A deux semaines du dépôt des candidatures aux primaires socialistes en vue des élections présidentielles de 2012, retour sur l'invraisemblable parcours de Dominique Strauss-Khan, rare exemple de sabordage politique en direct. Pour prix de la contribution arabe à sa liberté, la France a amputé la Syrie du district d'Alexandrette pour le céder à la Turquie, son ennemi de la Première Guerre mondiale (1914-1918), et carbonisé au napalm les habitants de Sétif (1945), après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), fournissant dans la foulée à Israël la technologie nucléaire du centre de Dimona (Néguev). A) Un belliciste impénitent Bon nombre de disciples socialistes de Léon Blum imbus de la mission civilisatrice de la France s'engouffreront dans cette voie qui s'est souvent confondue avec l'impérialisme, de Robert Lacoste en Algérie avec ses ratonnades en 1955 à Guy Mollet et son expédition punitive de Suez contre l'Egypte en 1956, à Lionel Jospin et sa qualification de «terroriste» au Hezbollah libanais en 2000. DSK leur a emboîté le pas, nullement découragé par les conséquences de ce bellicisme à tout crin. Alors que l'invasion américaine de l'Irak tournait au désastre, DSK préconisait une intervention contre l'Iran, vainqueur par effet d'aubaine des interventions occidentales contre l'Afghanistan et contre l'Irak, que les deux pays sunnites endiguaient : «On mesure que les Américains se sont trompés de cible : la menace ne venait pas de l'Irak, mais de son voisin perse». «La politique qui est aujourd'hui conduite en Iran sous la houlette d'Ahmadinejad comporte de nombreuses expressions du totalitarisme qui, en tant que telles, doivent être combattues. A ce propos, c'est pour moi une grave erreur d'avoir prétendu, comme l'ont fait Jacques Chirac et son ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, que l'Iran jouait un rôle stabilisateur dans la région. Cela entraîne une confusion sur la nature réelle de ce qu'est le régime iranien actuel. Cela revient à envoyer un message erroné à un pays qui use largement de sa capacité de nuisance ; on le voit au Liban via le Hezbollah, en Irak ou avec le chantage nucléaire qu'il cherche à exercer.» Il n'a échappé à personne que Dominique Strauss-Khan ne déplorait pas le bellicisme américain, juste l'erreur de ciblage de l'Irak plutôt que de l'Iran. Ce faisant, il se trouvait sur ce point sur la même longueur d'onde que Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, l'éphémère voltigeur de pointe de la diplomatie atlantiste du nouveau gouvernement français, passé de «Médecins sans frontières» à «Va-t-en guerre sans frontières», sur la même longueur d'onde surtout des ultra faucons israéliens, sur la même longueur d'onde que ses amis modernisateurs, les «Sarkozystes de gauche», Romain Goupil, André Glucksmann et la cohorte des transfuges de la gauche, qui ont substitué la lutte des places à la lutte des classes. Une sentence édictée sans se préoccuper du sort potentiel des principales victimes par ricochet de l'intervention occidentale contre l'Iran, en l'occurrence leurs alliés pétro-monarchiques du Golfe, sans se préoccuper aussi des griefs iraniens contre la France. Depuis l'avènement de la révolution islamique en 1979, la France s'est trouvée en position de «co-belligérance» face à l'Iran par son soutien massif à l'Irak du temps de Saddam Hussein. Sous la présidence Sarkozy, elle se retrouve de nouveau en pointe contre l'Iran dans le dossier nucléaire. La permanence d'une attitude hostile lui avait valu dans le passé de subir les effets des dommages collatéraux, avec l'attentat contre le quartier général français à Beyrouth (59 morts) en 1983, la prise d'otages français au Liban (1984-1986) et des attentats à Paris même (1986-1988). B) Un philo sionisme exacerbé Le socialisme est le cadet de son souci, de même que l'humanisme. Ce qui lui importe, l'objet même de son engagement politique, c'est le lobbying pro-israélien, embrigader les Français de confession juive dans cette croisade. Longtemps, l'homme a cherché à camoufler cette profession de foi, faite à l'époque où les laudateurs d'Israël berçaient l'opinion sur la pureté de ses armes, afin de ne pas entraver sa candidature présidentielle, mais les faits s'imposent dans toute l'évidence des mots gravés dans le marbre de l'imprimerie : «Je considère que tout juif de la diaspora, et donc de France, doit, partout où il peut, apporter son aide à Israël. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est important que les juifs prennent des responsabilités politiques. En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, à travers l'ensemble de mes actions, j'essaie d'apporter ma modeste pierre à la construction d'Israël». Déclaration sur Europe 1 en 1991 reprise par le Magazine la Vie le 11 avril 2002 sous le titre «Trop Proche-Orient», un article de Slimane Zeghidour. L'idée a-t-elle effleuré l'esprit de DSK qu'il apporte aussi sa modeste pierre à la construction de la France, le pays dont il a été le député, qui a propulsé sa candidature à la tête du Fonds monétaire international, sa modeste pierre à la paix israélo-palestinienne ? Aurait-il échappé à Strauss-Kahn que la grande majorité des juifs de gauche, la mouvance dont il se réclame, justement parce qu'ils sont de gauche, condamne le colonialisme israélien ? La finalité ultime de l'engagement de DSK en politique serait donc, non l'amélioration des conditions de vie de ses concitoyens, mais exclusivement le lobbying pro-israélien. Le socialiste néo-conservateur, si tant soit peu soucieux des intérêts de son pays, aurait pourtant dû se demander ce qu'il pouvait faire pour la grandeur de son pays, la France et non Israël, pour la promotion de la justice, non de l'injustice, de l'égalité, et non des inégalités, de la liberté, et non de l'oppression. Dans ce pays agité par un débat cyclique sur l'identité nationale, ce qu'il était impératif de faire à l'ancien directeur du FMI, bénéficiaire de l'hospitalité du Maroc pour ses vacances à Marrakech, est, non la légitimation de la soldatesque israélienne, mais la mise en œuvre de la promotion du droit du peuple palestinien à une identité nationale et à la souveraineté. (Suite et fin)