérieur à 20 %, loin des déclarations officielles, et pour une fraction de la jeunesse dominante dans certaines régions dépassant les 4 %. Doit-on continuer dans cette trajectoire où les dépenses ne sont pas propositionnelles aux impacts, la moyenne du taux de croissance 2004-2010 étant d'environ 3 % alors que l'importante dépense publique aurait dû permettre plus de 10 %, l'Algérie dépensant deux fois plus pour avoir un résultat deux fois moindre, selon une étude de l'OCDE de 2009. La population algérienne est de 36 millions en 2011 et pourrait être de 45 millions à l'horizon 2025 au moment où l'on assistera à l'épuisement des hydrocarbures constituant 98 % de ses recettes d'exportation (moyenne 2010/2011) en termes de rentabilisé financière. L'Algérie ne risque-t-elle pas avec le statut quo actuel sans réformes une marginalisation par rapport aux mutations mondiales ? Pourtant, l'Algérie, sous réserve de la levée des contraintes d'environnement freinant la création d'entreprises à valeur ajoutée, supposant de profondes réformes micro-économiques et institutionnelles, liant réformes et démocratie, une visibilité et une cohérence dans la politique socio-économique évitant l'instabilité juridique perpétuelle, a les potentialités pour passer d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, principal défi entre 2011 et 2020, et devenir un pays pivot au sein de l'espace euro-méditerranéen et arabo-africain. En cette ère de mondialisation avec les grands espaces et les effets de la crise d'octobre 2008, qui aura pour conséquence une importante reconfiguration géostratégique et économique entre 2015 et 2020, il est dans l'intérêt de tous les pays du Maghreb d'accélérer l'intégration économique si l'on veut attirer des investisseurs potentiels intéressés non par des micro-espaces mais par un marché de plus de 100 millions d'habitants pour le Maghreb, de 500 millions pour l'espace euro- méditerranéen et de 1,5 milliard d'âmes à l'horizon 2020 pour le continent africain, comme j'ai eu à le démontrer dans une contribution parue le 28 avril 2011 à l' Institut français des relations internationales (IFRI) de Paris (France) et intitulée «Le Maghreb dans son environnement régional et international : la coopération Europe-Maghreb face aux mutations géostratégiques mondiales» où il a été mis en relief les résultats mitigés du processus de Barcelone, l'urgence d'une nouvelle conception des relations internationales loin de tout esprit de domination et conciliant réformes et démocratie en tenant compte des anthropologies culturelles avec, en conclusion, le fait que que l'avenir économique de l'Europe et du Maghreb est en Afrique. Comme il s'agira d'intégrer d'une manière intelligente la sphère informelle qui contrôle plus de 40 % de la masse monétaire en circulation et 65 % des segments de produits de première nécessité. L'attractivité du marché algérien découle des avantages comparatifs suivants : la proximité géographique des marchés potentiels d'Europe, d'Afrique et du Moyen-Orient, la taille du marché intérieur estimée à environ 36 millions de consommateurs, des richesses naturelles importantes et des ressources humaines mais devant améliorer la qualité de l'enseignement. Elle a un stock de la dette inférieure à 4 milliards de dollars, des réserves de changes d'environ 157 milliards de dollars et un programme d'investissement 2010-2014 de 286 milliards de dollars. Dépassionnons les relations entre l'Algérie et la France grâce à un partenariat équilibré et solidaire pour une prospérité partagée loin de tout esprit de domination. L'histoire commune, bien que mouvementée, nous impose d'entreprendre ensemble pour une prospérité partagée se fondant sur l'entreprise créatrice de richesses et son fondement, le savoir, mais en n'oubliant jamais que nous sommes à l'ère de la mondialisation. (Suite et fin)