Dans l'économie d'aujourd'hui, les principes de droit budgétaire classique se sont éclipsés pour laisser place nette à l'économie des finances publiques. En ce sens, ils ont évolué en principes économiques épousant la réalité diversifiée de l'action publique (activité macrofinancière de l'Etat). Celle-ci couvre le commerce, l'industrie, la banque, l'assurance, la sécurité sociale qui posent des problèmes d'allocation des ressources, de répartition et de stabilisation, notamment de recouvrement de l'impôt pour financer la couverture sociale et l'ordre public nécessaire au déroulement de l'activité globale. Dans la quête d'une économie performante régulée, la place des finances publiques, quand bien même ne découlant pas de phénomènes marchands, occupe un rang central pour qui veut voir l'Etat activité comme un intermédiaire financier soucieux des grands équilibres sans lesquels les efforts de développement économiques et social sont voués aux déficits récurrents (hors hydrocarbures). Dans le champ de l'économie des finances publiques, le principe d'équilibre budgétaire, devenu principe d'équilibre économique et non plus comptable, justifie la panoplie d'actions mobilisables par l'Etat qui met en jeu des ressources diversifiées dont l'emprunt constitue sa stratégie de financement « par endettement » calculé selon des règles prudentielles dans l'émission et la gestion de la dette publique globale (interne et externe). Dans cette perspective, l'Etat poursuit des objectifs de long terme de lutte contre le chômage, l'impulsion de la croissance par demande et offre, la compétitivité concurrentielle (de ses propres services avec la sphère marchande) et le bien être social. Dans ce champ très varié, l'Etat agit et réagit à travers ses démembrements constitués d'administrations publiques centrales, la sécurité sociale et les dispositifs sociaux, et les administrations locales. La questions que soulève l'économie des finances publiques est de savoir comment sont utilisés le fonds publics ? Ce qui a introduit la nécessité de passer à une étape supérieure qui est celle de l'évaluation des politiques publiques au moyen du contrôle de gestion publique1 (recours aux indicateurs d'activités et de gestion dits de performance). Pour mettre en place des budgets de résultats et non plus des budgets de moyens (objectif de la réforme budgétaire en cours en Algérie). Le consentement à l'impôt des contribuables n'est pas indéfini, un seuil de pression s'impose de lui-même, si l'on veut que l'impôt ne tue pas l'impôt. Autrement dit, l'Etat est mis en demeure de chercher d'autres appoints pour financer ses politiques publiques de deux manières : par la maîtrise de la dépense publique dans le sens de la baisse en volume et l'augmentation en efficacité (efficience) ; par l'accroissement des ressources publiques autres que les ressources fiscales (enjeu principal de l'économie des finances publiques). Qui mieux que l'économie des finances publiques donne à l'Etat les moyens de ses politiques budgétaire, monétaire et fiscale pour diminuer la dépense publique et augmenter la ressource publique par le jeu du marché des capitaux (marché des titres de l'Etat de 10 jours à 30 ans) ? Le fonctionnement de l'Etat dans ce cadre n'est pas libre de tout principe juridique. Ce sont ces principes qui organisent l'acte par lequel le Parlement contrôle l'élaboration et l'exécution des lois de finances par l'Etat. Aujourd'hui ces grands principes du droit budgétaire, au nombre de quatre avec des règles sous-jacentes, ont évolué pour passer de statut d'ordre juridique à celui d'ordre économique. Nous proposons de les rappeler en soulignant à chaque fois comment ils ont changé de statut dans un cadre d'exercice politique démocratique respectant très fortement la séparation des pouvoirs constitutionnels. A-Le principe d'autorisation ou de spécialité Dans tous les pays, c'est le Parlement qui autorise l'Etat à percevoir les recettes et à engager les dépenses. A ce stade, la loi de finances donne une prévision des recettes qui peut être contrariée par la conjoncture (scénario de prévision économique). Le chômage et la récession affectent l'assiette d'imposition et les revenus, ce qui influe négativement sur le volume des revenus fiscaux et impose un cadrage budgétaire annuel. De ce fait, la loi de finances ne peut pas arrêter définitivement les recettes mais elle oblige l'Etat à ne percevoir que ce qu'elle autorise. Comme soubassement à ce principe, la règle de non affectation des recettes enserre le principe d'autorisation puisqu'elle interdit l'affectation d'une ressource fiscale à une dépense donnée. En effet la règle de l'unité de caisse oblige l'Etat à ne pas répartir a priori les recettes en les affectant à des dépenses. Deux objectifs sont poursuivis ainsi : Pas de sanctuarisation des dépenses : dans le cas où le rendement de l'impôt est supérieur à la dépense correspondante ; Pas de gaspillage : pas d'assurance ex-ante à une dépense. Ce principe a connu des exceptions par la mise en place des budgets annexes (spécifiques aux services de l'Etat à caractère industriel et/ou commercial) et des comptes spéciaux du Trésor au nombre de six : Comptes d'affectation spéciale ; Comptes de prêt (prêts accordés en appui au développement économique et social) ; Comptes de commerce (achat globalisé de moyens de services) ; Comptes des opérations d'Etat à Etat (prêts publics entre gouvernements) ; Comptes d'avances aux collectivités territoriales ; Comptes d'opérations monétaires du Trésor. L'Etat s'oblige à la dépense pour soutenir l'activité globale. bans le cas de budget cyclique (budgétisation pluriannuelle) l'Etat fait des économies budgétaires pour les réaffecter à des activités en baisse, en fonction de la conjoncture économique. B- Le principe de l'annualité (dit de periodicité) Par le passé l'étendue de la période budgétaire était annuelle suivant l'année civile dite année d'exercice par rapport au système comptable public en place. Donc l'autorisation parlementaire est valable pour une année au bout de laquelle l'Exécutif, pour prétendre à une nouvelle loi de finances, doit présenter son quitus en la forme d'une loi de règlement budgétaire (bilan d'exécution de la loi de l'année N-i pour obtenir la loi de finances de N.1). L'évolution du rôle de l'Etat en économie a atténué ce principe en raison de la nature des dépenses d'infrastructures (réalisables à moyen terme) et les dépenses en capital à moyen long terme aussi (prêts, participations, dotations etc.). Cette évolution a montré la nécessité de : assurer la continuité des budgets successifs : Dans les faits l'activité macro financière de l'Etat ne peut pas respecter le principe d'annualité. Aussi les services votés (reconduits) présentent l'incohérence d'être inefficaces et échappent à toute évaluation, ce qui les rend difficiles à comprimer en cas d'inflation par exemple ; autoriser des programmes au-delà de l'année budgétaire (autorisation d'engagement de programme pluriannuel accompagné de crédits de paiement annuels) : compte tenu des investissements de moyen et long terme. consacrer l'optique de gestion : permet un assouplissement à la règle de l'annualité en ce sens qu'elle permet de décaler la clôture budgétaire pour certains types de dépenses (nécessité comptable de reddition de comptes). A ce titre, le principe d'annualité implique le choix d'un système comptable. En Algérie nous évoluons du système de gestion (système de caisse ou de trésorerie) vers celui de l'exercice (système de comptabilité d'engagement dit de droits constatés ou encore comptabilité patrimoniale). Le système de gestion arrête les comptes de l'année (dépenses et recettes) du 1er janvier au 31 décembre. Le système d'exercice prend en compte le fait générateur de la recette et de la dépense quel que soit le moment de l'encaissement ou du décaissement effectif (permet de gérer les fluctuations et les reports nés de la conjoncture). Comme aménagement substantiel au principe de l'annualité, la programmation budgétaire pluriannuelle est venue consacrer des méthodes de gestion et de rationalisation de choix budgétaires (mise en place des contrats d'objectifs entre l'Etat et les entreprises publiques). En ce sens l'approche quinquennale du budget de l'Etat permet un éclairage des choix avec leur incidence financière future, un redéploiement des priorités gouvernementales en recherchant l'efficacité de la dépense, et enfin la fixation d'objectifs de stabilité à moyen terme du déficit public. C- Le principe de l'unité et de l'universalité La loi de finances et le budget sont présentés en un document unique. Ils ne retracent pas des soldes budgétaires mais le tracé fidèle poste par poste des recettes et des déboursements. Ce principe s'est estompé par le recours à l'endettement comme mode normal de financement de certaines activités de l'Etat. Lorsque l'Etat est à découvert et cumule des dettes, il recourt à l'emprunt public. La massification de la dette exige de raisonner en termes de stocks. Les opérations de gestion active de la dette publique nécessite de ne pas considérer les annuités ou amortissement auxquels s'ajoutent les charges d'intérêt comme de simples opérations de flux de trésorerie. On voit ainsi que le domaine de l'emprunt public échappe au domaine de la loi de finances. En réalité l'existence des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor atténuent formellement ce principe pour en constituer des dérogations à la règle de l'universalité qui veut dire qu'il n'y ait pas d'affectation de recettes à des dépenses (règle de non-affectation) et pas de contraction du produit brut (aucune compensation entre recette et dépense). Cette dérogation n'en est pas une, en ce sens, que la charge de remboursement du capital des emprunts de l'Etat venant à échéance n'est pas une charge du budget de l'Etat. Celui-ci retrace uniquement le service de la dette, c'est à dire, la seule charge des intérêts. Le remboursement des emprunts de l'Etat est retracé en tant qu'opérations de trésorerie. Ce que les députés et sénateurs sont en droit d'exiger c'est le montant global des amortissements qui devrait figurer dans la loi de finances. D- Le principe de l'équilibre budgétaire : entre l'équilibre comptable et l'équilibre économique Signification historique du principe : ni excédent ni déficit, toute dépense se devait d'être couverte par une recette au XIXe siècle. L'Etat (fonctions régaliennes liées à l'ordre public) étant un agent fournissant des biens et services non fournis par le secteur privé dans des conditions d'efficacité (profit). L'exception : elle est liée à l'évolution historique des rôles de l'Etat (allocation optimale des ressources, régulation, stabilisation, information etc.). L'Etat emprunte pour financer, par exemple, les infrastructures. Cet emprunt est supporté par des dépenses qui ont des effets intergénérationnels. C'est à dire que l'endettement de l'Etat profitera aux générations futures. Donc les dépenses sont réparties sur des générations différentes qui profiteront du bien-être économique et social actuel et futur. Ce qui permet à l'Etat de rembourser sa dette de manière douce par des contribuables en lignée, c'est à dire non contemporains (principe d'endettement et de remboursement par anticipation). ACTUALISATION DU PRINCIPE : Désormais le recours à l'emprunt va se justifier puisque l'équilibre budgétaire sera recherché à travers le budget cyclique3 (budgétisation pluriannuelles) correspondant à un cycle économique (minimum 5 ans) 4. D'où : Croissance : période favorable de la conjoncture, le budget doit être présenté en excédent ; L'excédent doit être utilisé en période de forte baisse d'activités, si besoin avec des déficits. Favoriser le déficit pour soutenir l'activité économique (cas de forte baisse des revenus). Le déficit keynésien favorise le maintien du plein emploi en économie de marché : y compris par recours au financement monétaire du déficit qui va contribuer à la stabilité du PIB et la lutte contre le chômage. Il y a lieu de se garder de l'excès de déséquilibre financier de nature inflationniste parce que : On peut sous-estimer le rôle de l'inflation sur la répartition des ressources et l'emploi ; On peut sous-estimer la contrainte extérieure : des prix élevés minent la compétitivité interne et agissent sur le solde commercial (négatif) et l'emploi (chômage) ; Des phénomènes d'éviction financière peuvent se manifester (effet cliquet dit d'inertie sans aucune transparence). Pourquoi le déséquilibre ? Parce que l'équilibre ne doit pas se tenir en réduisant les investissements productifs et en défavorisant les dépenses sociales incompressibles. Ce que Keynes appelle un mauvais équilibre budgétaire. Avec les nouvelles visions d'activités du ministère des Finances, dans le cadre de la modernisation du secteur public, l'équilibre devrait être recherché à travers la maîtrise des dépenses de fonctionnement (train de vie de l'Etat) et pas au détriment des dépenses en capital y compris le capital humain. En montrant une volonté de rigueur dans ses dépenses, l'Etat recourt aux déficits par emprunt (devenu mode normal de financement des dépenses publiques), par création monétaire (exceptionnel) et autres techniques (gestion active des ressources et des dépenses), en respectant les règles prudentielles, s'agissant de déficit ou d'impasse budgétaires. Déficit budgétaire : dépenses définitives supérieures aux recettes fiscales. Les dépenses définitives étant des dépenses non remboursables comprenant les dépenses courantes de fonctionnement, les dépenses de transfert, les dépenses en capital (investissements de l'Etat dans le domaine civil et militaire). Le remède restait pour l'Etat, par le passé, de se comporter comme un agent non financier (ANF) puisqu'il va recourir à la planche à billet ou à l'emprunt pour financer son déficit, dans des conditions souvent inefficaces. Impasse budgétaire : Elle est constatée lorsque les dépenses totales de l'Etat (dépenses définitives, dépenses temporaires, dotations en capital sous forme de prêt), sont supérieures aux recettes fiscales. Dans ces conditions on peut être en face de deux situations D'un déficit et d'une impasse budgétaires ; D'un excédent budgétaire (dépense définitives inférieures aux recettes fiscales) et d'une impasse budgétaires (dépenses totales supérieures aux recettes fiscales). Si l'impasse est due aux seuls facteurs des opérations temporaires de l'Etat (remboursables) le remède étant pour l'Etat de se comporter comme un intermédiaire financier puisqu'il va emprunter (si possible aux meilleures conditions d'efficacité) pour prêter à d'autres qui lui sont rattachés d'une manière ou d'une autre. C'est le cœur des nouvelles missions qui seront issues des réformes en cours (la réforme financière doit s'intéresser, en priorité, aux nouveaux rôles du Trésor en économie de marché). Le principe comptable d'équilibre budgétaire n'a plus le même sens du principe d'équilibre budgétaire au sens économique. La gestion active de la dette constitue l'instrument moderne de gestion susceptible de faire fructifier les dépenses et les recettes de l'Etat (former des profils de fonctionnaires aux finances de bourse dite de marché complémentaires aux finances publiques pour aboutir à l'économie des finances publiques). Notre ministère se doit de faire maîtriser cet instrument moderne par tous les circuits du revenu et de la dépense (nécessité urgente de réorganiser le ministère des Finances pour mettre ses structures en état de travailler en vases communicants). Dans la réalité économique, et le jeu des écritures publiques, l'équilibre budgétaire au sens comptable strict n'a plus de sens. Les déficits de l'Etat seront toujours bons si ses actifs les couvrent dans les marchés de capitaux (national et international avec l'ouverture en cours). 1- L'action publique reste spécifique par rapport au contrôle de gestion d'entreprise. La tentative pour l'Etat de recourir à la comptabilité commerciale prend en charge cette spécificité. 2- Grâce à la réforme budgétaire en France (LOLF : loi organique des lois de finances de juillet 2001) on s'est rendu compte que la représentation nationale ne contrôlait en fait que 6% des dépenses de l'Etat de toute nature. Aujourd'hui, elle est passée à 100% grâce aux nouveaux systèmes budgétaires mis en place. 3- Tant que l'Algérie est dans une logique de développement d'infrastructures de toutes sortes. 4- S'assurer de la bonne continuité des budgets successifs, et se garder des modifications techniques et des variations de prix d'un investissement public (obsolescence du capital). Si les crédits prévus sont supérieurs aux crédits consommés l'optique de gestion favorise le financement de subventions économiques à la recherche et l'innovation ou l'aide à l'emploi.