Le maintien d'un prix de 19 dollars le baril de pétrole brut comme base de référence à l'élaboration du budget de l'Etat pour l'exercice prochain devra vraisemblablement valoir au gouvernement de vives critiques, lors de l'ouverture, le 6 novembre prochain, des débats en plénière sur le projet de loi de finances pour 2006 à l'Assemblée populaire nationale (APN). Alors que les cours du pétrole sur le marché mondial se maintiennent actuellement à un niveau de plus de 60 dollars et que les prévisions les moins optimistes écartent tout éventualité d'un retour à court terme à un baril à prix bas, les pouvoirs publics ont, pour leur part, jugé bon d'observer une politique de rigueur budgétaire ; en optant pour le maintien d'un prix de référence de pétrole brut à 19 dollars le baril. Tel que motivé à travers le texte de présentation du projet de loi des finances 2006, ce choix obéirait avant tout à la préoccupation de " prémunir la dépense publique d'éventuels retournements brutaux de la conjoncture du marché pétrolier ". Sont avancées, en guise d'argumentaire, certaines prévisions émanant " d'institutions internationales spécialisées " qui prévoient " une contraction du prix du baril de pétrole brut en 2006 par rapport à son niveau moyen en 2005 ". " La même source d'information (des institutions internationales spécialisées, ndlr) indique que les croissances économiques en Chine et en Inde, pays contribuant fortement ces dernières années à l'accroissement de la demande d'énergie, seront légèrement en recul en 2006 par rapport à 2005.'' Aussi, en ordonnançant les recettes et dépenses prévisionnelles de 2006 sur la base d'un prix du baril à 19 dollars, le gouvernement a pris option pour une politique de rigueur budgétaire, en favorisant une accumulation des plus-values de la fiscalité pétrolière à travers le Fonds de régulation des recettes (FRR). Justifiée par l'impératif de prémunir l'économie nationale contre l'imprévisibilité du marché pétrolier mondial, cette option est également présentée comme étant à même de " contribuer à contenir l'inflation dans un contexte de forte progression de la dépense publique ". Il s'agit ainsi de veiller à limiter au mieux, à travers le FRR, la monétisation des ressources disponibles afin de contrer les risques d'éventuelles poussées inflationnistes. Au demeurant, l'option pour un prix de cadrage du budget à 19 dollars le baril découle également d'un souci du gouvernement de " contenir la dépense dans des niveaux soutenables à terme et en adéquation avec les capacités d'absorption des financements". En clair, il est question non seulement d'économiser pour les années à venir, mais aussi de maintenir le niveau de la dépense dans des limites répondant aux capacités réelles d'utilisation des ressources et d'investissement sur le marché national. Reste que le FRR, qui fut introduit à l'origine afin d'épargner quelques surplus de recettes, s'avère être aujourd'hui bien plus alimenté que le budget de l'Etat. Maîtriser les dépenses de fonctionnement Le prix de 19 dollars le baril de pétrole, fixé comme base de référence au budget de l'Etat, " est un train historique qui vise à rapprocher le niveau des recettes de celui des dépenses ". C'est en ces termes que l'ex-ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, avait présenté, l'année dernière, les nouvelles orientations de la politique budgétaire que le gouvernement compte observer durant la période 2005 -2009, soit tout au long du second mandat du président Bouteflika. Selon l'ex-ministre des Finances, il est ainsi question de freiner les dépenses publiques, notamment celles allouées au titre du budget de fonctionnement, car, avait-il alerté, " quand l'Etat dépense plus au titre du budget du fonctionnement que pour celui de l'équipement, cela veut dire qu'il consomme plus qu'il n'investit et qu'il ne laisse pas beaucoup de champ à ceux qui font la croissance ". Maîtriser la dépense publique tout en favorisant le budget d'équipement sur celui de fonctionnement pour donner la priorité à l'action économique de l'Etat plutôt qu'à celle sociale, tels sont donc les principaux ingrédients de la politique budgétaire que les pouvoirs publics ont concoctée pour les quatre prochaines années. Cette nouvelle orientation, axée sur la rigueur, s'affiche clairement à travers le projet de loi de finances 2006. Sur la base d'un cadrage macroéconomique faisant ressortir des indicateurs plutôt au vert, ce projet oriente en effet le gros de l'effort budgétaire vers l'alimentation du budget d'équipement, qui progresse de 28,7% par rapport à 2005, contre une hausse légère de 2,2 % pour le budget de fonctionnement. Elaboré sur la base d'un taux de change de 74 DA pour 1dollar (contre 73 DA pour 1$ en 2005), un taux d'inflation stable de 3,5% et une croissance économique prévisionnelle de 5,8 % (contre 5,4 % en 2005), le projet de loi de finances 2006 table au total sur des recettes budgétaires de l'ordre 1667, 9 milliards de dinars, en hausse de 38,1 milliards de dinars (+2,3 %) par rapport à 2005. Le produit de la fiscalité pétrolière passera de 889 milliards en 2005 à 916 milliards en 2006, en accroissement de 1,9% (le taux de change étant passé à 1 dollar pour 74 dinars contre 73 dinars en 2005) et devra ainsi contribuer à hauteur de 55% de la génération de la ressource budgétaire, sur la base d'un prix de 19 $ le baril. Au registre de la dépense publique, le budget 2006 prévoit un montant global de 2631,4 milliards de dinars, dont 1348 milliards de dinars au titre du budget d'équipement et 1283 milliards de dinars pour le budget de fonctionnement. Ainsi ordonnancé, le budget prévu pour l'exercice prochain induit un tournant dans la politique budgétaire, en mettant le paquet sur l'équipement pour financer le nouveau plan de soutien à la croissance et en limitant les dépenses de fonctionnement. Aussi, force est de relever en définitive que, tant pour " le poste salaire " que pour le budget social, le projet de loi de finances 2006 ne charrie guère d'amélioration notable.