Le ministre des Finances vient de déclarer officiellement le 6 juin 2011 que le déficit budgétaire serait en réalité de 10% et non de 33,9% et le gouverneur de la Banque d'Algérie que l'inflation est maîtrisée. L'objet de la présente analyse est de contribuer à un débat productif. 1.-Monsieur le ministre, un retour aux notions élémentaires de l'économie publique Le budget de l'Etat est le budget annuel que l'Etat tient, c'est-à-dire l'ensemble des comptes décrivant les recettes et les dépenses de l'Etat pour une année civile. L'Etat l'équilibre au moyen de l'endettement (si nécessaire), ou en plaçant ses excédents. Les impôts dans une économie productive sont les principales recettes de l'Etat, composés des impôts directs versés directement par les contribuables à l'Etat et des impôts indirects, ces derniers étant incorporés au prix d'un bien ou d'un service et payés à un intermédiaire qui les reverse à l'Etat. Pour le cas Algérie, la dominance est la fiscalité pétrolière. Quant aux dépenses, elles concernent les interventions dans les domaines social, économique et international. Un budget est dit en équilibre si les recettes sont égales aux dépenses. En cas de déficit budgétaire, ce dernier doit être financé soit par des emprunts qui augmentent la dette de l'Etat avec un coût dans la mesure où il faut payer les intérêts, soit par le recours à des réserves préalablement accumulées à partir d'excédents budgétaires, soit par une hausse d'impôts, soit enfin par une émission monétaire (« planche à billets »), avec le risque d'un processus inflationniste si l'offre de biens et de marchandises produite intérieurement ne s'accroît pas. Cela peut entraîner un dérapage de la valeur de la monnaie. Qu'en est-il de la réalité de la loi de finances complémentaire 2011 ? Elle a été établie sur la base de 37 dollars le baril de pétrole et pour 74 dinars un (1) dollar , prévoyant une forte aggravation du déficit budgétaire à 33,9% du produit intérieur brut. Les dépenses de fonctionnement prévues sont de 4 291 milliards de dinars dont 856,8 milliards de dinars additionnels, en hausse de 24,9%, et les dépenses d'équipement de 3 981 milliards de dinars dont 797,26 milliards de dinars additionnels, en hausse de 25%. Quant aux recettes budgétaires, elles sont de 3 198 milliards de dinars (en hausse de 6,8%), dont 1 669 milliards de dinars de fiscalité ordinaire, en hausse de 11%, 1 529 milliards de fiscalité pétrolière, en hausse de 3,8% et le Fonds de régulation des recettes (FRR) est évalué à 4 842,8 milliards à fin 2010. Cela résulterait des revalorisations salariales, l'extension du soutien aux produits alimentaires subventionnés, des mesures en faveur de la relance de la PME , les subventions pour préserver le pouvoir d'achat des ménages, une forte réduction des charges patronales relatives aux cotisations à la Sécurité sociale, une imposition progressive aux micro-entreprises et aux activités créées pour résorber l'informel, ainsi que des avantages fiscaux et domaniaux pour le développement touristique. Cette loi complémentaire prévoit un taux de croissance de 6%, un taux d'inflation de 4%, un produit intérieur brut (PIB) de 13 900 milliards de dinars (valeur courante), mais en volume plus significatif une baisse de 3,9%, des exportations d'hydrocarbures de 67,5 milliards de dollars et des importations de marchandises de 41,3 milliards de dollars. En conclusion, le déficit budgétaire s'établirait à 4 693 milliards de dinars. Comment dès lors affirmer que le déficit budgétaire réel serait de 10% au lieu de 33,3%, que l'on ne touchera pas au fonds de régulation des recettes en invoquant des mesures transitoires qui ne se répéteraient pas dans le temps? Quels segments économiques et couches sociales ciblées transitoires ? Excepté les reliquats des salaires avec effet rétroactif depuis le 1er janvier 2008, les autres augmentations se feront dans le temps et ne sont pas transitoires. Le gouvernement peut-il dans la situation actuelle, au risque d'une explosion sociale, supprimer les subventions, assistant chaque jour à des revendications salariales qui sont satisfaites ? L'Algérie aurait par enchantement et en 2012 /2015 une production hors hydrocarbures afin de créer des emplois durables, permettre des augmentations de salaires grâce à une productivité croissante afin de calmer le front social, qui comblerait la fiscalité pétrolière dont est issu le fonds de régulation des recettes ? Un lecteur averti en lisant mon texte m'a fait remarquer très justement, je le cite: « Même la fiscalité ordinaire est prélevée sur les revenus du pétrole en aval après avoir été accordée sous forme de produits en amont. La TVA sur l'importation constitue l'essentiel de la TVA nationale, soit 60% et les 40% restant sont dans les faits prélevés non sur une valeur ajoutée quelconque mais sur la marge brute intérieure sur les mêmes produits provenant du port. La TAP est prélevée sur les mêmes activités qui pour la plupart consistent en la revente en l'état et pour le reste en mixture et conditionnement de produits importés et en guise d'industrie, grâce aux hydrocarbu-res ». C'est que le blocage est d'ordre systémique (gouvernance mitigée, les institutions étant figées depuis l'indépendance politique, changement de formes mais pas de nature) couplées à la dévalorisation du savoir, le frein à l'entreprise créatrice de richesses, qu'elle soit publique, privée, locale ou internationale évoluant pas ou peu dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. Aussi sans réformes structurelles, il ne faut pas s'attendre dans un proche avenir à une dynamisation de la production et des exportations hors hydrocarbures qui nécessitent de profonds réaménagements structurels à la fois d'ordre politique et économique. (A suivre)